Boire & manger

Six façons de se risquer sur le bizarre en sirotant de la bière

Le 20 mars prochain, rendez-vous à Planète Bière, le salon de dégustation qui roule en amassant la mousse. Pour vous guider, ces six itinéraires bis font le tour des curiosités servies à la pression ou en bouteille.

Le dernier Planète bière à Paris.
Le dernier Planète bière à Paris.

Temps de lecture: 5 minutes

Après le succès de la première édition 2015, qui a vite affiché complet (pensez à réserver), Planète Bière rempile en prenant un peu le melon, sur un espace agrandi d’un plateau, où 90 exposants venus de 13 pays proposeront quelque 500 fines mousses à la dégustation, le tout ponctué de conférences et d’ateliers. Une poussée à la mesure du nombre de brasseries en France, qui s’est gonflé d’une centaine entre 2015 et 2016, pour atteindre 800. Afin de vous faciliter le trek au Tapis Rouge, voici quelques itinéraires non fléchés à cumuler, en partie ou en totalité pour les plus pushing-the-limit d’entre vous. Mais n’hésitez pas à godiller hors piste.
 

1.Le parcours santé remboursé par la Sécu

Dans les temps anciens, la chope de cervoise remplaçait le brouet du petit déjeuner; d’ici peu, la binouze se substituera à l’ordonnance du médecin, si l’on en juge par le nombre d’innovations récentes orientées santé et bien-être: bières light basses calories, bière hydratantemousse lifting au collagène, bibine fitness enrichie en protéines… Pour profiter du salon en mode cure thermale, allez goûter l’ALTIPLANO, une petite française élaborée à base de quinoa bio cultivé sur les hauts plateaux… du Loiret. Garantie sans gluten, elle est riche en antioxydants et en protéines. C’est à partir de sa recette que se fabrique la vodka Fair. 

Faites ensuite halte chez les Japonais de COEDO pour siroter la Beniaka, une ambrée brassée avec de la patate douce. Cela entrera dans votre quota de cinq fruits et légumes quotidiens. Depuis qu’on sait élaborer de goûteuses binouses sans alcool, les ventes de ce segment décollent en France (> +80%). Alors, testez la blanche à 0,5° de WEIHENSTEPHAN, la plus ancienne brasserie en activité, qui se fait mousser depuis l’an de grâce 1040. Une Bavaroise Ethylotest-compatible. En attendant la bière écran total SPF 40, qui manque un peu l’été sur la plage…
 

2.L’itinéraire «Parle à mon fût…», ma tête n’est pas malade

C’est «la» tendance du moment: faire vieillir la bière en fûts, (presque) comme des spiritueux de dégustation. On commence par les stars: BROOKLYN, la brasserie new-yorkaise, qui n’en est pas à son premier essai côté maturations, apporte sa Hand & Seal vieillie en anciens fûts de bourbon. Techniquement, à 13,3% d’alcool, il s’agit plutôt d’un vin d’orge. Profitez-en pour tailler la bavette avec Garrett Oliver, le charismatique maître brasseur, qui se pointe pour l’occasion. Si vous parvenez à braver la foule pour approcher le stand de DE MOLEN (l’an dernier, c’était mission impossible), autre spécialiste du vieillissement sous bois, jetez-vous sur la Hel & Verdoemenis (Enfer & Damnation en hollandais), une imperial stout passée en barils de bourbon. «À consommer dans les vingt-cinq ans», précise l’étiquette des bouteilles, histoire de vous narguer.

Ensuite, on cabote vers le Finistère puisque BRITT fera déguster sa Sant Erwann blonde vieillie en fûts de Kornog, le whisky tourbé de la distillerie Glann ar Mor. On repique vers la Belgique: CHIMAY présente sa trappiste Bleue, une brune qui a récité ses prières en fûts neufs. Et, pour conjurer le sort, on file dans une abbaye du Nord, classée monument historique, où LA BRASSERIE DU CATEAU a posé ses cuves. La nuit du vendredi 13 mars 2015, on y brassa un imperial porter, la Night Cat, à vous défriser les moustaches. Ce chat noir sous la lune brille de reflets carmin dus au barbe rouge, un houblon alsacien. Une partie de la production fut planquée en barriques ayant contenu du whisky. «En principe», si les matous ne lapent pas tout, c’est cette version vieillie qui sera servie sur le salon.
 

