Santé

«J’ai 26 ans, je suis vierge et j’ai vraiment peur de passer à l’acte»

Cette semaine, Lucile conseille Pierre, un jeune homme qui n’a jamais été plus loin que des caresses et des baisers et que cette situation insupporte.

<a href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Ferdinand_Hodler_005.jpg#/media/File:Ferdinand_Hodler_005.jpg">Détail du tableau «La Nuit» (1889-1890) de Ferdinand Hodler </a> | via Wikimedia Commons (domaine public)
Détail du tableau «La Nuit» (1889-1890) de Ferdinand Hodler | via Wikimedia Commons (domaine public)

Temps de lecture: 5 minutes

«C’est compliqué» est une sorte de courrier du cœur moderne dans lequel vous racontez vos histoires –dans toute leur complexité– et où une chroniqueuse vous répond. Cette chroniqueuse, c’est Lucile Bellan. Elle est journaliste: ni psy, ni médecin, ni gourou. Elle avait simplement envie de parler de vos problèmes.

Si vous voulez lui envoyer vos histoires, vous pouvez écrire à cette adresse:[email protected].

Pour retrouver les chroniques précédentes, c’est ici.

À bientôt 26 ans, je n’ai jamais fait l’amour et cette situation me pèse de plus en plus. J’angoisse à l’idée de savoir comment se passera la première fois.

Pendant longtemps, j’ai eu peur des filles, le simple fait de leur parler me mettait mal à l’aise et j’essayais donc d’éviter d’avoir des relations avec elles (mêmes amicales). Mais, depuis deux ou trois ans, j’ai commencé à m’intéresser plus sérieusement à elles.

Le problème est que je souffre d’un gros manque de confiance en moi et j’ai longtemps été très timide. Avec l’âge, j’ai tout de même fait d’énormes progrès. Désormais, j’arrive à être plus souvent à l’aise et je parle beaucoup plus facilement à une fille. D’ailleurs, je ne parais pas forcément timide au premier abord et je suis loin de l’image du puceau «geek» et asocial. Je ne suis pas spécialement un gros fêtard mais je vis en colocation, je sors, j’ai des amis. Bref, je vois du monde.

Mais j’ai l’impression qu’aucune occasion ne se présente même si je pense en avoir déjà eu mais ne pas avoir su les saisir (j’ai besoin d’être sûr des attentions de la fille et, trop souvent, je n’ose pas me lancer mais il faut bien admettre que, souvent, les signaux sont très subtils). De toute façon, je suis incapable d’aller draguer ouvertement une fille et, lorsqu’il y en a une qui tente de me montrer son intérêt, je ne suis plus moi-même, j’ai une sorte de blocage, je suis tout de suite mal à l’aise et je ne tente rien.

Je n’ai eu qu’une seule relation amoureuse avec une fille, que j’ai rencontrée durant une formation professionnelle, l’été dernier. Elle avait mon âge, le courant est bien passé et nous sommes allés boire un verre ensemble quelques jours après. Nous avons passé un très bon moment et j’ai alors pris mon courage à deux mains (c’est bien la seule fois!) pour l’embrasser. Nous nous sommes alors revus plusieurs fois pendant quelques semaines tout en sachant que nos avenirs professionnels allaient nous séparer très prochainement. Toutefois, nous n’avons jamais été plus loin que des caresses et des baisers, je n’ai jamais osé lui proposer de venir chez moi ou d’aller chez elle pour aller plus loin.

Dois-je le dire à la fille? Sinon, va-t-elle le deviner? Vais-je m’y prendre comme un manche?

En fait, j’appréhende vraiment de passer à l’acte (Dois-je le dire à la fille? Sinon, va-t-elle le deviner? Vais-je m’y prendre comme un manche?).

Dans un premier temps, même si je suis quelqu’un qui m’attache facilement, je ne cherche pas forcément à construire une relation stable, je suis plutôt adepte du «carpe diem». J’ai bien essayé d’aller sur Tinder mais sans succès (il est plus difficile de concrétiser pour un garçon sur cette application).

Plus le temps passe et plus ma situation m’insupporte. Il m’arrive de ne pas en dormir la nuit. Lorsque, dans les soirées, la conversation dérive vers les expériences sexuelles, je suis mal à l’aise et je dois me débrouiller pour raconter quelques mensonges. À part deux de mes plus proches amis, personne n’est au courant. Je me demande ce qui ne va pas chez moi quand je vois que tout le monde autour de moi réussit sans problèmes à avoir des relations. Ce n’est pas du tout par pression sociale, j’en ai vraiment envie et, en même temps, j’ai peur. Si vous avez des conseils, je suis preneur.

