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Qui acceptera d'être le numéro 2 de Donald Trump?

Un guide aussi exhaustif que légèrement satirique du choix du candidat à la vice-présidence du ticket républicain.

Donald Trump en meeting à Lawrenceville (New Jersey) le 19 mai 2016. SPENCER PLATT / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP.
Donald Trump en meeting à Lawrenceville (New Jersey) le 19 mai 2016. SPENCER PLATT / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP.

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Donald Trump sera le candidat républicain à l'élection présidentielle américaine. Il aura donc besoin d'un colistier, d'un compagnon, de quelqu'un qui restera à ses côtés le sourire aux lèvres quand il incitera ses fans à aller casser du manifestant. Voici un guide subjectif des individus (à deux exceptions près qui, vous vous en rendrez vite compte, sont là pour la blague) cités dans la presse comme potentiels colistiers de Trump.

Ceux qui pourraient être utiles à Trump et qui diront probablement oui

Scott Brown. En théorie, l'ancien sénateur du Massachusetts est la version gentillette de Trump. C'est un Républicain modéré et distingué, qui sait aussi parler à l'homme de la rue (pour peu qu'il soit blanc), sans forcément dégoiser sur les musulmans et les Mexicains. En pratique, Scott Brown a eu un peu de mal à gagner des élections ces derniers temps et semble relativement désœuvré en ce moment. Il pourrait donner un éclat de respectabilité (qui serait le bienvenu) à la campagne de Trump et, contrairement à lui, il peut se targuer d'une réelle expérience militaire.    

Chris Christie. Impopulaire dans le New Jersey et soumis à une limitation du nombre de mandat qui l'empêche de se représenter l'an prochain, le gouverneur du «Bridgegate» n'a pas grand chose à perdre à s’acoquiner avec Trump. Il est aussi disposé à laisser le magnat de l'immobilier le fourrer dans des situations embarrassantes –ce qui, vous vous en doutez, est un sérieux atout aux yeux de Trump. Reste qu'avec une telle impopularité, mettre Christie sur le ticket ne sera pas d'une utilité fracassante. Mais sans doute est-il aussi le candidat le plus «sérieux» susceptible d'accepter de se présenter aux côtés de Trump. Vous pouvez dire ce que vous voulez de Christie, mais il a été procureur et gouverneur d'un État densément peuplé. Si vous aimez des trucs chez Trump, mais que son manque d'expérience ou sa tendance au grand n'importe quoi vous préoccupent, Christie pourrait faire office de figure suffisamment chevronnée pour le stabiliser.       

Bob Corker. Le 10 mai, le sénateur du Tennessee se faisait cirer les pompes par une «source anonyme» dans Politico. Pour cette source, l'expérience de Corker dans les affaires –il a fondé sa propre entreprise de construction– et son anticonformisme feraient de lui un bon vice-président. («C'est un type indépendant –un peu rugueux– qui n'a pas peur de nager à contre-courant», explique cette personne très généreuse et très anonyme qui n'a à l'évidence aucun intérêt personnel à la réussite de Corker). En tant que Républicain consensuel et farouchement conservateur, et président de la commission des Affaires étrangères du Sénat, il est vrai que Corker serait une bonne option pour Trump. Il est aussi relativement âgé (63 ans), populaire dans son État natal, le Tennessee, et pourrait donc ne pas se carapater devant une candidature aussi risquée.    

Joni Ernst. La sénatrice de l'Iowa, élue en 2015 sous la bannière du Tea Party, pourrait plaire aux partisans de Trump qui lui reprochent de ne pas être un «vrai» Républicain. Au final, certaines de ses positions grossièrement droitières pourraient rebuter un paquet d'électeurs dont Trump aura besoin pour remporter la présidentielle, mais elle ne lui sera pas néfaste pour autant. Ernst se voit aussi comme une autodidacte et pourrait être appâtée par le gain de célébrité qu'apporte une campagne nationale, même perdue. Et a minima, elle ne rejette pas l'idée du ticket commun.    

