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«Ministre des Droits des femmes, de l'Enfance et de la Famille: manque juste les tâches ménagères...»

A l'issue du remaniement, le gouvernement de Manuel Valls présente une parité parfaite. Mais voit disparaître le secrétariat d'État des Droits des femmes, le sujet étant rattaché au ministère de la Famille et de l'Enfance...

Pascale Boistard, Marisol Touraine et Laurence Rossignol à l'Elysée le 27 août 2014 | AFP/FRED DUFOUR
Pascale Boistard, Marisol Touraine et Laurence Rossignol à l'Elysée le 27 août 2014 | AFP/FRED DUFOUR

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C'est la fin du secrétariat des Droits des femmes, qui était jusque-là rattaché à la ministre de la Santé, Marisol Touraine. C’est désormais Laurence Rossignol, responsable politique appréciée des féministes, qui intègre les droits des femmes au sein de son ministère, devenant «ministre de la Famille, de l’Enfance et des Droits des femmes». Un intitulé qui a provoqué de nombreuses réactions chez les féministes, navrées de constater que soient accolés ensemble «famille, enfance» d'un côté et «droits des femmes» de l'autre. 

«Ministre des Droits des femmes, de l'Enfance et de la Famille: manque juste les tâches ménagères et on est bien», ironise sur Twitter Anne-Cécile Mailfert, ancienne porte-parole et présidente d’Osez le féminisme. «Laurence Rossignol vient d'être nommée aux Droits des Femmes. Oui, mais avec la Famille et l'Enfance. Très stéréotypé tout ça», se moque le Collectif national pour les droits des femmes (CNDF). «Associer les droits des femmes à la famille et à l'enfance suscite de sérieuses préoccupations», font valoir dans un communiqué commun la présidente du Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes Danielle Bousquet, la présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité du Ssénat Chantal Jouanno, la présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité du Conseil économique social et environnemental (Cese) Pascale Vion. «Mettre sous un même Ministère "la famille, l’enfance et les droits des femmes", n’est-ce pas enfermer les femmes dans le rôle stéréotypé qui leur est assigné depuis des siècles: celui d’épouse et de mère ?», s'interrogent-elles.

 
 

Contacté par Slate.fr, Anne-Cécile Mailfert trouve un peu «affligeant» de mettre les droits des femmes du côté de la famille et des enfants: «Les femmes ont autant de rapport avec le travail, pourquoi ne pas nous mettre avec le ministère du Travail? (...) C’est très maladroit.» «Mettre ensemble famille, enfance et droits des femmes me paraît de bien mauvais augure», abonde Suzy Rojtman, du CNDF.

Sur Twitter, la chroniqueuse Dom Bochel Guégan, qui traite souvent de sujets liés au féminisme, ou le chef du service société du journal Le Monde, Grégoire Allix, ont également réagi en ce sens:

Nostalgie de l'ère Najat Vallaud-Belkacem

De prime abord, la perte d’un secrétariat d’État apparaît aux féministes comme étant plutôt une régression. «On n’a plus qu’un tiers du ministère», regrette Anne-Cécile Mailfert. «Le sujet du droit des femmes est relégué à un gros paquet commun famille, enfance et droits des femmes», ajoute-t-elle. 

Certains et certaines ont la nostalgie de la période Najat Valaud-Belkacem, qui est entrée au gouvernement comme porte-parole et ministre de plein exercice des Droits des femmes. À l’époque, ce ministère entièrement dédié aux femmes était vu comme une victoire, un symbole fort. La transformation en 2014 de ce ministère en secrétariat d’État, au sein d’un grand ministère chargé des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes, avait déjà été vu comme une rétrogradation.

Laurence Rossignol, une féministe convaincue

Mais un membre de l’ancien cabinet de Pacale Boistard, l'ex-secrétaire des Droits des femmes, souligne que Najat Vallaud-Belkacem était ensuite devenue ministre des Droits des femmes, de la Ville, de la Jeunesse et des Sports (d'avril 2014 au 25 août 2014), donc également en charge de trois portefeuilles. Ce qui ne l’a pas empêchée de faire voter ce que nombre de militantes considèrent comme l’une des lois les plus importantes pour les femmes de ce quinquennat, la loi du 4 août 2014 sur l’égalité réelle entre les femmes et les hommes.

Par ailleurs, la plupart des féministes s’accordent à dire que Laurence Rossignol fera une bonne ministre des Droits des femmes. C’est une «féministe convaincue», souligne Anne- Cécile Mailfert, qui nourrit de «grands espoirs» en elle. L’élue s’est fait connaître sur Twitter par de nombreux messages dénonçant les manquements aux droits ou à l’image des femmes. Elle est très appréciée des militantes. Elle a d’ailleurs souligné elle-même sur Twitter avoir été une secrétaire d’État «féministe», y voyant de la «cohérence» à recevoir ce portefeuille:

Au final, entre d’un côté la maladresse du message et la perte d’un secrétariat mais, de l’autre, la forte présence numérique des femmes au gouvernement, et l’image positive de la nouvelle ministre, Suzy Rojtman pense que le verre est «à moitié rempli». Surtout, les féministes jugeront la ministre à l’aune de ses actions, pendant les quatorze mois qu’il lui reste, c'est-à-dire peu de temps.

Parité respectée

Malgré ces maladresses, le gouvernement avait pourtant cherché à soigner son image en assurant la parité parfaite au gouvernement, aussi bien entre ministres qu'entre secrétaires d'État, chose qui ne s'était pas produite depuis le début du quinquennat. Depuis le départ de Christiane Taubira du ministère de la Justice, il n'y avait même plus parité pour les secrétaires d'État.

On trouve dans le nouveau gouvernement neuf femmes et neuf hommes ministres. Dix femmes et dix hommes secrétaires d'État. Le compte est parfait: le nouveau gouvernement de Manuel Valls est paritaire. La promesse de campagne de François Hollande est donc bien respectée. 

Mise à jour le jeudi 11 février à 20h53: nous avons ajouté la mention du communiqué commun de Danielle Bousquet, Chantal Jouanno et Pascale Vion.

 

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