Dès le début du débat entre Hillary Clinton et Donald Trump, les journalistes américains ont noté une chose: alors que la candidate démocrate appelait constamment son adversaire par son prénom («Donald»), ce dernier répliquait en l'affublant de son ancien titre («secrétaire d'État Clinton»). En lui demandant d'ailleurs, au début du débat, si cela lui allait, ajoutant, avec son aplomb coutumier: «Oui, cela vous va? Je veux que vous soyez très heureuse. C'est très important pour moi.»
Anecdotique? Pas si sûr. Ma consœur de Slate.com Christina Cauterucci avance une série d'intéressants arguments. Pour Clinton, appeler son adversaire «Donald» était une façon de rappeler, en creux, qu'elle ne pouvait pas l'appeler «député Trump» ni «sénateur Trump» ni «gouverneur Trump», puisqu'il n'a été ni député, ni sénateur, ni gouverneur, bref ne bénéficie d'aucune expérience gouvernementale (un argument que Trump pourrait d'ailleurs facilement lui retourner, lui qui a passé le débat à souligner que cela faisait «trente ans» qu'elle était impliquée dans le gouvernement des États-Unis, et a plus largement construit sa campagne sur le ressentiment contre l'establishment de Washington). Il s'agissait aussi de le priver de son nom de famille, qui constitue sa marque favorite. Voire, pourrait-on arguer, de lui parler comme on parle à un enfant turbulent et menteur.
En revanche, elle ne souligne pas à quel point, pour Donald Trump, appeler son adversaire «secrétaire d'État Clinton», et pas «madame Clinton» voire «Hillary», fait aussi partie d'une stratégie: il s'agit pour lui de relier, dans l'esprit des téléspectateurs-électeurs, son opposante à son bilan, et à son passif, en tant que secrétaire d'État de Barack Obama entre 2009 et 2013. Un bilan qui, pour lui, tient essentiellement en deux lignes: la politique contestée de l'administration en Syrie (il accuse Obama et Clinton d'y avoir involontairement facilité les desseins de l'organisation État islamique) et l'affaire de son serveur privé d'emails.