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Culte à Nice, Hatem Ben Arfa n'aurait jamais dû partir à Paris

Arrivé en surpoids dans la capitale, Ben Arfa n’a pas brillé pour ses premiers matchs avec le PSG. Pourquoi a-t-il quitté Nice, où les gens lui vouaient un véritable culte? À 29 ans, l'ex-enfant terrible du foot français avait pourtant trouvé chaussure à son pied.

Hatem Ben Arfa, le 12 août 2016 I PASCAL POCHARD CASABIANCA / AFP
Hatem Ben Arfa, le 12 août 2016 I PASCAL POCHARD CASABIANCA / AFP

Temps de lecture: 6 minutes

Pour ne pas le vexer, on ne dira pas que David Luiz ressemble à un joueur de playstation contrôlé par un enfant de 10 ans –comme le clamait l’ancienne gloire de Manchester United Gary Neville. Mais quand même. Le défenseur parisien est un vrai gamin. Et pas le dernier quand il s’agit de chambrer ses camarades. Sa dernière victime en date n’est autre que l’une des recrues estivales du PSG: le revenant Hatem Ben Arfa, auteur d’une saison magique à Nice et qui a débarqué à Paris des étoiles plein les yeux.

«Hatem, c’est le premier pour manger», déconne David Luiz devant les caméras, à côté d’un Ben Arfa bien mal en point pour se défendre. Le charisme n'a jamais été l'apanage du gamin au duvet. Autant la vanne est marrante, autant elle en dit long sur l’état de forme de l’ancien aiglon, revenu de ses vacances et de sa retraite dorée sur la Côte d’Azur avec quelques kilos en trop. Résultat: une préparation en demie-teinte, un garçon qui porte trop le ballon, des dribbles qui partent en vrille et des frappes au-dessus pendant les matchs amicaux. Pour une fois que le PSG recrutait Made in France, on s'attendait à autre chose...

Pas de quoi inquiétier le nouveau coach espagnol du PSG, Unai Emery, qui philosophe et tempère les débuts de critiques: «Hatem Ben Arfa manque encore de rythme pour avoir plus de fraîcheur et briller par ses actions. Il travaille bien, comme l’équipe. Nous sommes contents parce qu’au vu de ce travail, il va augmenter son rendement», plaidait-il.

L'amour du public

Il n’empêche, une question se pose: Hatem peut-il percer à Paris, où la concurrence acharnée risque de le faire douter? Et pourquoi avoir quitté Nice, où tout le monde l'aimait? Le bonhomme n'avait aucune raison de partir: après plusieurs années de disette –quatre années à Newcastle et un passage éclair à Hull, avant d'être interdit de venir à Nice pendant six mois–, l'ex-enfant terrible du foot français avait enfin trouvé la régularité qui lui avait toujours manqué. Et l'amour d'un public qui l'avait toujours discuté.

«Quand j'étais petit et que les gens parlaient de moi comme le petit Maradona, je trouvais ça flattant [sic], lâchait-il à So Foot en avril 2010. Mais en grandissant, tu réalises que c'est beaucoup trop d'attente. Quand on n'y répond pas tout de suite, la déception est plus grande

Celui qui était sifflé à 16 ans, à la maison, par les parents des autres joueurs lorsqu'il jouait au centre de formation de Lyon, a pris sa revanche: la saison dernière lui a offert un sacre. Non plus seulement la notorité mais la reconnaissance. Sa non-sélection en équipe de France a d'ailleurs provoqué un mini-scandale dont notre pays a le secret. Si Benzema était écarté pour ses frasques en dehors du terrain, pourquoi Ben Arfa avait-il été oublié par Deschamps? Ses performances étaient unanimement saluées. L'injustice était de retour.

Être un surdoué n'a aucun intérêt si vous n'avez pas les capacités mentales pour vous en servir

Jean-Michel Aulas

Rester à Nice aurait pu être un moyen de conjurer le sort. Se protéger sur la Côte d'Azur pour éviter de nouveaux affronts, comme celui lancé par Jean-Michel Aulas après s'en être séparé:

«Être un surdoué n'a aucun intérêt si vous n'avez pas les capacités mentales pour vous en servir, soufflait le président de l'OL dans le 10 Sport. À l'entraîneur qui l'a entre ses mains de trouver un moyen pour l'aider. Et je peux vous dire que ce n'est pas facile

À Nice, Claude Puel avait su dompter la bête. Il était adulé. Un culte. Une religion. Hatem avait des adeptes qui adoraient ses facéties et se régalaient de voir un tel joueur dans une arène niçoise souvent remplie à moitié. Les ultras en avaient fait leur nouvelle coqueluche. Les minots venaient au stade avec un maillot floqué du numéro 9. On l'avait même vu déambuler déguisé en Père Noël dans les rues du centre-ville de Nice...

À 29 ans, Hatem avait suffisamment d'argent pour se contenter de cet amour: lui qui avait beaucoup promis, qui avait suscité tellement d'attentes, était enfin à sa place. Il avait su fermer des bouches.

Pourtant avant ça, on disait de lui qu'il était cramé. Que son destin devait servir de contre-exemple aux jeunes joueurs talentueux, qui devaient savoir que le talent ne fait pas tout, mais que le mental est essentiel. Il faut dire qu'Hatem a brûlé les étapes depuis son passage à l'OL. Il a donné des cheveux blancs à quelques entraîneurs depuis son passage au club de Voltaire Châtenay-Malabry, dans les Hauts-de-Seine, avant trois ans passées à Clairefontaine, qui l'ont rendu célèbre pour sa performance cinématographique dans un documentaire culte.

