Économie

La supervision de la finance européenne en plein flou

La nécessaire régulation se heurte aux prérogatives nationales des 27 - Par Dominique Mariette

Temps de lecture: 2 minutes

Mettre en musique de nouvelles normes règlementaires pour éviter les débordements du système financier mondial, c'est bien. De part et d'autre de l'Atlantique, les chefs d'Etats multiplient les déclarations sur cette absolue nécessité. Ils sont en revanche moins prolixes et beaucoup moins précis sur le système de supervision à mettre en place pour s'assurer que les établissements financiers respectent la réglementation et ne prennent pas des chemins de traverses. L'Europe illustre combien la supervision est un sujet sensible et difficile qui pourrait bien bloquer le 2 avril prochain à Londres la réunion des pays membres du G20 sur la crise économique et la refonte de la finance mondiale.

Une chose est sûre, réformer le système financier sans mieux le réguler revient à donner un coup d'épée dans l'eau. La Commission de Bruxelles pilote depuis plusieurs mois des groupes de travail pour permettre aux européens de parler d'une seule voie lors des rencontres internationales. Elle s'est attaquée à l'épineuse question de la régulation. Son président, José Manuel Barroso, qui se déclare un fervent partisan d'un système européen de supervision financière, a mandaté Jacques de Larosière en novembre dernier, pour lui remettre une série de propositions. C'est désormais chose faite.

Après avoir réuni un groupe d'experts, Jacques de Larosière, ancien gouverneur de la Banque de France et ancien patron du FMI, a remis son rapport au président de la Commission, le 25 février. Inutile de chercher dans le document très rébarbatif de 68 pages, le moindre penchant pour la création d'un superviseur européen unique doté d'un véritable pouvoir de décision, il n'y en a pas. Pour la bonne et simple raison que les 27 pays membres de l'Union européenne refusent catégoriquement que leurs régulateurs respectifs soient coiffés par une autorité supranationale.

Ils s'accrochent bec et ongles à leurs prérogatives nationales et refusent tout transfert de pouvoir à un «big brother» piloté depuis Bruxelles. Ils avancent soulignant que depuis le début de la crise les régulateurs nationaux ont géré les plans de sauvetage des banques et que chaque pays décide du budget à y consacrer.

A l'issue de quatre mois de travail, le rapport préconise de porter le fer sur deux fronts: la prévention des risques et l'amélioration de la supervision. Une recommandation vise à créer un comité européen du risque systémique qui serait dirigé par le président de la Banque Centrale Européenne (BCE) et composé des gouverneurs des banques centrales de tous les pays de l'Union. Il aurait été difficile de ne pas inclure la Banque d'Angleterre, faute de passage à l'euro, alors que le Royaume-Uni est la première place financière d'Europe.

Restait à faire un sort à la supervision des acteurs de l'industrie financière. Le groupe de travail propose de transformer les trois clubs européens qui regroupent les régulateurs des banques (CEBS), des assureurs (CEIOPS) et des marchés financiers (CESR) en trois autorités de supervision dotées de véritables pouvoirs de décision. Chacune d'entre-elles serait présidée par une personnalité indépendante, les régulateurs continuant bien sûr à y siéger. Le rapport souhaite que ses recommandations fassent l'objet pendant deux ans de discussions d'abord au sein de la Commission Européenne, puis entre les ministres des finances et qu'elles deviennent opérationnelles en 2012.

Maintenant que les principes sont posés, des questions restent en suspens. La dispersion de la supervision est-elle la meilleure solution pour faire obstacle aux dérives et aux excès qui ont menés à la crise financière? On peut en douter. Certains estiment néanmoins qu'un grand pas vient d'être franchi. C'est le cas de la Fédération Bancaire Française qui se félicite de ce projet qui pourrait permettre, selon son directeur général délégué, Pierre de Lauzun «d'harmoniser les réglementations nationales». Une autre interrogation, et non des moindres, est de savoir si les Etats membres parviendront à se mettre d'accord sur les propositions du rapport ou au moins sur une position commune. Rien n'est moins sûr.

Dominique Mariette

Image de une: Carnaval à la bourse de Francfort, le 24 février. REUTERS/Kai Pfaffenbach

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