Pierre

Cher Pierre,

Tout d’abord, laissez moi vous dire que vous n’êtes pas le seul dans ce cas. Vous n’êtes pas le seul dinosaure vierge dans une jungle de dépravation généralisée. En fait, le docteur Catherine Solano, sexologue, indique qu’à l’âge de 24 ans 11% des hommes et 16% des femmes sont encore vierges en France. Le dépucelage est un problème pour la majorité, qu’il se passe avant ou après 20 ans. Chez les femmes, si certaines en font une fierté ou un cadeau au potentiel amour de leur vie, il y a aussi celles qui en sont gênées et décident de régler la question par elles-mêmes (ce fut le cas de l’ancienne hardeuse Nina Roberts qui raconte dans son autobiographie J’assume avoir mis fin à sa virginité seule et avec un manche à balai pour se débarrasser de la corvée) ou avec un homme de passage.

En fait, le problème vient du fait qu’on en a fait un passage obligé (voir le premier volet de la saga American Pie) et qu’on a sacralisé l’événement (qui doit forcément avoir du sens et/ou un contexte précis). La vérité, c’est que si vous demandez aux femmes comment elles ont perdu leur virginité, elles vous répondront qu’elles ne s’en souviennent pas ou alors que l’expérience a été désagréable ou sans intérêt. Et j’ai envie de croire que c’est un peu la même chose pour les hommes.

Vous avez donc 26 ans bientôt. Vous avez une décennie de savoir derrière vous, c’est-à-dire que, si la pratique n’est pas votre fort, j’ose espérer que vous avez des bases en ce qui concerne la théorie. Vous avez entendu parler de l’importance des préliminaires. Vous savez qu’il faut vous protéger. Vous savez qu’il est assez grossier de profiter de sa partenaire pour avoir du plaisir sans vous soucier de son plaisir à elle. Si c’est le cas, vous n’êtes donc pas un puceau de 16 ans, stressé certes mais très éloigné des choses de la vie.

Vous avez des bases en ce qui concerne la théorie. Vous n’êtes donc pas un puceau de 16 ans, stressé certes mais très éloigné des choses de la vie

Ce que vous traînez avec vous, et c’est un poids que j’arrive à concevoir, c’est la peur de ne pas être à la hauteur. La vôtre est démultipliée mais je peux vous assurer que la majorité des gens partagent cette angoisse au moment de chaque première fois avec un nouveau partenaire. La première fois est toujours source de doutes et d’interrogations et, plus la personne est importante, plus la pression est forte. Ce qui explique que ces premières fois sont souvent ratées… Heureusement que la nature nous laisse désormais l’opportunité de réessayer deux, trois, ou des centaines de fois pour trouver son plaisir (et le plaisir de l’autre).

D’ailleurs, en terme d’expériences, je vous en souhaite beaucoup d’autres, des premières fois, autres que celle de la stricte pénétration vaginale dont nous parlons. Le premier baiser est aussi une première fois et vous vous en êtes très bien sorti sans mes conseils. Gardez cet exemple en tête pour vous donner du courage: vous l’avez prouvé, vous êtes capable de faire le premier pas et vous êtes capable d’une interaction physique avec l’autre qui vous donne du plaisir à tous les deux.

Première fois ou pas, le secret d’une relation sexuelle satisfaisante c’est d’en avoir envie. Vous parlez de l’angoisse et de la pression qui semble vous étouffer mais ce n’est pas le désir pour l’autre qui vous étouffe. Et ce désir, il est primordial. Mon conseil? Continuez à sortir et à rencontrer du monde. Vous finirez bien par croiser la route de quelqu’un avec qui vous aurez envie de plus et qui en aura envie également. Et la nature est bien faite, les choses en entrainant une autre, les baisers deviendront vite des interactions plus sérieuses et tout ça sans vous poser de questions superflues. Vous pouvez bien vous permettre de rester vierge quelques mois de plus, le temps de rencontrer une personne, et non pas LA personne, qui vous fasse envie et qui partage votre envie. Comme il n’y a aucune raison que votre partenaire le devine, vous n’avez pas à «avouer» votre virginité avant l’acte si la question ne se pose pas (ce n’est pas un crime, ni une MST). Et si vous en ressentez le besoin, il sera bien temps d’en parler après coup.

En tout cas, rassurez-vous: il n’y a pas de raison que l’acte s’accompagne de douleurs (on ne peut pas en dire autant pour les femmes) et il n’y a rien dans la physionomie des femmes qui soit réellement susceptible de faire peur à qui que ce soit de censé. Si l’envie existe, il vous manque encore l’essentiel: le désir de l’autre. Et ça viendra, je vous le promets. 

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