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Tout le monde était stupéfait de la façon dont Donald Trump trônait de manière durable en tête des sondages chez les électeurs républicains. Cela a créé des attentes si élevées que certains avaient fini par admettre que son investiture était inéluctable. Dans l’Iowa, on avait l’impression qu'il serait capable d’attirer des hordes d’électeurs en colère qui submergeraient les sympathisants républicains habituels en allant voter aux caucus pour la première fois de leur vie.
Mais à la surprise générale, le fort taux de participation au scrutin du lundi 1er février ne s’est pas traduit par la victoire de Donald Trump. C’est Ted Cruz qui l’a emporté avec une marge confortable. Quant à Marco Rubio, il s’en est fallu de peu pour qu’il ne relègue le magnat de l’immobilier à la troisième place. Autant dire que devant ce résultat, les républicains anti-Trump se frottent les mains. Le bon score de Rubio ouvre la perspective d’un rassemblement du parti autour du sénateur de Floride, empêchant ainsi Trump ou Cruz de remporter l’investiture.
Mais les résultats des scrutins de lundi soir ne sont pas aussi décisifs qu’on pourrait le croire pour la suite de la course. Ted Cruz parle souvent de son combat contre le «cartel de Washington»: c’est pourtant Trump qui a bafoué pratiquement tous les principes de l’orthodoxie du conservatisme et qui calomnie les élus, républicains aussi bien que démocrates, en estimant qu'ils ne font que tirer les marrons du feu pour des milliardaires comme lui.
Il a montré qu’une grande partie des Républicains sont indifférents au combat contre la réforme de la santé d'Obama ou à la bataille pour la réduction des impôts sur les plus-values en capital. Ils se passionnent en revanche pour les mesures de contrôle de l’immigration et de protection de l’industrie américaine contre la concurrence chinoise. Donald Trump menace de transformer la configuration idéologique du parti républicain. Tous ses adversaires du camp républicain sont réduits à réagir à ses coups imprévisibles. Cette dynamique, qui lui a permis d’adapter la course à l’investiture républicaine pour favoriser ses points forts, ne sera pas brutalement stoppée par les résultats du caucus de l'Iowa.
Pas un terrain propice
Une idée répandue consiste à dire que Trump a tellement tendance à souligner ses talents de winner que tout revers anéantirait son aura d’invincibilité –un atout capital. Il convient de rappeler que Trump a perdu son avance plus d’une fois au cours des mois qui ont précédé le rendez-vous électoral de l’Iowa et que cela ne l’a pas empêché d’aller de l’avant. La façon qu'il a de distordre la réalité s'est révélée encore plus forte que les sondages. Qui peut dire qu’elle ne s’avérera pas plus forte que les caucus de l’Iowa?
A la vérité, l’Iowa n’a jamais été le terrain le plus propice à l’épanouissement du populisme qui caractérise Donald Trump. On pourrait avancer qu'il aurait été plus prudent de sa part de minimiser les attentes en ce qui concerne ses scores aux caucus, mais il se serait alors écarté de son style, celui d’un homme qui, fort de son outrecuidance, séduit et suscite l’admiration.
Sa véritable force ne se trouve pas du côté des votants républicains hyper-religieux de l’Iowa, dont 61% se disent se disent chrétiens «évangéliques» ou born again, selon un sondage mené à la sortie des urnes dans la soirée de lundi. Le candidat milliardaire attire bien plus les Républicains de la classe ouvrière vivant dans les zones rurales du Deep South, dans les Appalaches et le Nord-Est. Et, en particulier, ceux qui sont moins religieux.
Toujours favori dans le New Hampshire
Le New Hampshire sera donc vraisemblablement un terrain plus favorable à Donald Trump que l’Iowa. D’une part, les électeurs y sont bien moins attachés à la religion –on peut penser que son style agressif n’est pas apprécié de tous les chrétiens confits en dévotion. Et bien que beaucoup de choses aient changé dans cet Etat depuis les primaires de 1996, il est bon de préciser que c’est là que Pat Buchanan, avec son programme protectionniste contestant celui de l’establishment républicain, a eu le plus de succès.
A moins d’un changement radical entre aujourd’hui et la semaine prochaine, tout porte à croire que Trump battra Ted Cruz et Marco Rubio dans cet État, où il jouit d’une large avance dans les sondages. De même, il y a de fortes chances pour qu’il en fasse autant en Caroline du Sud, où sa popularité est presque aussi grande.
Donald Trump bénéficie également du fait que Ted Cruz et Marco Rubio ne sont pas les seuls candidats républicains encore en lice. En dépit d’un résultat catastrophique dans l'Iowa, Jeb Bush continue de disposer de ressources considérables, tant il est vrai que le super comité d’action politique qui soutient sa campagne a déjà débloqué des sommes colossales pour attaquer férocement son ancien protégé Marco Rubio. Quant à John Kasich et Chris Christie, bien que leur situation financière ne soit pas aussi bonne, eux non plus n’ont rien à perdre. Pourquoi se priver de joindre à celles de Bush leurs invectives contre Rubio dans les jours à venir?
Cruz misera tout sur la Caroline du Sud
Ted Cruz sera en grande partie épargné par ces figurants qui, du reste, ne le considèrent pas comme leur principal concurrent pour emporter les suffrages des «conservateurs modérés», si importants aux primaires républicaines. Il concentrera tous ses efforts sur la Caroline du Sud, où il tentera de prouver que son populisme à lui est plus pur et dur que celui de Trump. Pas une mince affaire.
Ces dernières semaines, Rubio et ses alliés ont fait valoir que Cruz ne s’est pas montré tout à fait cohérent dans ses prises de position sur l’immigration. Trump a lui aussi tenu des discours contradictoires sur ce sujet, mais ses arguments extrémistes montrent qu’il n'a que faire de ménager les pouvoirs en place. On ne peut pas en dire autant de Ted Cruz ni de Marco Rubio, qui dépendent tous deux, dans une certaine mesure à tout le moins, de donateurs républicains fortunés, alors que Donald Trump, lui, a tout juste commencé à puiser dans sa fortune personnelle pour financer sa campagne et étoffer son état-major.
Est-ce à dire que Donald Trump remportera inévitablement l’investiture républicaine à la Maison Blanche? Rien n’est moins sûr. S’il subissait deux ou trois autres revers qui porteraient un coup à son ego, le milliardaire excentrique risquerait de se désintéresser du combat politique. La sphère d’influence républicaine pourrait aussi se réduire et Donald Trump pourrait ne pas parvenir à conquérir plus du tiers de l’électorat républicain qui le soutient actuellement. Mais aussi longtemps qu'il sera dans l’arène, il restera un candidat redoutable de par sa force. Les Républicains anti-Trump qui croient le contraire prennent leurs désirs pour des réalités.