Monde

L'étonnante imprécision de la présidentielle autrichienne

Non seulement le scrutin a été annulé du fait de près de 80.000 votes par correspondance douteux, mais l'agence de presse officielle a été épinglée pour avoir fait part de tendances avant la fermeture du scrutin...

Le chancelier autrichien Christian Kern en train de voter lors de la présidentielle du 22 mai 2016. HERBERT NEUBAUER / APA / AFP.
Le chancelier autrichien Christian Kern en train de voter lors de la présidentielle du 22 mai 2016. HERBERT NEUBAUER / APA / AFP.

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Les Autrichiens vont devoir revoter. Six semaines après l'élection au finish du candidat écologiste Alexander Van der Bellen face au candidat de droite radicale Norbert Hofer, la Cour constitutionnelle autrichienne a annulé, vendredi 1er juillet, le scrutin, ouvrant la voie à un nouveau vote qui devrait avoir lieu en septembre.

En cause notamment –pas de fraude (contrairement à ce qu'affirme le FN)–, un nombre de votes par correspondance douteux extrêmement élevé, puisque la Cour l'évalue à précisément 77.826 suffrages. Or, ce chiffre est plus du double de l'écart qui séparait au second tour Van der Bellen (50,3%) de Hofer (49,7%), ce qui a conduit la Cour constitutionnelle à invalider le scrutin en appliquant un principe de jurisprudence très répandu et logique: quand le nombre de bulletins douteux est supérieur à l'écart entre deux candidats, on invalide.

La Cour constitutionnelle reproche notamment à de nombreuses circonscriptions d'avoir fait preuve de légèreté dans la procédure de dépouillement des votes par correspondance. Comme l'explique l'AFP, cette pratique était «jusque là largement tolérée» mais en l'occurrence, «le dépouillement de ces votes n'était autorisé qu'à partir de 9 heures le lundi 23 mai, [et] certains bureaux avaient débuté plus tôt, sous la pression, selon des témoins, de devoir délivrer le plus vite possible les résultats de cette élection scrutée dans toute l'Europe».

Quand l'agence de presse dérape

Le chiffre de quasiment 78.000 bulletins douteux interpelle, par exemple quand on le compare à ceux constatés pendant les présidentielles françaises: rapporté à la taille des deux électorats, c'est comme si 660.000 votes étaient considérés comme douteux dans l'Hexagone. En 2012, le Conseil constitutionnel avait annulé précisément 8.571 votes sur près de 35 millions au total –dont près de 90% provenaient du même endroit, la ville de Papeete (Polynésie française). Et encore s'agissait-il d'un chiffre beaucoup plus élevé que d'habitude: en 2007, seulement 826 suffrages avaient été annulés; en 2002, 4.897 suffrages avaient été annulés. Il faut dire que contrairement à l'Autriche, où ce mode de vote représente 16,7% des voix, la France n'autorise plus le vote par correspondance depuis 1975, car celui-ci laissait craindre des fraudes.

Signalons par ailleurs qu'un autre argument tout aussi intéressant est soulevé par la Cour constitutionnelle autrichienne: elle constate que des résultats partiels ont fuité avant la clôture total du vote et ont pu avoir un impact sur le résultat. En l'espèce, elle pointe que l'APA, la plus importante agence de presse du pays, «a publié une dépêche, plusieurs heures avant la fin du scrutin, impliquant que la victoire de Norbert Hofer était vraisemblable et qu'un “renversement” du résultat n'était plus considéré comme probable».

En somme, un genre de traduction autrichienne du débat français sur la fuite des résultats avant 20 heures, comme si #RadioVienne avait faussé l'élection en incitant les électeurs de Hofer à ne plus se déplacer... Lors de la présidentielle française de 2012, l'AFP avait d'ailleurs publié sur son fil, bien avant 20 heures, les estimations faisant état de la victoire de François Hollande, mais en précisant à ses clients que leur diffusion relevait de leur seule responsabilité.

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