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Non, pour la presse étrangère, Sadiq Khan n'est pas uniquement un «maire musulman»

Le Guardian accuse les médias non-britanniques de couvrir l'élection du maire de Londres avec «ignorance». Une accusation un peu hâtive.

Sadiq Khan répond à des journalistes après la présentation d'une nouvelle affiche de campagne le 4 mai 2016 à Londres I NIKLAS HALLE'N / AFP
Sadiq Khan répond à des journalistes après la présentation d'une nouvelle affiche de campagne le 4 mai 2016 à Londres I NIKLAS HALLE'N / AFP

Temps de lecture: 2 minutes

Vous lisez des médias qui font preuve «d'ignorance». C'est en tout cas ce que pense le Guardian de plusieurs médias étrangers qui ont couvert la campagne pour la mairie de Londres: le journal britannique leur reproche de s'être concentrés uniquement sur la religion musulmane de Sadiq Khan, le candidat travailliste, donné vainqueur par les premières tendances sorties des urnes.

On peut cependant juger le reproche du quotidien britannique quelque peu étrange quand, dans les lignes qui suivent, il rappelle que la religion de Sadiq Khan est devenue un enjeu de la campagne lorsque le Parti conservateur et la presse de droite ont décidé de l'attaquer et de le faire passer pour un extrémiste religieux. Le Guardian en a fait l'angle d'un de ses articles sur le candidat, où Khan revendiquait le symbole que représente sa religion dans cette campagne, et a également accueilli une tribune expliquant clairement que la victoire d'un candidat musulman à Londres aurait une «signification historique».

Un point technique appuie aussi cet intérêt de la presse étrangère: lors d'une élection, les sujets de prédilection ne sont par essence pas les mêmes pour les médias étrangers et pour les médias nationaux. Les premiers s'intéressent davantage aux enjeux globaux de l'élection, tels qu'une éventuelle alternance, ou à son symbolisme politique, et moins aux programmes.

Un «prolo» avant tout

Mais au-delà de cette considération, le Guardian oublie aussi un élément crucial: les médias internationaux n'ont pas uniquement parlé du fait que Sadiq Kahn soit musulman.

Le journal britannique vise trois articles et sujets français: l'un de l'Obs, un deuxième de LCI et un dernier de Métronews. Sauf qu'en lisant ces articles, on découvre que les reproches du Guardian tiennent rarement plus loin que la lecture du titre. L'Obs parle de la religion de Sadiq Khan pour expliquer que «le camp adverse a tenté sans relâche d'instrumentaliser [celle-ci] pour compenser son retard au cours d'une âpre campagne», avant de rappeler que «de fait, jeudi, la question de sa confession laissait indifférents nombre d'électeurs interrogés par l'AFP, y compris au sein de la communauté musulmane.» Le magazine français parle aussi du Brexit et des difficultés internes des deux principaux partis politiques britanniques. Un schéma aussi choisi par RTL.

Dans son sujet, LCI se concentre surtout sur le profil d'homme du peuple du candidat travailliste, parlant d'un «pur Londonien» et «self-made man» qui dormait dans un lit superposé jusqu'à ses 24 ans. Une identité d'autant plus mise en valeur qu'elle est opposée à celle du candidat conservateur «Zac Goldsmith, un fils à papa habitué des mondanités.» Métronews s'intéresse également plus au fait que Sadiq Khan soit fils d'immigrés qu'au fait qu'il soit musulman et fils d'immigrés musulmans. Le quotidien gratuit évoque aussi le fait qu'il soit avocat spécialisé dans les droits de l'homme.

Le Guardian a-t-il mal choisi ses cibles? Pas vraiment puisqu'en France, la majorité des médias présente Sadiq Khan au-delà de la question de sa croyance. Le Monde a notamment publié un article sur la question centrale du logement dans la campagne électorale, citant à plusieurs reprises les déclarations et le programme du candidat travailliste.

Par ailleurs, France Info, Europe 1RFI ou l'Express, pour ne citer qu'eux, présentent davantage Sadiq Khan comme un homme issu du peuple qui a su faire carrière malgré les difficultés, pour mieux l'opposer à son riche héritier de rival, que comme «le candidat musulman». Oui, ces médias parlent du symbole qu'un maire de Londres musulman constitue, et c'est normal. Mais ils parlent aussi des principaux débats de la campagne.

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