Sciences / Économie

Google entre dans votre esprit pour mieux répondre à vos emails

Un journaliste américain a testé cette innovation basée sur le machine-learning qui analyse les emails reçus et suggère des réponses à l'utilisateur.

<a href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:E-Mails_@_Computer.jpg">Google a inventé l'écriture automatique 2.0.</a> | www.elbpresse.de via Wikipedia Commons CC <a href="CREDIT">License by</a>
Google a inventé l'écriture automatique 2.0. | www.elbpresse.de via Wikipedia Commons CC License by

Temps de lecture: 2 minutes - Repéré sur New York Times Mag

Au début du XXe siècle déjà, les poètes surréalistes utilisaient l'écriture automatique. Afin d'échapper à toute rationnalité, ni la conscience, ni la volonté ne devaient intervenir dans le processus de création. Cent ans plus tard, Google réivente le procédé, ou presque, dans un but tout à fait pragmatique: faire gagner du temps à ses clients assaillis d'emails et autres sollicitations toutes plus banales les unes que les autres. 

Cette application, dévoilée en novembre 2015 sous le nom de Smart Reply, entre dans notre esprit avec une acuité déconcertante, selon le magazine du New York Times. Le journaliste Ben Crair a testé cet algorithme basé sur l'intelligence artificielle, disponible en versions web et mobile. Smart Reply consomme ainsi des milliers de conversations, les digèrent puis soumet une réponse... ou plutôt trois à l'utilisateur.


Ce «réseau neural de force industrielle», comme le vend Google, ne fonctionne pas non plus à tous les coups. Un jour, une conversation littéraire avec un proche du journaliste autour de la bataille de Berlin a d'un coup pris une direction très étrange. Oubliée la guerre, Smart Reply semble se prendre pour une application de rencontres échangeant des photos avec son interlocuteur jusqu'à lui proposer de dormir à la maison... 

«Google m'a eu»

Néanmoins, le journaliste se montre au fil du temps bluffé par la capacité de l'algorithme à s’imprégner des émotions de l’utilisateur. Jusqu’à saisir la frustration qui se niche dans l'interstice entre le «Tu me manques» et le «Tu me manques tellement». «Google m’a eu», lâche alors le journaliste, qui se sent dépossédé de l'exclusivité de ses sentiments.

Selon lui, cette technologie symbolise l’ère post-Alan Turing. Il n’est plus question de faire dialoguer des robots à la manière d’êtres humains sur des règles ultra rigides, mais d’assouplir les programmes informatiques afin de s’adapter aux expériences passées, autrement dit à un immense catalogue d'emails. Une démarche plus empirique, comme le résume Greg Corrado, un chercheur de la Google Brain Team: «L’application a été exposée aux tendances du passé. Elle a appris comment les choses se passent».

Début juin 2016, Facebook a lui aussi lancé son outil de machine-learning: DeepText. Il est censé «comprendre avec une justesse quasi humaine le sens textuel de plusieurs milliers de messages par secondes». DeepText analyse pour cela une partie des 400.000 posts et 125.000 commentaires postés chaque minute sur le réseau social. Si vous écrivez, «j’ai besoin d’un taxi», Messenger sera, par exemple, capable de vous mettre en relation avec un service adéquat, rapporte le blog du modérateur. L’intelligence artificielle veut aller encore plus loin et décrypter les nuances de vos écrits pour ne pas avoir nécessairement recours à des phrases types, comme c'est le cas pour Siri.

Mais à force de pondérer nos réponses en fonction des réactions d’autrui et de nourrir celle des autres de notre propre expérience, ne se dirige-t-on pas vers une uniformisation et une simplification de la pensée? «Je préférerais être un singe bondissant pour l’éternité sur sa machine à écrire, confie le journaliste du New York Times. Mon éloquence serait occasionnelles et accidentée, mais au moins, elle m’appartiendrait.»

Du côté de Google, on veut dédramatiser la chose. Smart Reply a vocation à traiter ce qui est banal, purement formel et qui ne nécessite aucune forme de subjectivité. En résumé, elle permet de «se concentrer sur la partie de l'email qui émane vraiment de la sensibilité de l’auteur».

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