Rudy Giuliani. Selon les sondages que j'ai pu trouver, l'ancien maire de New York n'a pas complètement perdu sa rutilante réputation gagnée aux lendemains du 11-Septembre, malgré des années de décisions problématiques, d'échecs électoraux cuisants et de ton scrogneugneu sur le mode «Obama n'aime pas l'Amérique». Politiquement, il s'accorde bien avec Trump et sait être pugnace sur la question de l'avortement ou des droits des minorités sexuelles.

Rick Perry. L'ancien gouverneur du Texas aura fait un gros bide à la présidentielle, mais il a le genre de CV –une expérience gouvernementale, des galons militaires– que Trump pourrait rechercher. Et il a aussi déclaré que le boulot de vice-président l'intéressait.    

Rick Scott. Ici, on étend au maximum la définition de l'«utilité», mais le gouverneur de Floride est le genre de girouette idéologique sans scrupules et au passif professionnel plus que douteux qui colle parfaitement à Trump. Il est donc admissible. Et il affiche une expérience gouvernementale (même si on parle de la Floride). Allez Rick Scott!

Jeff Sessions. Le sénateur de l'Alabama s'est d'ores et déjà rallié à la campagne de Trump en tant que conseiller pour la politique étrangère et n'est pas contre l'idée d'accepter une nomination comme vice-président. Le personnage n'est pas mirobolant, mais il peut compter sur le soutien des médias conservateurs et a été le premier sénateur à adouber officiellement Trump.

Ceux qui pourraient être utiles à Trump mais qui diront probablement non

Nicolas Cage. Largement considéré comme l'homme le plus admiré d'Amérique, Cage saura apporter gravité et clairvoyance au ticket Trump, qui en a salement besoin. Malheureusement pour Trump, et pour les États-Unis, Cage est sans doute aujourd'hui très occupé à trouver un remplaçant au crâne de dinosaure qu'il a dû rendre à la Mongolie et n'aura probablement pas le temps de faire campagne.     

Ben Carson. Le bon docteur reste dans le cœur de bien des électeurs républicains et pourrait même réussir à subjuguer quelques irréductibles trumpophobes. Carson et Trump, c'est l'accord parfait. Deux hommes ayant ostensiblement réussi et qui se lancent à leur corps défendant dans la politique, poussés par l'impérieuse nécessité d'un pays à sauver des griffes du politiquement correct et de l'incompétence de ses dirigeants. Le revers de la médaille, c'est qu'à l'instar de Trump, Carson est un mythomane en série enclin à des prises de position extrêmement clivantes et segmentantes. Un ticket Trump-Carson serait l'alliance la plus trumpienne possible. Dans tous les cas, Carson –qui épaule Trump dans sa chasse au colistier– a déclaré qu'il n'accepterait pas la proposition, en arguant de la «distraction» que les «médias gauchistes» généreraient en braquant les projecteurs sur lui. (Du point de vue égoïste de Carson, l'argument est judicieux, vu qu'il fait pas mal de trucs qui ne sont pas très reluisants quand on les regarde de près). 

Ted Cruz. Un mec de droite, un vrai, un tatoué, dont les positions sont globalement très radicales en termes électoraux nationaux. Reste que, comme Ernst, il pourrait offrir au ticket suffisamment d'assise conservatrice pour éviter une déconvenue historique et/ou rester dans le coin au cas où un truc fou (alias, une procédure judiciaire) tomberait sur le nez d'Hillary Clinton. Visiblement, Cruz déteste sincèrement et profondément Trump et préfère probablement préparer sa campagne de 2020 plutôt que d'accepter un boulot d'assistant cet automne.

Nikki Haley. Née dans une famille de confession sikh, la gouverneure de Caroline du Sud est précisément ce dont Trump '16 a besoin: une femme non-blanche, avec un solide CV conservateur et qui sait que le parti ne peut plus s'inféoder aux causes réactionnaires d'une frange de la population démographiquement déclinante. Ce qui explique qu'Haley ait d'ores et déjà vilipendé Trump –et qu'il serait absurde qu'elle sape son ascension de «Républicaine raisonnable» en se présentant à ses côtés.

