Parents & enfants

Pourquoi «Super Nanny» est une super émission pour les parents

Enfin un programme qui déculpabilise les parents sans les juger et qui propose des conseils pas trop idiots.

Montage réalisé par Slate.fr à partir de captures d’écran d’extraits de <a href="http://www.tf1.fr/nt1/super-nanny">l’émission «Super Nanny», diffusée sur NT1</a>
Montage réalisé par Slate.fr à partir de captures d’écran d’extraits de l’émission «Super Nanny», diffusée sur NT1

Temps de lecture: 5 minutes

J’ai la chance d’avoir été élevé dans une famille de gauche ou il fallait demander l’autorisation pour regarder la télévision. L’inconvénient: on a peu de sujets de discussion avec ses potes à l’école primaire. L’avantage (qui surpasse largement le premier): on évite de se brûler le cerveau avec la téléréalité, qui vit le jour quand j’étais adolescent. Dieu merci, j’ai donc échappé à une partie des programmes stupides qui épuisent les neurones de millions de gosses.

Mais, comme tout gamin privé de ce genre de délices interdits, je me suis rattrapé et il m’arrive de me laisser tenter par des choses qui pourtant sont loin d’être ma tasse thé. Ainsi, mardi, ou mercredi je ne sais plus, car ces programmes s’oublient aussi vite qu’on les regarde, je suis tombé sur l’émission «Super Nanny» à la télévision (diffusée sur NT1 depuis quatre saisons après avoir migré de M6, où elle fut diffusée de 2004 à 2010).

J’ai d’abord eu très peur. Je m’attendais à un programme entre «Strip-tease» et «Koh-Lanta», où une nounou d’enfer devait maîtriser des ados hystériques que Pascal le Grand Frère n’aurait pas su mater. Je m’attendais à des cris ignobles et des effets type «Enquête exclusive» où la présentatrice sortirait des gosses de 11 ans de la drogue et de l’alcool. Et, bizarrement, je n’ai rien vu de tout ça. Comme quoi, la force des préjugés... J’ai vu une émission plus sobre que je l’imaginais.

Et si ça m’arrivait?

Certes, ça débute très fort. Il faut d’abord poser la dramaturgie. Michèle et Jean ont bientôt 50 ans et dix gosses qui mettent le souk dans leur maison en bordel. Michèle est débordée, elle ne se coiffe pas et n’a pas le temps de prendre soin d’elle, elle ne donne pas à manger à ses enfants le matin, laisse sa dernière fille aînée zoner et dormir dans le salon avec son petit copain. Les portes sont fermées à clé, les lits ne sont pas faits et personne ne couche les mômes, qui s’endorment à l’heure qu’ils veulent sans aucun rituel. Quant à Jean, le père, il a démissionné et passe sa vie devant la télé et l’ordinateur. Ce que ne manque pas de lui faire remarquer Super Nanny. En gros, c’est un peu l’apocalypse juste avant que le Messie n’arrive dans la place pour secouer tout ça.

«Super Nanny» est un miroir plus ou moins objectif de l’imperfection de tous les parents du monde. Une émission où l’on dévoile les défauts sans brocarder les parents mais sans les déresponsabiliser non plus

Passé la phase d’observation, l’émission se place du côté de «l’explication» et permet à chacun des téléspectateurs de «s’identifier», même si tout le monde n’a pas les mêmes contraintes dans la vie. Première réaction face au programme: on relativise. En fait, ça va, je n’ai pas trop de problèmes dans ma vie de parent, me dis-je, ce qui a eu pour effet de me rassurer pour les trois prochaines heures. Puis, deuxième réaction: et si tout ça m’arrivait? et si moi aussi je galérais autant à m’occuper de mes gosses? et si, en fait, c’était pas un peu moi ce père (ou cette mère) débordé(e)? «Super Nanny» est un miroir plus ou moins objectif de l’imperfection de tous les parents du monde. Une émission où l’on dévoile les défauts sans brocarder les parents mais sans les déresponsabiliser non plus.

