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Comment Facebook est devenu un repaire de néonazis en Allemagne

Un journaliste allemand a passé des semaines à infiltrer des groupes d'extrême droite et a pu constater la teneur des discussions.

Des militants ont écrit «Facebook dislike» sur la façade du siège allemand de Facebook à Hambourg, le 13 décembre 2015 | BODO MARKS / AFP
Des militants ont écrit «Facebook dislike» sur la façade du siège allemand de Facebook à Hambourg, le 13 décembre 2015 | BODO MARKS / AFP

Temps de lecture: 2 minutes - Repéré sur Der Tagesspiegel, Süddeutsche Zeitung

Ils s'appellent «Réflexion Reich allemand», «Les patriotes se montrent sur leur vrai jour et se battent pour leur avenir», «Milice: pour la protection de nos femmes»... Tous ces groupes présents sur Facebook sont fermés, c'est-à-dire que leur contenu n'est pas public et que leurs membres ont été approuvés par leurs administrateurs. Dans ces espaces de discussion privés, les néonazis allemands déversent quotidiennement leur haine des réfugiés sans être inquiétés.

Pendant plusieurs semaines, Jan Werkener, journaliste au quotidien Der Tagesspiegel, s'est infiltré dans ces groupes de discussion racistes en se créant un profil Facebook sous une fausse identité. Après avoir envoyé quelques demandes d'amitié à des utilisateurs qui clamaient ouvertement leur appartenance à l'extrême droite via leur pseudo ou leur photo de profil, le journaliste s'est retrouvé, en un mois, avec plus de 1300 amis et il est devenu membre de quelques douzaines de ces groupes.

La majorité des discussions de ces groupes tournent autour des réfugiés. Insultes, appels à la violence, réjouissances lorsqu'un foyer pour réfugiés a été incendié... Le tout ponctué de «smileys avec des moustaches d'Hitler et des émoticônes avec un bras droit tendu», écrit l'auteur de l'article. Ces échanges ont lieu en toute tranquillité car la politique actuelle de Facebook consiste à ne contrôler les propos critiques tenus par ses utilisateurs qu'après que ceux-ci ont été signalés par un autre utilisateur du réseau social.

Aucune dénonciation

Ces groupes fermés étant constitués d'utilisateurs partageant la même idéologie, il n'y a donc dans les faits aucune dénonciation entre utilisateurs. Le laisser-faire de Facebook paraît d'autant plus injustifié que le réseau social ne se gêne pas pour supprimer les posts voire les profils de milliers d'utilisateurs lorsque ceux-ci sont publics, sans même prendre la peine d'en nommer la raison, dénonce par ailleurs le quotidien Süddeutsche Zeitung.

Les groupes secrets de Facebook, ceux qui n'apparaissent pas dans le moteur de recherche du réseau social (et dans lesquels il n'est possible d'entrer que sur invitation), jouent eux le rôle de véritables défouloirs. Le journaliste a pu s'infiltrer dans des groupes nommés «Nous ne sommes pas des esclaves», «Armada Germania», «milice Berlin» ou encore «Contre la fraude au droit d'asile et la violence d'extrême gauche». Les propos y sont encore plus crus, les menaces proférées à l'égard des étrangers souvent très détaillées. Les utilisateurs s'y échangent par exemple des conseils pour se procurer des armes. Ces groupes ne sont eux non plus pas contrôlés par Facebook. Et la police allemande, pour des raisons juridiques, n'a pas le droit d'enquêter sur les forums et les blogs qui ne sont pas publics, souligne le journaliste:

«Mener des enquêtes dans un groupe fermé ne serait possible que dans le cas où une plainte aurait été déposée ou qu'un utilisateur ou un administrateur du groupe aurait contacté la police. La boucle de l'inaction est bouclée.»

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