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Le Brexit a déjà gagné le référendum des réseaux sociaux

Depuis l’ouverture de la campagne, Facebook et Twitter font l’objet d’une vaste bataille d’influence, qui semble aujourd’hui acquise à la cause eurosceptique.

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Chiffres Brexitometer

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«BeLEAVE in Britain», intimait, lundi 13 juin, le tabloïd The Sun aux électeurs britanniques, en appelant à leur fierté patriotique pour les exhorter à voter pour la sortie de l’Union européenne le 23 juin. Malgré l'accord de février conclu entre le Royaume-Uni et l’Union européenne, le statut spécial arraché par David Cameron et la publication de plusieurs études soulignant les avantages d’un maintien au sein de l’UE, la fièvre eurosceptique continue de s’étendre dans l’ensemble des médias d’outre-Manche… jusqu’à faire basculer le référendum du 23 juin, alors que la campagne vient d'être endeuillée par le meurtre d'une députée travailliste, Jo Cox?

Depuis l’ouverture de la campagne, Facebook et Twitter font l’objet d’une vaste bataille d’influence, qui semble aujourd’hui acquise à la cause eurosceptique. «Vote Leave», la campagne officielle des pro-Brexit, creuse inéluctablement l’écart vis-à-vis des pro-UE de «Stronger In» grâce à une communauté à la fois plus nombreuse de plus de 36.000 fans et followers, mais aussi plus engagée dans le partage des contenus et messages diffusés sur les plateformes.

Quant aux sondages d’opinion, après avoir majoritairement prédit un résultat serré, ils commencent également à entrevoir la possibilité d’une large victoire des eurosceptiques, à l’instar de la dernière étude YouGov pour le Times, faisant état d'une avance de 7 points dans les intentions de vote en faveur du camp du «Leave».

Les réseaux sociaux seraient-ils alors en mesure de prédire les mouvements d’opinion, avant même les instituts de sondage? Si la représentativité du corps électoral n’est pas assurée, étudier le rapport de force prenant racine sur Twitter et Facebook permet d’évaluer la capacité d’une personnalité ou d’une campagne à générer de l’adhésion auprès d’une certaine communauté, avec l’objectif ultime de transformer cette mobilisation virtuelle en un engagement réel, concrétisé lors du scrutin électoral.

Pour s’imposer dans cette guerre de bruit et d’image, la tactique du député européen Nigel Farage est claire: crier fort pour se faire entendre. Et ça marche. Le chef du parti europhobe et anti-immigration Ukip s’impose sans conteste sur les réseaux sociaux comme la personnalité la plus influente de la campagne, très loin devant le Premier ministre David Cameron, le leader du parti travailliste Jeremy Corbyn ou même le très médiatique ex-maire de Londres Boris Johnson. Il atteint d’ailleurs la semaine passée un nouveau record de mobilisation avec plus de 364.000 engagements[1], un résultat nettement supérieur à la somme des engagements réunis par les neuf autres personnalités du top 10 des influenceurs.

Malgré l’accord anti-Brexit signé le 19 février dernier par David Cameron et Donald Tusk, le président du Conseil européen, la voix des eurosceptiques reste très puissante. En effet, le «statut spécial» du Royaume-Uni négocié à Bruxelles ne leur suffit aucunement: les pro-Brexit souhaitent couper définitivement les ponts avec Bruxelles, en faisant de l’immigration leur principal axe de campagne.

Sur Twitter, le débat autour du référendum européen ne cesse de s’intensifier. Semaine après semaine, le mot «Brexit» résonne de plus en plus fortement sur le réseau à l'oiseau bleu, en cumulant à ce jour et depuis début mai plus de 3 millions de mentions, principalement associé à des thématiques touchant à l’économie, l’immigration ou bien encore les services publics.

La semaine passée, c’est le débat entourant le système public de santé britannique (NHS) qui s’est imposé en tête des préoccupations des twittos avec près de 17.000 mentions, supplantant de peu la thématique de l’immigration, largement préemptée par le camp eurosceptique. L'économie, sujet de prédilection des anti-Brexit, reste aussi l'un des sujets les plus débattus, avec neuf des vingt mots-clés les plus utilisés sur la plate-forme pour évoquer le Brexit cette semaine.

Il semble finalement naturel, voire logique, qu’une argumentation allant à l’encontre d’un système en place, quel qu’il soit, fasse mouche: la campagne «Vote Leave», bien que largement critiquée pour ses approximations, ses déclarations à sensation et sa mauvaise foi sous-jacente, est parvenue à faire inexorablement peser ses arguments et à orienter le débat sur le terrain des considérations nationales et souverainistes. Car ce sont ces thématiques qui parlent au plus grand nombre et font jouer la fibre émotionnelle, plus parlantes pour un public ayant parfois du mal à discerner les bienfaits de cette Union dont ils condamnent l’opacité des rouages.

Inversement, la froide réalité des chiffres prônée par le camp du «Remain» peine à mobiliser. Peut-être eût-il fallu prendre le pari de valoriser avec beaucoup plus d'emphase le projet européen, en tâchant de rappeler ses fondamentaux historiques… car l’Union européenne, n'en déplaise aux eurosceptiques invétérés, incarne un ensemble idéologique qui dépasse largement le cadre du simple espace d’échange économique.

Les chiffres utilisés dans l’article font partie du Brexitometer, étude exclusive de l’activité générée sur les réseaux sociaux par le débat sur le Brexit, menée par la cellule data science de Reputation Squad.

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