Temps de lecture: 4 minutes
Absinthes, anisés, armagnacs, calvados, cognacs, fines, gins, liqueurs, marcs, rhums, vodkas, whisky et j’en oublie sous peine de vous perdre –si ce n’est fait– se donnent rendez-vous sur la seconde édition du salon France Quintessence, ce dimanche 11 septembre. Le gratin des spiritueux français, 101 marques proposant 283 références à la dégustation, rassemblé dans toute sa richesse –et on ne manquera pas de s’en enorgueillir puisque la diversité, ces derniers temps, s’apprécie surtout sur les plateaux de fromages et dans le placard à gnôles.
Quelques bouteilles à découvrir cette année I DR
Quintessence avait séduit l’an dernier par la qualité de son offre et son format minimaliste, qui permettait de vraiment prendre le temps de déguster et de discuter avec les producteurs sans distribuer les atémis. Ô soulagement, le salon évite pour son retour de grandir trop vite –je vous laisse vous dépatouiller avec le site pour le nom des exposant et la liste des happenings. Et l’on garde cette illusoire impression qu’on pourra tout goûter. Le mot «illusoire» vous a en principe mis sur la voie: il va falloir faire des choix drastiques.
Transgression dans le cognac
On commence par les polémistes, et contre toute attente vous les trouverez d’abord chez le spiritueux des notables: le cognac. Bache Gabrielsen propose un American Oak, mention qui clignote en gros sur le flacon, en anglais et soulignée d’un «Aged in Tennessee oak barrels» pour ceux qui n’auraient pas saisi la transgression. Emoi en Charentes! Or, en dépit des usages de maturation en fûts de chêne européen neufs (ou roux, c’est-à-dire ayant préalablement contenu du cognac), l’AOC n’interdit pas formellement le chêne neuf américain.Dans le verre? Le rejeton d’un cognac qui aurait couché avec un bourbon: boisé, vanillé, caramélisé. A la troisième lampée vous croyez boire du Jack (en meilleur).
Aucun autre salon des spiritueux ne réunit une telle brochette de whiskies français
Larsen se distingue en sortant deux éditions dans des flacons et sous étiquettes identiques, Summer Blend et Winter Blend. Sauf que. Le premier n’a vieilli que six mois, loin des deux ans règlementaires pour bénéficier du flocage cognac. Le BNIC, le lobby interprofessionnel chargé de veiller à l’intégrité de l’appellation, a dû adorer (ça tombe bien, Larsen est dirigé par un ancien du Bureau)... Vifs, nerveux en bouche, les deux jus visent les as du cocktail, et les recettes sur les bouteilles ne vous égarent pas.
Vous avez dit whisky français?
Partons ensuite à la rencontre du whisky français, parce que n’est-ce pas… (J’ai dû me faire violence pour ne pas commencer par là.) On prendra tout son temps car aucun autre salon des spiritueux ne réunit une telle brochette. Armorik (avec Dervenn, son dernier-né), Le Domaine des Hautes Glaces, Uberach, Rouget de Lisle, Rozelieures, Mavela (P&M), Lehmann (Elsass), Ferroni (Roof Rye), Eddu (avec sa cuvée Diamant), Bellevoye (qui assemble 3 singles malts français) et Bercloux (avec des malts qui n’ont pas encore l’âge d’être appelées «whisky», mais extrêmement prometteurs –il lance son tourbé à Quintessence) devraient vous occuper une bonne partie de la journée. Si vous vous en tenez là, personne ne vous jettera des pierres.
Mais considérons que vous avez pris des forces. Il est temps à présent d’attraper son courage à deux mains pour se risquer sur le bizarre. L’inédit. L’original. L’insolite. L’étrange.
Et comme on n’est jamais à l’abri d’une bonne surprise, le Gin Olive de Manguin est une pure tuerie aromatique: trois variétés d’olives dénoyautées ont macéré dans l’alcool avant d’être redistillées en alambic charentais. On en fait des martinis de malade.
Votre apéro, vous le préférez en spray ou au lait?
Ces eaux-de-vie 100% naturelles, je suis certaine que vous ne les sifflerez pas cul sec: Garden Party les décline en basilic, carotte, concombre, romarin, thym, tomate séchée… Et les présente en spray. A vaporiser sur les cocktails ou les petits plats –j’ai testé, c’est top. (Me demande si ça compte dans les 5 fruits et légumes par jour… On va dire que oui.)
Le batch proposé l’an dernier tirait sur la fraise Tagada avec des notes de crocodiles en gélatine
Vous voyez les bouteilles de lait, là, sur le stand de La Capricieuse? Eh bien ce sont des liqueurs berrichonnes, élaborées avec du lait de chèvre, et aromatisées aux plantes pour l’une et au miel pour l’autre. C’est… comment dire… surprenant. La première exhale des notes herbacées, comme un déjeuner de crottins de Chavignol posé sur la nappe étendue dans les prés. La seconde, plus sucrée, avait commencé à cailler dans le flacon de mon échantillon, et je crois désormais savoir ce qu’on ressent en roulant une pelle à une bique –d’ailleurs, les producteurs se proposaient d’en faire venir une. Allez tester (la liqueur, pas le patin à la chèvre).
Un dernier stop chez Brenne avant d’en finir avec le baroque. Allison Patel est une Américaine qui fait distiller ses whiskies (je sais, je n’ai pas osé les classer avec les autres) à Cognac et les présente dans d’élégantes bouteilles de bordeaux. Là encore, je vous encourage à allez goûter. Ne serait-ce que pour imaginer ce que donnerait la distillation de bonbons Haribo. Le batch proposé l’an dernier tirait sur la fraise Tagada avec des notes de crocodiles en gélatine. J’ai hâte de déguster le prochain.
Le meilleur pour la fin
On va se séparer à présent en gardant les musts, le divin, le merveilleux pour la fin : les eaux-de-vie de poire Williams de Manguin, les calvados de Guillaume Drouin, les armagnacs de Dartigalongue, les petits bonzaïs distillés par Nicolas Julhès, les cuvées du Centenaire et Quintessence de Grand-Marnier (gloussez, gloussez, mes amis : je maintiens), les marcs de Champagne Moutard Diligent, les ratafias de Julien Chopin. Et les cognacs de Grosperrin, qui expédie la définition des spiritueux dans un au-delà miraculeux. Ne commencez surtout pas par ce stand: la dernière fois que j’ai commis cette erreur, je n’ai pas pu en bouger, et n’ai rien goûté d’autre.
— Salon France Quintessence, dimanche 11 et lundi 12 (journée professionnelle) au Pavillon Ledoyen, à Paris. Entrée à partir de 20 euros. Sur le site, le code promo SLATE vous offre 40% de réduction (excepté sur le dîner)