Sciences

Que veulent vraiment dire les derniers mots des condamnés à mort?

Pour les psychologues qui étudient la peur et la mort, les derniers mots de condamnés représentent une inestimable source d’information.

Chambre d'exécution de Karla Faye Tucker, exécutée le 3 février 1998, à Huntsville (Texas) | REUTERS
Chambre d'exécution de Karla Faye Tucker, exécutée le 3 février 1998, à Huntsville (Texas) | REUTERS

Temps de lecture: 2 minutes - Repéré sur New York Magazine

«Imaginez que vous êtes sur le point d’être exécuté et que l’on vous donne l’opportunité de prononcer vos derniers mots. Quels seraient-ils?», s’interroge Science of us, le blog scientifique du New York Magazine.

Pour une étude publiée en janvier dernier par le journal Frontiers in Psychology, les docteurs Sarah Hirschmüller et Boris Egloff ont analysé 407 déclarations finales de condamnés à mort au Texas –rendues publiques par le Département de la justice criminelle texan en 2014–, afin de vérifier la théorie de la gestion de la peur.

La gestion de la peur par les pensées positives

Selon cette théorie développée dans les années 1970, «les humains usent d'un large registre d’efforts cognitifs et comportementaux pour contrôler l’angoisse que suscite une mort imminente», l’objectif psychologique étant de «maintenir une certaine estime de soi et de trouver un sens à la vie». Une théorie qui expliquerait pourquoi un individu n’exprime pas forcément des sentiments de tristesse ou de peur face à une mort imminente.

«Le cerveau serait capable, en un sens, de travailler sans qu’on en ait conscience pour nous protéger de la peur suscitée par une situation terrorisante. Il nous encouragerait à être positifs», éclaire Science of us.

Et effectivement, au vu de certaines déclarations de condamnés, les scientifiques ont constaté des preuves qui soutiennent cette théorie. Comme dans cette dernière déclaration d’un détenu exécuté:

«J’aimerais remercier mes parents pour avoir été mon pilier tout au long de cette épreuve. Remercier mes frères et sœurs et tous les membres de ma famille qui m’ont soutenu et qui m’ont aimé malgré mes fautes et imperfections. J’aimerais remercier le Pasteur Williams pour m’avoir conseillé et guidé. J’espère que (mon exécution) apportera la paix à la famille de la victime. (...) Ça a été un long voyage, un voyage de lumière. Ce n’est pas la fin, ce n’est que le commencement.» 

Comparées à plus de 23.000 contenus écrits et oraux —comme ceux produits par des étudiants en psychologie, qui se sont exercés à imaginer leur mort— et à de véritables lettres de suicide, les dernières déclarations des condamnés à mort contenaient une proportion nettement plus importante de mots positifs.

D'autres facteurs à prendre en compte

Une conclusion qui laisse toutefois Jesse Singal, le journaliste de Science of Usperplexe. 

«Est-ce vraiment logique de comparer les derniers mots de condamnés à mort à un gigantesque corpus de contenus aléatoires? On doit s’attendre à ce qu’un tel corpus contienne un mélange confus d’émotions différentes. Donc la conclusion de cette étude –selon laquelle les dernières déclarations des condamnés sont plus positives– n’est pas irréfutable.»

Même s’il est plus légitime de les comparer à des lettres de suicide, selon Jesse Singal, il faut prendre en compte que si quelqu'un décide de mourir, cet individu ressent probablement moins le manque de contrôle des détenus attachés à un fauteuil. Ce qui signifie que l’influence de la gestion de la peur est probablement moindre.

Le journaliste souligne aussi l’importance de la dernière phrase de l’étude: «Malgré un protocole très standardisé, l’influence possible de caractéristiques situationnelles (par exemple, la présence ou l’absence de proches du condamné ou de la victime) pendant l’exécution n’a pas pu être examinée.»

On peut en effet imaginer qu’il y a d’autres facteurs tout aussi importants que la gestion de la peur. «Si vous faisiez face à une situation terrible et difficile à vivre émotionellement, n’y a t-il pas une chance que vous soyez empli d’émotions positives à la vue ou à la pensée d’un être cher?», se demande Jesse Singal.

De quoi nuancer l’incidence de la gestion de la peur. Il y a encore beaucoup à apprendre des derniers mots des condamnés. 

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