Économie

Les start-ups ne sont pas faites pour les petits jeunes

L’expérience professionnelle acquise permet au créateur d’entreprise de s’appuyer sur des réseaux dont ne dispose pas le tout jeune créateur. Pour gagner du temps et trouver des soutiens.

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Le boss | Kumar Appaiah via Flickr CC License by

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Pour se lancer dans l’aventure de la création d’entreprise, une ou un quadra ou quinqua dispose d’un avantage par définition inaccessible à un tout jeune créateur: ses réseaux. Qu’ils soient professionnels, commerciaux ou financiers, ils sont autant d’atouts déterminants pour lancer une activité sur des bases solides.

Ainsi, on assimile trop souvent le créateur de start-up à un geek jeune diplômé plutôt décoiffant, version numérisée de professeur Nimbus voulant concrétiser à travers sa société une idée géniale censée faire sa fortune. La réalité est en fait moins romanesque; elle couvre une terreau plus large qui ne s’applique pas seulement à des débutants qui se lancent dans la vie active un projet en tête. Les moins jeunes ont aussi des cartes à jouer, ce qui n’exclut pas qu’ils aient aussi des rêves de jeunes à vivre éventuellement avec eux.

Rassurer les financiers

Les réseaux se tissent dans le temps, à force d’expérience et au gré des contacts, des collaborations, des partenariats qu’un professionnel peut nouer avant de créer lui-même une entreprise, seul ou en équipe. Ils  sont autant de portes d’entrées sur les marchés ciblés, et d’accès à des relations qui peuvent déboucher sur des accompagnements ou des coopérations sur lesquels la future entreprise pourra s’adosser.  

À 20 ou 25 ans, ces réseaux sont forcément limités. Il existe des solutions parallèles grâce aux pôles de compétitivité et autres incubateurs. Mais lorsqu’on a bourlingué dix ou vingt ans dans un univers professionnel et gravi des paliers en même temps que d’autres à qui on a fourni des prestations ou dont on a pu éprouver la solidité, on gagne un temps considérable lorsqu’il s’agit ensuite de s’appuyer sur les soutiens ainsi identifiés. On économise aussi beaucoup d’argent en réduisant les aléas de la prospection qui retardent la montée en puissance de l’activité.

Avec un bon réseau, notamment dans le service aux entreprises, le chiffre d’affaires peut se construire sur des bases connues, ce qui rassure les financiers et tous les partenaires de la future société. Mais même sur les marchés grand public, une entreprise a toujours besoin de relais pour accéder aux consommateurs; on engrange plus vite des résultats lorsque ces relais sont déjà constitués.

De nombreuses aides

Pourtant, ce n’est pas la clé d’un succès garanti. Au départ, il faut un projet. Plus il est clair et bien étayé, mieux il sera perçu par tous ceux qui seront sollicités pour le concrétiser –banquiers et fournisseurs en tête. Il faut prendre le temps de le construire, avec l’argumentaire qui valide l’aventure.

Pour le reste, les précautions sont de tous ordres. D’abord, pour trouver le statut de la société à créer, et constituer le capital selon que l’on se lance seul dans l’aventure ou que l’on y entraîne d’autres actionnaires. Ensuite, pour débloquer les soutiens financiers qui concourront à composer la trésorerie de la future entreprise. Les aides peuvent être multiples, en fonction de la situation du créateur.

Pour les demandeurs d’emploi, des indemnités peuvent être débloquées par anticipation et des prêts à taux zéro sont accessibles. Pour les futurs retraités, il existe aussi des dispositions spécifiques. Mais attention, la création ne doit pas se résumer à une chasse aux aides et aux subventions: lorsqu’elles sont consommées, c’est seulement la pertinence du projet qui peut garantir la pérennité de l’entreprise.

