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Pourquoi l'Irlande ne veut pas des 13 milliards d'euros d'Apple

La Commission européenne veut obliger Apple à payer ses impôts à l'Irlande, mais l'Irlande ne le souhaite pas. Comment le pays peut-il refuser autant d'argent?

le 30 août 2016, devant un Apple Store à Londres | DANIEL LEAL-OLIVAS / AFP
le 30 août 2016, devant un Apple Store à Londres | DANIEL LEAL-OLIVAS / AFP

Temps de lecture: 2 minutes - Repéré sur Irish Times, The Guardian, The Daily Beast

Plus de treize milliards d'euros. La somme a de quoi donner le tournis, et il y a de quoi. Apple a été sommé par la Commission européenne de rembourser treize milliards d'euros d'impôts impayés depuis dix ans à l'Irlande. La firme à la pomme a en effet bénéficié pendant toutes ces années de conditions fiscales avantageuses dans le pays –2% par an alors que le taux est 12,5%, précise Le Monde. Pour Margrethe Vestager, la commissaire européenne en charge de la concurrence, tout ceci est illégal parce que, comme l'explique Quartz, «selon les règles de l'UE, il est illégal de donner des avantages fiscaux sur mesure à des entreprises individuelles».

Pour se rendre compte de l'importance de ce chiffre, avec cet argent, l'Irlande pourrait s'offrir vingt nouveaux hôpitaux, presque tripler le plan actuel sur la construction des logements sociaux, ou encore abolir les taxes foncières de tous les résidents irlandais pour les vingt-six prochaines années, a calculé l'Irish Times. D'autant que, comme le rappelle le Daily Beast, l'Irlande a souffert «d'années d'austérité, de coupes, et a connu le renflouement de banques le plus important du monde par habitant». Apple a moyennement apprécié et annoncé qu'elle allait faire appel de cette décision qu'elle qualifie de «néfaste pour l'investissement et la création d'emplois en Europe». Du chantage, en somme.

L'Irlande n'est pas d'accord

Mais, plus étonnant, l'Irlande est elle aussi montée au créneau pour demander à ce qu'Apple ne lui verse pas les treize milliards d'euros. Le ministre des finances irlandais, Michael Noonan, a indiqué être «en profond désaccord avec la Commission». Le Monde rappelle par ailleurs que «ces derniers mois, Apple et Dublin avaient prévenu qu’ils pourraient faire appel d’une décision bruxelloise devant la Cour de justice européenne».

Dans l'Irish Times, le journaliste Cliff Taylor explique pourquoi l'Irlande ne souhaite pas toucher à cet argent:

«Alors que le système d'impôts irlandais a changé ces dernières années, cette décision va créer de l'incertitude sur la structure d'impôts que l'Irlande peut proposer aux investisseurs à l'avenir, même si le gouvernement assure à grands cris que ce n'est pas le cas. Cela ne va pas aider l'Irlande à attirer des investissements directs étrangers –ni l'Europe. Les dégâts commis par la commission vont être difficiles à effacer, même si Apple a rappelé son engagement en Irlande.»

Du marketing fiscal

La réputation de l'Irlande peut-elle ainsi être profondément entâchée par cette décision? C'est ce qu'avance le Guardian:

«Une réunion ministérielle aura lieu mercredi à Dublin pour discuter des conséquences de cette décision. Au cœur des objections de l'administration de Fine Gael, se trouvent “les dégâts réputationnels” aux yeux de nombreuses autres multinationales américaines qui pensent à établir leur base européenne en Irlande.

 

Fine Gael, le principal parti d'opposition Fianna Fail et de nombreux autres députés indépendants qui occupent des postes de ministres dans le gouvernement de coalition soutiennent ce régime d'impôts faibles pour les multinationales, car cela a créé des centaines de milliers d'emplois.»

L'élite politique irlandaise voit cette décision comme une revanche face à «un pays qui chérit sa taxe sur les entreprises à 12,5%, qui a longtemps énervé les autres nations européennes qui ont des taux d'imposition nettement plus élevés, et voient la politique d'imposition de Dublin comme une absence de solidarité européenne», souligne le Daily Beast.

«Ce faible taux d'imposition avec Apple a aidé à contribuer grandement au développement de Dublin en une pépinière de start-ups et d'entretreprises du secteurs des nouvelles technologies. Google, Facebook, Airbnb, et Paypal sont tous des résidents de ce que l'on appelle désormais les Silicon Docks

Loin de l'Irlande, il y a quelques mois, on apprenait que le maire de Cupertino (où est basée Apple aux États-Unis) se battait pour que l'entreprise américaine paie plus d'impôts dans sa ville.

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