Monde

Aux États-Unis, travailler comme un dingue est désormais un privilège

Rien à voir avec l’adage sarkozyste «Travailler plus pour gagner plus».

Des traders à New-York | SPENCER PLATT/GETTY IMAGES NORTH AMERICA/AFP
Des traders à New-York | SPENCER PLATT/GETTY IMAGES NORTH AMERICA/AFP

Temps de lecture: 2 minutes - Repéré sur The Week

«Dans l’économie actuelle, l’alternative au travail, ce n’est plus de jouir d’une bonne qualité de vie avec sa famille et ses amis. L’alternative, c’est rien.» La sentence de Jeff Spross, journaliste du magazine britannique The Week, est chirurgicale.

C’est toute une tendance qui s’inverse, certifient Heather Bousey et Bridget Ansel, chercheurs au Centre pour une croissance équitable, dans une étude parue en mai 2016 et que relaie le magazine. Loisir n’est plus synonyme de richesse aux États-Unis. Fini l’époque du banquier oisif, qui chôme plus qu’il ne bosse. Les plus riches sont ceux à qui l’on demande de travailler le plus. Les autres doivent se débrouiller dans le marasme d’un marché précaire où règnent flexibilité et contrats de courte durée.

Cette étude observe que les longues journées –plus de quarante-cinq heures hebdomadaires en moyenne– reviennent aux professions les mieux payées (avocats, ingénieur, cadres commerciaux, finance). Et que, à l’inverse, ceux qui font des journées plus courtes que la moyenne (employés de bureau, métiers liés aux soins de santé ou à l’industrie alimentaire) sont susceptibles d’être moins payés. Les Américains passent environ quarante-sept heures par semaine au bureau. Et un cinquième carbure à plus de cinquante-neuf heures.

Le message est clair: les travailleurs les plus rémunérés n’ont pas le droit de se plaindre de passer une soirée au bureau, car une armée de chômeurs rêve de prendre leur place

Cercle vicieux

Mais qui sont ces riches à qui l’on impose le rythme métro-boulot-dodo alors que leur niveau de vie leur ouvre des perspectives bien plus confortables? Sans surprise, leur profil-type est celui d’un Américain de couleur blanche et de classe supérieure, celui qui appartient à la célèbre caste des «white-upper class men». En bref, les populations noires, hispaniques, ainsi que les mères de famille sont les plus touchées par cette nouvelle tendance, qui inquiète les presque 8 millions de chômeurs.

L’économiste Claudia Goldin regrettait déjà dans un article de 2014 que «les entreprises soient incités à récompenser de manière disproportionnée les personnes qui ont travaillé de longues heures et fait des heures supplémentaires». Ce cercle vicieux renforce la sensation d’insécurité financière et la crainte du chômage. «L’augmentation des inégalités économiques provoque une sensation d’insécurité financière, même chez ceux proche des plus hauts revenus et des plus grandes fortunes», observent les deux chercheurs.

En résumé, la balle est du côté des patrons. Dans tous les pans de la population active, chacun a intériorisé qu’il était interchangeable. En haut de l’échelle, la concurrence n’en est que plus exacerbée. Le message est clair selon The Week: les travailleurs les plus rémunérés n’ont pas le droit de se plaindre de passer une soirée au bureau, car une armée de chômeurs rêve de prendre leur place. Les professions les plus rémunératrices sont en outre celles où l’écart entre le plus faible et le plus gros salaire est le plus grand. Il existe 10 dollars de l’heure de différence dans les métiers de la santé. Il faut multiplier cet écart par quatre chez les managers et dans le milieu juridique.

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