John Kasich. Pour certains, l'idée est bonne et/ou plausible. Mais à part son âge relativement avancé (63 ans), qui ferait qu'un poste de vice-président ne changerait pas grand chose à sa carrière ultérieure, je n'y crois pas. Son concept, c'est de donner un visage aimable et convivial au reaganisme économique. Celui de Trump, c'est de mettre une tête de nœud sur le corps du populisme. Ce qui ne va pas du tout ensemble.   

Susana Martinez.  La gouverneure du Nouveau-Mexique est aussi grande gueule que pas très perspicace. En d'autres termes, dans son style, c'est une bonne trumpienne. Elle est aussi appréciée dans son État natal –et elle est une femme d'origine mexicaine, soit un gros atout pour un candidat dont le taux d'opinions favorables chez les femmes et les non-blancs glougloute dans les égouts. Le gros moins? Elle est visiblement sous le coup d'une enquête fédérale pour des soucis de financement occulte, ce qui ne serait pas du meilleur effet si jamais Trump cherche à critiquer Hillary Clinton sur le front de ses ennuis avec le FBI. Qui plus est, elle s'est ralliée à Marco Rubio pendant la primaire et a déclaré ne pas vouloir du poste. Comme Haley, Martinez se voit probablement un avenir plus radieux en tant que Républicaine de la nouvelle génération qu'en s'associant au candidat des blancs tout colère. Merci, mais non merci. 

Rob Portman. Le sénateur de l'Ohio est le type qui se retrouve toujours dans le genre d'articles que vous savez sous les yeux. C'est le gars plutôt sympa, relativement modéré, que ses collègues respectent et qu'on verrait bien comme candidat ici ou là. Sauf qu'il finit toujours nulle part et déclare ne pas vouloir du poste.

Condoleezza Rice. Condoleezza Rice est un personnage raffiné qui, sans qu'on se l'explique vraiment, n'a pas vu sa réputation engloutie dans le désastre de la Guerre d'Irak. A l'heure actuelle, elle peut se targuer d'un poste universitaire plutôt prestigieux et je ne la vois pas ruiner une telle carrière en rejoignant le barnum Trump.

Marco Rubio. Au cours de la primaire, Rubio s'est révélé un bon orateur capable de séduire les donateurs républicains et l'intelligentsia conservatrice, tout en laissant de marbre les vrais électeurs. Peut-être à cause de sa modération en matière d'immigration ou peut-être parce que c'est un gros feignant. La fainéantise n'est pas un problème si vous êtes vice-président et, avec la bonne impression qu'il fait à l'establishment, sa présence sur le ticket Trump serait un gros atout. Pour autant, le fossé qui sépare Rubio et Trump semble impossible à enjamber, même pour des politiques aussi souples que ces deux là. En termes de perspective de carrière, Rubio a probablement davantage à gagner en jouant profil bas pendant un temps et en se consacrant à ses apparitions télé. Qui plus est, il a dit ne pas être intéressé par la vice-présidence

Brian Sandoval. Le gouverneur du Nevada est populaire et il est d'origine mexicaine, ce qui le place automatiquement sur la liste des vice-présidents putatifs. Et il est considéré comme suffisamment centriste pour que Barack Obama ait envisagé de le nommer à la Cour suprême. A mettre dans la catégorie des étoiles montantes qui s'en sortiront bien mieux en évitant d'être associées à Trump.

Ceux qui seront catastrophiques et qui diront probablement oui

Jan Brewer. L'ancienne gouverneure de l'Arizona s'est fait un nom en soutenant une législation draconienne sur l'immigration et est ouvertement intéressée par le poste de vice-président. Mais globalement, on ne sait pas trop ce que Trump aurait à gagner en choisissant une colistière racialement et ethniquement provocatrice. Car sur ce plan là, il est très bien servi par lui-même!

Mary Fallin. La gouverneure de l'Oklahoma s'est attiré les gros titres des journaux nationaux en déclarant détester l’avortement et adorer la peine de mort. Et Trump l'a citée comme potentielle candidate à son ticket. Pour moi, Fallin a les inconvénients idéologiques de Joni Ernst ou de Ted Cruz sans en avoir les avantages –ce n'est pas une ancienne combattante qui a su remporter une élection dans un État-pivot (comme Ernst) et elle n'a pas un gros réservoir d'admirateurs sur le plan national (comme Cruz).