«En général, je pars du principe que rien n’est jamais perdu, jugeait Sylvie Jenaly à Paris-Match, qui a remplacé Cathy Sarraï, décédée en 2010, à la tête de l’émission. On peut toujours améliorer la situation quand on explique les choses aux enfants et qu’on fait tout pour leur bien-être».

Contrairement à ce que l’on croit, le programme ne «juge» pas les parents qui galèrent. Super Nanny les met en lumière et leur offre la possibilité de s’améliorer alors qu’ils n’y arrivent plus. Ainsi, quand Super Nanny demande à Michèle pourquoi elle laisse partir ses gosses à l’école le ventre vide, elle rembobine son enfance: au pensionnat, elle n’a pas le souvenir d’avoir avalé un petit-déjeuner avant d’aller en cours. Puis se met à pleurer... Pour elle, tout est normal: Michèle fait ce qu’elle peut.

Heureusement, la scène est coupée et montée pour éviter au maximum le pathos (il y a en a quand même un peu, c’est la TNT quand même). Et ça nous rappelle tout: nous, nos parents, nos failles, nos déterminismes, nos histoires qui s’imbriquent dans notre vie de père ou mère. Quand Super Nanny propose à Jean d’aller au Musée du Jouet de Bruxelles (oui, l’émission se déroule en Belgique, un hasard certainement), le père s’étonne de pouvoir partager ces moments avec ses enfants. «Ça ne m’était jamais arrivé», admet-il.

Donner des conseils simples et pratiques

L’émission montre qu’être parent ça s’apprend. Et sur le tas, toujours. Michèle et Jean ne savent pas faire. En tout cas pas plus que n’importe qui... Si on se passerait bien de certains conseils pourris d’amis ou de parents trop présents (notamment lors de la grossesse), des avis simples et bien intentionnés permettent souvent de s’améliorer. Non pas des fiches pratiques mais des conseils de bon sens: il faut toujours expliquer aux enfants pourquoi on les punit, il ne faut pas laisser les aînés remplacer les parents... On pense que c’est évident mais tous les parents vous le diront: retenir ces messages, les avoir en tête, ça fait toujours du bien...

Quand on lui demande quelles sont les valeurs qui lui tiennent à cœur, Super Nanny répond sobrement: «Le respect d’autrui, la politesse avec les basiques “merci”, “bonjour” et la communication en famille. Ce sont des valeurs toutes simples mais qui sont très importantes pour moi

Là où «Confessions intimes» mettait en scène l’intimité dans le seul but de démolir ou de moquer les participants de cette émission, on sent une forme d’empathie chez Super Nanny. Peut-être parce qu’elle est mère de famille et qu’elle sait les galères qu’on peut traverser quand on est parent. Peut-être aussi parce que, pour émouvoir ceux qui regardent le programme, il ne faut pas exclure en ridiculisant ceux qui peuvent se sentir concernés par les problèmes résolus dans l’émission. Toujours est-il que cette ambiance de documentaire bon enfant qui règne dans «Super Nanny» est toujours là pour servir la banalité de la réalité projetée: on n’élude pas la violence, on essaie de la comprendre a minima. Évidemment, tous les problèmes de cette famille ne vont pas trouver une solution en une semaine grâce à Super Nanny. Mais ceux qui regardent l’émission peuvent en sortir inspirés.

Dans l’une des scènes de l’émission que j’ai regardée jusqu’au bout (seulement le premier épisode, hein, après je suis allé lire un bouquin), on voit la fille cadette de 17 ans de Michèle et Jean s’occuper de toutes les tâches ménagères et quotidiennes. Le linge, le ménage, le coucher des plus petits, c’est pour elle. Simplement, elle aide sa mère qui n’en peut plus. Mais «Super Nanny» tente d’expliquer à la vraie mère de la famille que ça n’est pas son rôle. Que sa fille doit avoir une vie de jeune femme, profiter et ne pas assumer les responsabilités d’une adulte qu’elle n’est pas encore. L’émission véhicule alors des petits messages simples qui vont dans ce sens. Ça n’est pas une injonction ou une norme qui doit s’appliquer uniformément, mais un petit conseil de base qui permet de relativiser, de comprendre, de prendre conscience. Et de progresser.

cover
-
/
cover

Liste de lecture