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Garry Marshall, l'homme qui voulait nous raconter des contes de fées

Le réalisateur de «Pretty Woman», «Happy Days» et «Valentine's Day» est décédé le 19 juillet en Californie.

Garry Marshall le 5 octobre 2004 à New York Bowers / Getty Images North America / AFP
Garry Marshall le 5 octobre 2004 à New York Bowers / Getty Images North America / AFP

Temps de lecture: 5 minutes

Depuis ce matin, les tweets de célébrités défilent sur mon écran. De Rob Lowe à Alyssa Milano en passant par le réalisateur Paul Feig, tous rendent hommage à Garry Marshall qui nous a quitté à 81 ans. Tous se rappellent évidemment l’homme extraordinaire qu’il était mais surtout se souviennent qu’ils lui doivent beaucoup.

Il y a toujours comme une immense tristesse qui vous envahit quand vos idoles meurent. Vous avez l’impression qu’un ami, un compagnon vous a quitté. Vous perdez celui ou celle qui a accompagné vos premières fois, votre premier baiser ou votre premier coup de reins, celui ou celle qui vous a aidé à traverser l’adolescence par ses films ou ses chansons. Ce mercredi matin, comme toutes ces célébrités qui, elles, l’ont rencontré et côtoyé, la tristesse est un peu différente. Ce mercredi matin, je n’ai pas l’impression d’avoir perdu un ami mais plutôt d’avoir perdu un grand-père.

Mes premiers vrais souvenirs de télé, c’est à lui que je les dois. J’ai sept ans quand débarque Happy Days sur la Cinq et c’est une révélation. Ma mère vous dira que c’est Starsky & Hutch. Moi, j’ai l’impression que Fonzie est vraiment le premier grand héros de ma vie, son blouson de cuir marron, sa démarche, son peigne devant le miroir et son écharpe rouge.

Happy Days: Potsie, Richie, Fonzie, et Ralph Malph, via Wikipedia. 

 

«Il est comment Fonzie?» demande Jules à Yolanda dans Pulp Fiction. «Il est cool», lui répond-t-elle. Voilà. Tout est dit. Il est cool et seule une personne vraiment cool pouvait créer un personnage comme Fonzie.

Après avoir débuté comme auteur de blagues pour des comédiens comme Joey Bishop puis pour des sitcoms comme The Dick Van Dyke Show ou L’extravagante Lucy, il se fait donc un nom avec sa première création solo, Happy Days, suivi deux ans plus tard par une autre série tout aussi iconique, son spin-off Laverne & Shirley, centré sur deux amies de Fonzie qui s’installent en colocation, puis Mork & Mindy qui révèle Robin Williams.

Avec Norman Lear (All In The Family, Sanford & Son, Good Times, Maude) et James L. Brooks (Taxi, The Mary Tyler Moore Show), Garry Marshall s’est installé bien confortablement dans tous les foyers américains des années 70. Il est devenu cet auteur dont on s’amuse à rejouer les blagues le matin devant la machine à café, celui qui fait rire parents et enfants, le soir avant d’aller mettre tout le monde au lit, celui dont les personnages font office, pour beaucoup, de grands frères, de père, de soeur, de mère, de grand-père de substitution, ceux qui aident à passer les mauvais moments. C’est un de ces pouvoirs magiques qu’ont la télévision et ses conteurs.

Et en passant au cinéma au milieu des années 80, il a confirmé ce pouvoir, cette capacité à raconter des histoires pour le plus grand nombre, des histoires simples qui arrivent à toucher le coeur des gens en mélangeant un humour splastick décapant avec une grande tendresse et beaucoup d’humanisme.

Certes, il n’était pas un réalisateur adoré par les critiques (seuls trois de ses films sont certifiés «frais» par Rotten Tomatoes) mais ses films l’étaient par le public. Pretty Woman, avec ses 853 millions de dollars de recettes dans le monde (en dollars de 2016), reste la plus grande comédie romantique de l'histoire du box-office. Même récemment, Valentine’s Day, tourné alors qu’il a 75 ans, rapportait près de 215 millions de dollars dans le monde. Marshall, en 56 ans de carrière, n’a jamais coupé le lien qui l’unissait à son public, le grand public.