Ainsi à Marseille, après avoir enquillé les passes décisives comme numéro 10 sous la houlette d'Eric Gerets, il noie son chagrin sur la touche et refuse même d'entrer en jeu lors du classico OM-PSG, que les Marseillais perdent 4-2. Ubuesque pour un garçon qui se plaint... d'être remplaçant! Tout Ben Arfa est dans cette folie. Se battre avec Djibril Cissé et refuser de jouer. Quitter ses clubs précipitamment et leur forcer la main pour être transférés. Jusqu'à ce que son coach à Hull Steve Bruce dise qu'il n'est «pas digne de l'équipe».

Bref, Ben Arfa a un passif qui lui colle à la peau. Mais l'expérience niçoise a montré qu'il pouvait mettre un couvercle sur ses névroses pour mieux faire exploser les défenses en zigzaguant avec le ballon. «Ma façon de jouer, c'est une façon de voir la vie, jurait-il encore dans So Foot. Par exemple, si je n'avais pas été footballeur, je me serais débrouillé, j'aurais monté quelque chose. Peut-être même dans l'illicite, on n'en sait rien. Je ne peux pas être pépère, formaté.» Quoi qu'avec un père footballeur professionnel qui a porté le maillot de la Tunisie, on peut difficilement devenir golfeur.

Hatem avant-centre, une fausse bonne idée

Au Trophée des Champions, Unai Emery a positionné sa nouvelle recrue en pointe, en l’absence d’Edinson Cavani. Résultat: une fausse bonne idée et un fiasco brillant, agrémenté de gestes techniques et d’un premier but. Le numéro 21 parisien nous a gratifié de quelques amuses-bouches pour ne pas faire oublier ses talents de gratteur de ballon (Hatem s'est toujours plutôt vu en 10 ou en 9 et demie). Certes, il fut à l’origine de l’avant-dernière passe pour Pastore qui a décalé Kurzawa pour le premier but. Avant de mettre lui-même son pion seul dans la surface après un centre d’Angel Di Maria. Mais ces stats cachent une performance en demie-teinte. Hatem n’était pas à sa place, tout simplement.

D’ailleurs, ça n’a pas manqué: pour le premier match de Ligue 1 à Bastia, Ben Arfa encore en pointe a déçu. Avant de céder sa place à Jesé, la nouvelle recrue parisienne, qui a débloqué la situation. Il n’en fallait pas plus pour que le débat soit relancé: et si Hatem ne trouvait pas sa place à Paris?

Les dirigeants parisiens m'ont dit que je si voulais gagner la Ligue des champions, ça serait avec Paris et pas avec Séville

Pour justifier sa venue dans la capitale alors que Séville lui faisait les yeux doux, HBA a avancé deux raisons principales: donner de l'émotion aux gens et gagner la Ligue des Champions. Pour le premier, c'était déjà le cas à Nice. Pour le second, Paris ne cesse d'échouer depuis quatre ans. «Les dirigeants parisiens m'ont dit que je si voulais gagner la Ligue des champions, ça serait avec Paris et pas avec Séville. Le choix sportif l'a emporté. Gagner la C1 avec le PSG, ça serait historique», soufflait Hatem en conférence de presse. Mais qui dit écrire l'histoire dit concurrence féroce: «Je suis prêt à partager l'affiche avec de grands joueurs», tranche-t-il. 

«Il a beaucoup grandi mentalement»

«C’est un grand joueur du football français. Il a beaucoup grandi mentalement, il a beaucoup de talent et beaucoup de qualités. Certaines personnes se demandent s’il peut évoluer dans un grand club. Selon moi, la réponse est oui», prévenait Nasser Al-Khelaïfi, le président du PSG.

Tout ça n'enlève pas un certain nombre d'inquiétudes, qui tiennent autant à la philosophie qu'à l'identité même du club dans lequel débarqué Hatem. Dans une équipe qui aime faire tourner le ballon, Ben Arfa paraît décalé: lui aime garder le cuir. Le caresser. En pointe, il a plusieurs fois montré qu’il était incapable de prendre la profondeur. Et son état de forme l’empêche d’effacer toute la défense. Mais Emery a-t-il le choix? Devant, Hatem n’a pas besoin de défendre. Sur un côté, il peut déséquilibrer l’équipe en raison de ses oublis défensifs...

«Chaque match est différent, se défend Ben Arfa. Je me sens normal, je me sens bien. Tant que je suis sur le terrain, je suis content. Je donne le maximum, je fais les efforts pour tous mes collègues».

Avant d’ajouter, sur sa nouvelle position: «Je dois réussir à m’habituer. Si le coach me met là, c’est que je suis utile et efficace. Sinon, il ne me mettrait pas. Il n'y a aucun problème

Longtemps, Ben Arfa n’a pas été régulier. Et longtemps, Hatem n’a pas supporté les critiques. Après Bastia, il a pris les devants: «Unai Emery est là pour me faire progresser, donc je vais rester attentif à ce qu’il me dit et je vais tout faire pour continuer à progresser avec lui.» Quand Cavani reviendra de blessure –le poste de numéro 9 est promis au Matador depuis le départ de Zlatan–, Hatem risque de cirer le banc à nouveau et de jouer une dizaine de matchs comme doublure au milieu de terrain. Sera-t-il assez fort mentalement? Car à Paris plus qu'ailleurs, c'est surtout la pression médiatique qui est dure à supporter...

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