Culture

Et si les langues disparaissaient?

Temps de lecture: 2 minutes

7,000 langues sont aujourd'hui parlées dans le monde, mais ce nombre pourrait bien se réduire rapidement et considérablement, dans les décennies à venir.

En 1992, un linguiste américain prédit que d'ici l'année 2100, 90% des langues parlées cesseraient d'exister, rapporte la BBC. Mais le sujet ne fait pas encore réagir, et demeure à la marge, selon le linguiste français Claude Hagege, qui prévient de ce que «si l'on ne prend pas garde à la progression de l'anglais, il pourrait bien tuer la plupart des autres langues»

Selon l'association américaine Ethnologue, 473 langues sont actuellement considérées comme en danger. Le Lipan Apache n'est plus parlé, par exemple, que par deux individus vivant aux Etats-Unis; le Totoro compte quatre locuteurs en Colombie et le Bikya n'en aurait plus qu'un seul, au Cameroun.

Claude Hagege souligne qu'avec la disparition d'une langue, c'est tout un système qui disparaît. Pas seulement des mots, mais «la façon dont une communauté exprime son humour, son amour, sa vie. C'est le témoignage de communautés humaines, extrêmement précieux».

Le philosophe Gaston Bachelard explique que la langue maternelle, celle de l'éducation, conditionne notre perception du monde. Une langue, par la richesse, la pauvreté, les nuances de ses signes, découpe le monde d'une façon ou d'une autre. Apprendre une autre langue, c'est apprendre à découper le monde autrement. Ainsi, certaines langues ont des nuances de couleurs innombrables : dès lors, il est possible de percevoir le monde de façon plus nuancée. Les bretons n'ont qu'un mot pour le bleu et le vert. Les Inuits ont 17 mots pour la neige. Les rapports sociaux peuvent aussi être transformés. Dans certaines cultures, le «je» n'existe pas, on n'existe alors que dans le rapport aux autres, on se définit comme étant le fils de quelqu'un, le frère, la femme.

A travers une langue, une communauté atteste de sa différence, et de sa variété. Dans son petit opuscule Race et Histoire, l'ethnologue et philosophe Claude Lévi-Strauss expliquait ainsi que le progrès n'est possible, dans l'humanité, que grâce à l'échange de différentes valeurs et de différents talents des communautés. C'est du cumul de ces différences que naît le progrès. Les langues marquent ces différences.

Paul Lewis, de l'association Ethnologue, interviewé par la BBC, la culture et la langue d'une communauté sont si étroitement liés, que si une communauté commence à penser sa langue comme inutile, elle peut se sentir inutile elle-même. Et sombrer dans la dépression, ce qui conduit alors à une rupture du lien social, à des taux de suicide, de consommation de drogue, de dépression élevés, et à des problèmes de transmissions.

Jusqu'à mars dernier, à la Fondation Cartier, à Paris, le photographe Raymond Depardon présentait un petit film d'une demie-heure présentant des populations de toute la planète parlant des langues en voie de disparition. Qu'il s'agisse de l'occitan ou de langues plus exotiques comme le chipaya de Bolivie, toutes les personnes filmées disaient leur douleur et leur angoisse à voir leur langue et donc leur culture, en voie de disparition.

[Lire l'article complet sur la BBC]

Vous souhaitez proposer un lien complémentaire sur ce sujet ou sur tout autre sujet d'actualité? Envoyez-le à infos @ slate.fr

Image de Une: capture d'écran du film de R. Depardon, Terre natale

En savoir plus
cover
-
/
cover

Liste de lecture