France

Emmanuel Macron n'est pas candidat, il est consultant à la présidentielle

Avec son «plan de transformation» précédé d'un «diagnostic», l'ancien ministre et possible candidat emprunte au registre du conseil en entreprise pour asseoir le sérieux de sa campagne.

Emmanuel Macron en meeting à Strasbourg, le 4 octobre 2016 | PATRICK HERTZOG / AFP
Emmanuel Macron en meeting à Strasbourg, le 4 octobre 2016 | PATRICK HERTZOG / AFP

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On ne sait pas si la campagne de 2017 verra naître un candidat des start-uppeurs, bien que les candidats s’efforcent de les séduire. En revanche, on peut parier qu’un des prétendants raflera le titre, plus ou moins officiel, de candidat des consultants. Et Emmanuel Macron s’est confortablement installé sur cette niche électorale. Faute d’appartenir à une tradition politique claire (le peut-être-candidat insiste sur l’abandon du clivage gauche/droite, ce qui est toujours suspect, surtout à gauche), le macronisme est une méthode, dont les emprunts sont plus à chercher du côté des grands cabinets de conseil en organisation que de la science politique.

En posant comme première pierre de sa démarche un «diagnostic» de l’état de la France, préalable à un «plan de transformation» de la société, Emmanuel Macron emprunte la terminologie des missions de conseil, dans lesquelles une phase d’audit précède celle des préconisations et enfin la mise en œuvre des orientations proposées.

L’image du diagnostic renvoie a priori à l’univers médical (selon un participant au meeting de Macron s’exprimant à la tribune, «un bon médecin commence par nous écouter, et procède à un diagnostic et à des analyses avant de prescrire un traitement.») Mais elle s’applique aussi à la mission-type dans laquelle le consultant-candidat prend le pouls de la société avant de lui administrer son plan de changement. Les 25.000 questionnaires recueillis par l’équipe de son mouvement En marche ! lors de la phase de rencontre avec les Français ont nourri cet audit, dont l’homme politique-consultant a tiré la synthèse présentée lors d’un meeting à Strasbourg mardi 4 octobre, après avoir laissé la parole à des sympathisants faisant en quelque sorte office de cas-client types. Un meeting qui avait, comme lors du lancement de son mouvement, des airs de conférences TED, événements dont les consultants raffolent.

Schéma de mission de conseil stratégique intitulé «méthodologie de conduite de projet» | RHB Consultants

Le porte-parole des insatisfactions

Dans Libération, l’ancien ministre explique le 3 octobre qu’il veut, avec sa «marche» auprès des Français, «mieux cerner les problèmes concrets des gens, les sujets sur lesquels ils souhaitent vraiment des réponses», pour ne pas faire «un programme politique dont on ne sait pas s’il correspond aux vraies problématiques des gens». Lors de son meeting étaient diffusés les avis des Français interviewés par En Marche!. Macron tire ainsi une légitimité de la volonté de changement qui s’exprime, se positionnant comme le porte-parole des insatisfactions plutôt que comme un leader politique qui entend convaincre un électorat. Comme consultant, Emmanuel Macron affecte un devoir de réserve sur l’état de la France. Il se contente d’enregistrer les doléances du client et de les reformuler pour ensuite proposer le plan d’action qui s’impose. La suite de la mission sera pour le prochain meeting. Deux sont déjà prévus: le 11 et le 18 octobre au Mans et à Montpellier autour de thèmes plus précis.

Cette participation du public qui rappelle les remontées du terrain organisées par les clubs Désir d’Avenir de la candidate Ségolène Royal en 2007 se double de l’apport de véritables entreprises de conseil. Le même article de Libération cité plus haut indique que Macron a travaillé avec Liegey Muller Pons, un trio de spécialistes de l’optimisation du ciblage des campagnes de porte à porte par l’analyse des données électorales, ou encore Proxem qui a réalisé une analyse sémantique à partir des réponses recueillies (et qui a par ailleurs réalisé mon audit éditorial à partir des articles que j'ai écrits pour Slate).

Chaque candidat construisant sa campagne à la marge du monde politique ou de son clivage élémentaire doit compenser ce flou par une créativité formelle. Cela se retrouvait avec le participatif matiné de web 2.0 de Ségolène Royal ou avec les «faizeux» de l'écrivain Alexandre Jardin (et de son mouvement Bleu Blan Zèbre lancé en 2014), citoyens de la société civile qui retroussent leurs manches. Mais c'est peut-être la première fois que l'imaginaire des cabinets de conseil investit à ce point la pré-campagne. 

L'ex-ministre Macron n'est pourtant pas le seul à organiser sa campagne en mode projet: on pense ainsi à Arnaud Montebourg et à son «projet France», un «projet [...] alternatif aux appareils politiques et audacieux pour inventer notre futur». Là aussi on promet des «solutions nouvelles et concrètes» loin des appareils partisans. Comme si, à défaut d'une orientation à donner à une politique, on se contenterait du registre de l'action et de son évaluation.

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