Faire le tri dans les conseils

Bien sûr, toutes ces démarches sont chronophages. Mais il faut les considérer comme un véritable travail à plein temps, avec –lorsqu’on a déjà un passé professionnel– des indemnités chômage en guise de rémunération. Les juge-t-on trop complexes? Pas forcément autant qu’on le dit. Des simplifications ont été introduites. De toute façon, lorsqu’on aspire à gérer une société, les tâches administratives font partie intégrante des fonctions, autant sinon plus que le cœur d’activité de l’entreprise. Ce débroussaillage nécessaire pour organiser tous les aspects de la création d’entreprise est une étape incontournable; plus tard, lorsque la société sera créée et même si tout se passe bien, il y aura bien d’autres problèmes comptables et juridiques à régler. C’est une des spécificités de l’aventure. Autant les aborder dans la sérénité.

Toutefois, un créateur n’est pas seul. Entre les services de Pôle emploi, l’Agence France Entrepreneur (AFE) qui a succédé à l’Agence pour la création d’entreprise, les Chambres de commerce et d’industrie (CCI) qui sont un passage obligé, les experts comptables qui ont vocation à accompagner les entrepreneurs, les multiples sociétés de conseil, associations et fédérations, et les banques qui pratiquent des tarifs plus élevés pour les services aux entreprises que pour les particuliers… les conseilleurs sont légion. Toutefois, il faut savoir ne pas se laisser submerger pour conserver une capacité d’appréciation.

Certains avis peuvent être fort utiles pour fluidifier les démarches au moment de la création d’entreprise et de l’obtention d’aides. Et on a toujours intérêt à être attentif aux conseils d’entrepreneurs qui sont eux-mêmes passés par cette étape. Là encore, le réseau est utile. Mais les conseilleurs, institutionnels ou privés, ne sont pas les payeurs. Au moment de la décision, l’entrepreneur en herbe est seul et doit maîtriser tous les éléments de la réponse. Car à toutes les étapes de son aventure, il sera l’unique responsable des effets de ses décisions. Il faut contrôler la prise de risque pour l’assumer au moment du résultat, bon ou mauvais. Le réseau peut faire office de filet de sécurité, mais c’est une éventualité que tout le monde gagne à ne pas devoir tester.

Sur quelque 525.000 entreprises créées en 2015 (dont 40% de micro-entreprises), à peine plus de 260.000 seront actives au-delà de 2020

L’entreprise étendue

Le réseau, enfin, offre une reconnaissance au créateur d’entreprise pour échanger. C’est plutôt bon pour le moral. Car, en France, l’entreprenariat n’est toujours pas valorisé à sa juste mesure. Malgré toutes les campagnes pour promouvoir la petite entreprise, et les initiatives des gouvernements pour favoriser la création et les emplois induits, les TPE et PME en France ne connaissent pas l’essor attendu. Un poste de cadre dans un grand groupe continue d’apporter une reconnaissance sociale plus forte que le statut d’entrepreneur. A fortiori, de nouvel entrepreneur qui doit  faire ses preuves. Question de sécurité et de confort?

La solitude du chef d’entreprise est bien réelle. Mais lorsque, dans un réseau, on peut partager, livrer ses doutes et éventuellement se comparer, voire s’organiser avec d’autres entrepreneurs pour travailler en complémentarité de façon transversale sur le mode de l’entreprise étendue et anticiper l’activité à venir en fonction des projets des autres membres du réseau, ce sont des capacités supplémentaires pour développer le projet de départ. Le jeu collectif procure des atouts pour franchir le fameux cap des cinq premières années d’existence (une entreprise sur deux seulement le dépasse). Ainsi globalement, sur quelque 525.000 entreprises créées en 2015 (dont 40% de micro-entreprises), à peine plus de 260.000 seront actives au-delà de 2020.

Une fois parvenue à ce degré de maturité, toute entreprise qui a franchi les premiers obstacles devient forcément un élément d’un ou plusieurs réseaux. Mais si elle dispose de cette capacité dès sa création, elle augmente les capacités de transformer l’essai. C’est le bénéfice de l’expérience du créateur, dans l’organisation d’une «deuxième chance».

Retrouvez l'ensemble de notre dossier réussite, avec notre partenaire Question(s) de chance. Slate.fr est partenaire du «Lucky Talk #2», un colloque consacré au rôle de la «seconde chance», organisé le 5 octobre 2016 à Paris.

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