3.La tournée des mousses qui n’ont pas été baptisées à jeun

Juste pour le plaisir de prononcer leur nom à voix haute, allez déguster La Saison du tracteur (blonde), le Sang d’encre (stout) ou la Morsure (ambrée), les bières multi-médaillées de la Brasserie québécoise TROU DU DIABLE. Profitez-en pour vous greffer à la conférence sur le vieillissement sous bois (voir chapitre précédent) donnée par le maître brasseur du Trou, André Trudel. Et puis, arrêtez-vous pour goûter les binouses déjantées de DE SUTTER, brassées en Normandie: Sombre Folle (une brune), Folle Furieuse ou Dément’Brée (ambrées), Crazy IPA ou Brin de folie (deux blondes azimutées). Au passage, léchez les Rombières de la BRASSERIE DES MAUGES ou les Duchesses de LANCELOT.

 

4.Le circuit des bières qui ont un grain

Ces divines mousses viennent nous rappeler à quel point il est plus gratifiant de brasser les céréales en bières que de les pétrir en pains spéciaux. FROG poursuit son exploration des matières premières: après la série des super-héros qui jouait sur les houblons et celle des anglaises qui mettait l’accent sur l’importance de l’eau, le plus frenchy des Rosbifs vient nous présenter sa Oat Stout, à l’avoine, première d’une salve consacrée aux céréales et à leur influence sur la texture et le goût de la bière. De son côté, LA MARISE, brassée en Belgique par De Proef, s’élabore exclusivement avec la Maris Otter, une orge plate (à deux rangs) très en vogue dans les sixties, un petit caviar qui justifie qu’on vous donne son nom.
 

5.La chaussée des géants qui se lâchent

Il arrive que les plus grandes marques se risquent dans les niches… sans se faire mordre. Et nous prouvent que big is parfois beautiful aussi. Vous êtes-vous déjà demandé à quoi ressemblerait une GUINNESS qui ne serait pas une stout? Moi non plus. Mais on va le savoir quand même puisque la plus célèbre des irlandaises présente officiellement les deux porters de son Brewers’ Project, le Dublin et le West Indies, d’après des recettes exhumées des archives maison de la fin XVIIe-début XVIIIe siècle. LEFFE, la bière de spécialité la plus vendue en France, présente sa quatrième IPA, Crystal, un «hop monster» élaboré avec un houblon cultivé par la marque. Et KRONENBOURG animera un atelier cocktail. J’entends les geeks ricaner, mais je vous propose un test: chronométrez la file d’attente, les gars.
 

6.Les étapes spéciales hipsters

L’historique brasserie britannique ROBINSONS apporte ses bières aux recettes crées par Bruce Dickinson, le chanteur d’Iron Maiden, la Trouper et sa version 666, défoncée au malt et dopée en degrés. Essuyez-vous la barbe avant de passer sur le stand de MARSHALL, la marque de casque hi-fi vintage (dont les coussinets vous écrasent les cartilages, si je puis me permettre), qui se lance dans la mousse à fond les ballons, et se pointe sur le salon accompagnée de sa blonde, brassée par Mélusine.

Au rayon culte, saluons la BOURGOGNE DES FLANDRES, l’une des rares bières de fermentation mixte (haute et spontanée), assemblage de brune et de lambic, une rouge-brun comme on dit, malheureusement moins fréquente chez les cavistes que dans le débat public. Et, parce qu’on est toujours ramené à ses tropisme, faites-moi le plaisir d’applaudir deux brasseries françaises qui ont pigé qu’au-delà de la bière se profile un autre Eden, et qui distillent aussi du whisky: ROUGET DE L’ISLE, dont la Vieux Tuyé fumée devrait figurer sur la liste des péchés capitaux; et NINKASI, qui avec la Grand Cru #2, un vin de blé (wheat wine) titrant à 12%, a réussi à encapsuler du concentré de bonheur –encore meilleur après quelques années de garde, si quelqu’un réussit l’exploit de ne pas faire sauter le bouchon avant.

Planète bière

Le 20 mars (journée professionnelle le 21) au Tapis rouge, 67, rue du Faubourg-Saint-Martin, Paris Xe. Billetterie et renseignements ici

 

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