Sciences / Santé

L'humiliation subie pendant un examen gynéco n'a rien de drôle

Une appli d'entraide entre médecins rit grassement de l'humiliation d'un examen gynecologique archaïque

Une gynécologue-obstétricienne (C), le 21 juillet 2001, à l'Hôpital franco-britannique de Levallois-Perret. AFP / PHOTO DIDIER PALLAGES
Une gynécologue-obstétricienne (C), le 21 juillet 2001, à l'Hôpital franco-britannique de Levallois-Perret. AFP / PHOTO DIDIER PALLAGES

Temps de lecture: 2 minutes

Pauvres de nous, qui avions, jusque là, sous-estimé le potentiel comique d'un examen pelvien. L'appli MeltingDoc semble, elle, estimer que la rudesse et le mépris de praticiens pour le corps féminin, c'est vraiment trop rigolo.

Il s'agit là d'une vidéo de promotion pour une application visant à faciliter l'entraide entre médecins pour la pose de diagnostiques sur des cas complexes, sur le mode du hashtag #DocsTocToc ou de l'instagram des médecins. Et pourquoi pas? —Même si, comme le signale une directrice d'hôpital sur Twitter, MeltingDoc n'apparaît pas sur la liste des hebergeurs agrées de données de santé.

Ce qu'il va falloir nous expliquer, c'est comment est née, dans l'esprit des concepteurs de la video, l'idée que les humiliations subies par une patiente lors d'un examen gynécologique pouvaient être drôles et pertinents pour faire la promotion de quelqu'outil que ce soit.

La décapitation des femmes et la fragmentation de leurs corps est une pratique courante dans la publicité

Quatre hommes, médecins, infirmiers, se penchent tour à tour sur l'entrejambe d'une femme, sans jamais demander le consentement ni l'avis d'icelle, prennent des photos de son vagin (PRENNENT DES PHOTOS), se concertent, rient, se tapent dans le dos, sans accorder un regard ou une parole à la propriétaire de la paire de jambes. Car la patiente n'a ici ni visage, ni même de corps entier.

La décapitation des femmes et la fragmentation de leurs corps étant une pratique courante dans la publicité, on ne s'étonnera pas ici du parti pris. Pas plus qu'on ne s'étonne, à ce stade, de la façon dont les rôles sont distribués.

Ici, le patient est forcément une femme, assignée à une position de totale soumission, quand les soignants eux, sont tous des hommes tout-puissants, à la mine absorbée. Et ce, au mépris d'une réalité statistique.

Journées portes ouvertes du vagin

La séquence vient donc entériner et normaliser nombres de pratiques qui sont pourtant régulièrement interrogées par les patientes et certains praticiens.

Paternalisme, mépris, examens brutaux, absence de consentement sont dénoncés avec de plus en plus de force. En 2011, déjà, un article de Slate.com remettait en question le rituel de l'examen gynécologique, à poil et les pieds dans les étriers.

En 2014, le hashtag #PayeTonUtérus avait servi à dénoncer les comportements sexistes ou la brutalité de certains professionnels de santé.

On sait aussi qu'on n'est pas obligées d'écarter les jambes mais qu'un examen à l'anglaise est possible. Martin Winckler, martèle, depuis toujours, et particulièrement dans cette vidéo, que «le consentement de la personne examinée doit être recherché dans tous les cas».

Alors comment, en 2016, un examen gynécologique archaïque (une espèce de «journée portes ouvertes du vagin» où des hommes peuvent défiler au-dessus de l'utérus d'une femme sans qu'elle ne puisse jamais exprimer son consentement, ni même la moindre parole) peut-il être montré comme quelque chose de parfaitement normal et, en plus, sur un registre censé faire rire? Probablement parce que persiste encore cette idée, pointée ici, que certains soignants estiment encore pouvoir «bricoler dans un corps peinard comme on le ferait avec une voiture».

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