Frankie & Johnny

 

Comme votre papy qui vous raconte une histoire bien enfoncé sous votre couette, il avait en effet ce talent pour créer des cocons, des petites bulles de confort dans lesquelles on se sentait bien, dans lesquelles les gens étaient les meilleures versions d’eux-mêmes. Des cocons qui ont pu ressembler à cette immense chambre d’hôtel de Beverly Hills dans laquelle Julia Roberts, la prostituée, se révèle à elle-même dans Pretty Woman ou à ce diner crasseux où Michelle Pfeiffer redécouvre l’amour auprès de Al Pacino dans Frankie & Johnny ou à ce cottage au bord de l’océan où Barbara Hershey dit adieu à sa fille et à sa meilleure amie dans le bouleversant Au Fil de la vie ou à cette grande maison où Anne Hathaway devient une Princesse (malgré elle).

Normal, donc, de revoir, de film en film, Hector Elizondo, cette figure paternelle qui a appris à Anne Hathaway à danser la valse dans Princesse Malgré elle ou qui, le premier, voit Julia Roberts comme elle est vraiment dans Pretty Woman. Double du réalisateur à l’écran, Elizondo est présent au générique de chacun des 18 films de Marshall depuis 34 ans après que les deux se sont rencontrés au tout début des années 80 sur un terrain de basket.

Cette présence, cette chaleur humaine que toutes ces célébrités expriment dans leur tweet ce matin, sont ainsi comme cette odeur, ces sons, ces sensations d’enfance et d’adolescence que l’on ressent quand on revient visiter son papy après une semaine de travail épuisante en open-space.

«Certains journalistes sont plus nuisibles que d’autres. Mon rôle est de trouver les plus nuisibles. Je fais attention à mes acteurs et actrices. Je leur dis souvent de faire attention à celui-ci ou celui-là. Les gens sont surpris quand je fais ça. Mais je fais attention à eux, même quand le film est terminé», racontait-il récemment à USA Today.

 

Hector Elizondo en 2011 à Beverly Hills, Californie. Frederick M. Brown/Getty Images/AFP

Il suffit de voir le casting de Joyeuse Fête des Mère, le dernier film de Marshall. Le film ressemble à une grande fête de famille, hommage à ce grand-père qui a tant fait pour ses acteurs et actrices. On y retrouvait ainsi Julia Roberts qu’il avait révélée au monde dans Pretty Woman. On y retrouvait Kate Hudson qu’il avait fait tourner dans Fashion Maman mais qu’il connaissait surtout depuis ses sept ans et le tournage de Overboard avec sa mère Goldie Hawn et son beau-père Kurt Russell. Dans le rôle de la narratrice, on y retrouvait aussi Penny Marshall, sa soeur, réalisatrice de Big et Une Equipe Hors du Commun mais aussi éternelle interprète de Laverne de Fazio dans Laverne & Shirley. Son fils Scott, lui, aidait son père pour les plans les plus compliqués à tourner tandis que sa femme, Barbara, infirmière dans la vie, jouait une infirmière dans le film. On y retrouvait même ses petits enfants pour faire de la figuration!

Hector Elizondo racontait récemment au Huffington Post le tournage d’une scène du film:

«Ce moment, j’ai du le refaire deux ou trois fois car, pour je ne sais quelle raison, j’avais envie de pleurer. Je regardais Julia et mon corps a soudain réalisé qu’on avait déjà fait ça 25, 26 ans plus tôt. Et je suis là à regarder cette merveilleuse femme et je pense à toutes les expériences qu’on a vécu depuis. Garry et toute l’équipe ne comprenaient pas pourquoi je n’arrivais pas à aller au bout de la scène. Je suis alors sorti, je suis revenu et j’ai réessayé. Et j’étais toujours incapable de la faire. C’est là qu’ils ont compris. Ils se sont alors tous mis à avoir des larmes dans les yeux. Garry et son équipe étaient là 25 ans plus tôt et, bien sûr, Julia était là aussi. C’était un moment de grande émotion et on s’est tous serré dans les bras en pleurant.»

Alors, c’est vrai, j’ai passé l’âge qu’on me raconte une histoire avant de m’endormir mais, aujourd’hui, le cinéma populaire a perdu un de ses meilleurs conteurs. Et c’est donc à nous, à ces enfants, nous qui avons grandi avec ses histoires, ses séries et ses films, de les transmettre désormais. Car, comme Vivian à la fin de Pretty Woman, nous voulons vivre un conte de fées.

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