Newt Gingrich. Newt ferait et dirait quasiment n'importe quoi pour rester à la télé et il s'est attelé très tôt à la caravane Trump. Il connaît suffisamment de noms propres et de mots dépassant les trois syllabes pour être appointé «expert en politique étrangère». Mais depuis vingt ans, qu'a-t-il fait à part être un énième éditocrate de la vie politique américaine? Je ne vois pas trop ce qu'il aurait à offrir à Trump en termes d'identité de campagne ou d'appât à électeurs, mais il est clair que si on lui demande, il arrive en courant.    

Paul LePage. Le très blanc et très grincheux gouverneur du Maine est si ouvertement raciste et délirant qu'il ferait passer Trump pour un virtuose de la subtilité et de la rationalité empirique. Prendre LePage comme colistier serait judicieux si Trump entend créer un parti suprémaciste, pas s'il essaye de remporter une présidentielle.

Sarah Palin. Voir les entrées Jan Brewer et Paul LePage et multipliez par 1.000.

Mike Pence. Le gouverneur de l'Indiana s'est rallié à Cruz, tout en faisant les yeux doux à Trump. Il a aussi été cité dans Politico d'une manière qui laisserait entendre qu'il pourrait envisager une candidature comme vice-président. Récemment, Pence a signé une législation restreignant l'accès à l'avortement et a été très engagé sur la question de la «liberté religieuse» rognant les droits des personnes LGBT. Vu le tollé qu'il aura provoqué dans son État, je ne sais pas trop comment il pourrait être un atout dans une campagne nationale.  

Ceux qui seront catastrophiques et qui diront probablement non

Scott Walker. Walker serait une bonne idée sur le front de l'idéologie conservatrice et de l'expérience gouvernementale, mais que dire de sa tête d'endive et du fait qu'il n'a jamais dépassé les 0,5% dans les sondages nationaux quand il a voulu se présenter lui-même à la présidentielle? Qui va fixer le visage morne et bureaucratique de Scott Walker et se dire «Ah oui, pourquoi pas, et si je votais pour Trump»? Personne, jamais. 

Vigo des Carpates. Né Vigo Von Homburg Deutschendorf, Vigo des Carpates était un tyran et sorcier du XVIe siècle dont l'ectoplasme est le méchant du film SOS Fantômes 2. Avec son air de macho sans vergogne, Trump pourrait probablement l'admirer. Après, le problème, c'est qu'il n'existe pas.  

Ceux qui sont John Thune

John Thune. Un autre type que Politico voit d'un bon œil: John Thune, le sénateur du Dakota du Sud. Je vais être honnête, je n'en sais pas des masses sur John Thune à part qu'il est populaire dans le Dakota du Sud et qu'il est très bel homme. Autant dire que John Thune ferait un très bon vice-président john-thunien. (Mais il n'a pas été tendre avec Trump et son idée de fermer la frontière américaine aux musulmans).

Celui qui sera à mon avis choisi par Trump

Comme je n'ai aucune info exclusive sur la composition du ticket Trump, mais que je me suis quand même avalé des kilomètres d'articles sur ce [censuré] de Donald Trump ces neuf derniers mois, ma boule de cristal s'allume pour Chris Christie. Trump et ses conseillers ont déclaré vouloir un vice-président avec une bonne expérience pratique de Washington, et qui serait capable d'apporter son secours sur des questions de sécurité et de politique étrangère. Christie n'a pas réellement travaillé à Washington, mais tout son concept, c'est de faire le gros dur qui n'a pas peur de mettre les mains dans le cambouis. Le genre de fanfaronnade qui colle parfaitement avec celles de Trump –l'héritier d'un empire immobilier qui se la joue «Je suis devenu milliardaire parce que j'ai construit tout l’État de New York à mains nues». Et on sait déjà que Christie laissera Trump faire de lui son toutou –on peut penser (espérer?) qu'il s'est fait promettre une très bonne place dans l'administration Trump en échange d'une telle humiliation.

Si Nicolas Cage n'est pas disponible, Chris Christie est le choix le plus sensé.

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