Politique / France

Et si la France devenait un pays d'accueil pour les jeunes?

Cette perspective ambitieuse est susceptible de mobiliser l'opinion. Mais pour la porter, il faut un homme d'État.

PATRICK HERTZOG / AFP
PATRICK HERTZOG / AFP

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Si vous avez entre 15 et 24 ans, vous appartenez à une population de 8 millions de jeunes français. Aujourd’hui, dans notre beau pays, un sur quatre parmi vous est au chômage, soit en excluant ceux qui poursuivent leurs études bien sûr près de 800.000 personnes. Ces sans-emploi représentent 15% des chômeurs (tous ces chiffres proviennent de l’Insee, et encore, à la mi-2015). La classe politique dans son ensemble veut aider les jeunes, mais la réalité ne le confirme pas. Pourtant, leurs difficultés sont le pire mal dont nous souffrons aujourd’hui. Elles plombent leur présent comme le nôtre, leur avenir comme le nôtre.

Puisque l’élection présidentielle qui approche est le temps fort de la vie politique française, est-il possible d’imaginer un changement? J’ai eu pendant des décennies des jeunes étudiants de 20 à 25 ans. J’ai des enfants et des petits-enfants. Je travaille aujourd’hui avec des femmes et des hommes de 35 ans. Personne ne m’a autant apporté que ces jeunes que j’ai la chance de fréquenter. Au-delà de toutes les considérations sur la «loi Travail» de Myriam El Khomri, interrogeons-nous sur ce qu’il est possible de proposer aux jeunes Français.

Certains pays, comme les Etats-Unis, ont inscrit le «droit de poursuivre le bonheur» dans leur constitution. Cela paraît naïf, mais cette seule perspective tire des millions d’Américains vers l’avenir. D’autres, comme Israël, se définissent comme une «start-up country». Cela peut paraître prétentieux, mais cette seule idée stimule tous ceux qui veulent tenter leur chance par l’innovation et la création d’activités nouvelles. Pourquoi la France ne lancerait-elle pas au monde entier qu’elle est un pays d’accueil pour les jeunes?

Il ne s’agit pas de se satisfaire d’un slogan. Il est impératif de développer une ambition à partir de cette simple affirmation. Plus concrètement, cela reviendrait à dire: quelles mesures devons-nous adopter pour que les jeunes du monde entier, Français compris bien sûr, aient envie de venir vivre en France et de travailler en France? Suivant quel calendrier? Quelles sont celles que nous devons écarter? Quelles sont les plus importantes à prendre? Bien entendu, il ne serait pas question de pénaliser les plus âgés, mais d’accorder la priorité aux forces montantes. Sinon par conviction, au moins par intérêt, puisque la population française vieillit et que les jeunes auront à supporter (au sens français et au sens anglais du terme) de plus en plus de seniors et de «vieux».

Pour enclencher une telle révolution, il ne faut pas un pêcheur de voix, mais une vision partagée par un peuple et portée par un homme d’Etat. Côté opinion, pas de problème majeur pour appuyer une telle démarche: trop de familles souffrent de voir des jeunes sur le carreau. Mais qu’est-ce qu’un homme d’Etat, direz-vous? Ce n’est pas un partisan. Ce n’est pas un sectaire. Ce n’est pas un politicien. Je pourrai continuer la litanie des «ce n’est pas». Pour être plus positif, il faut sans doute se tourner vers cette réflexion de Charles de Gaulle que rapporte, au tout début de ses Mémoires, un de ses ministres de la Justice, Jean Foyer: «Souvenez-vous de ceci: il y a d’abord la France, ensuite l’Etat, enfin, autant que les intérêts majeurs des deux sont sauvegardés, le Droit.» Cette réflexion terrible, d’une ampleur exceptionnelle, peut servir à voir plus clair: l’homme d’Etat est celui ou celle qui place le pays au-dessus de tout sentiment, de toute opinion, de tout intérêt particulier, bref de toute autre considération que son avenir, son indépendance, son bonheur. Cet être rare n’est jamais parfait, mais il subordonne la direction de l’Etat et de ses différentes composantes à ce vaste projet, qui de loin le dépasse.

A cette aune-là, il y eut incontestablement Clémenceau, Mendès France, de Gaulle. Tous les trois dans le passé, à des degrés divers, dans des circonstances distinctes, à des époques différentes, ont incarné cette idée. Clémenceau personnifia l’énergie et la victoire; Mendès France la résolution et l’éthique; De Gaulle, l’honneur et la grandeur. Chacun, avec son charisme et sa détermination sans failles, sut redonner aux Français confiance dans une vigueur retrouvée. Ils permirent au pays de jouer son rôle dans le concert si difficile des nations, d’être écouté, respecté, admiré. Il faut aujourd’hui la même envergure pour nous rendre notre assurance. Pour nous redonner le goût de l’avenir. Pour que le pays tout entier se tienne debout. Mais de jour.

Rectificatif: Une première version de cet article incluait dans le nombre de chomeurs ayant entre 15 et 24 ans ceux qui poursuivent leurs études.

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