Politique / France

Sarkozy doute de lui, et Hollande doit s’en inquiéter

L’élimination du président du parti Les Républicains, avant ou à l’occasion de la primaire, serait une bien mauvaise nouvelle pour son ancien rival.

Nicolas Sarkozy à Schiltigheim, près de Strasbourg, le 25 novembre 2015 | REUTERS/Vincent Kessler
Nicolas Sarkozy à Schiltigheim, près de Strasbourg, le 25 novembre 2015 | REUTERS/Vincent Kessler

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Nicolas Sarkozy doute de lui-même. Oui, vous avez bien lu. L’ancien président de la République ne croit plus aussi fermement en son étoile que naguère. Il est apparu étonnamment prudent lors de son émission télévisée du 24 janvier sur TF1, semblant même indexer une candidature présidentielle de sa part sur une remontée de ses indices de popularité.

Cette candidature n’est pas «automatique», a confié un Sarkozy nerveux et mal à l’aise dans le douloureux exercice de contrition auquel le contraint l’opération de la dernière chance que constitue la publication de son livre-confession. Car l’homme est suffisamment intelligent, et «lucide» comme il le dit, pour se rendre compte que la partie est, pour l’heure, fort mal engagée.

L’avis de chacun est très négatif

Toutes les enquêtes d’opinion témoignent de la puissante hostilité qu’il provoque chez les Français. Aux dernières nouvelles, d’après Odoxa, pas moins de 54% des sondés «rejettent» Sarkozy, soit autant que Marine Le Pen et un peu plus que Marion Maréchal-Le Pen (53%). Selon BVA, 80% des personnes interrogées ne souhaitent pas que l’ancien chef de l’État se représente en 2017. Cette opinion est largement majoritaire chez les sympathisants de la droite (69%) et même chez ceux de LR (55%).

Or, tout laisse à penser que l’opinion que les Français se sont forgés à propos de Sarkozy est trop installée pour pouvoir être sérieusement modifiée par une opération de communication autour d’un livre. Pour 72% des personnes interrogées, «Nicolas Sarkozy devrait changer». Mais 74% d’entre eux s’empressent d’ajouter que celui-ci «ne peut pas changer»! Et les électeurs de droite partagent ce même avis.

«C’est la question de l’avis de chacun», a soupiré Sarkozy, confronté à ces sondages démoralisants. Si son exposition médiatique actuelle devrait lui valoir quelques points de popularité, ses chances de revenir véritablement en odeur de sainteté dans l’opinion semblent des plus réduites. D’autant que la publication de son livre est l’occasion de multiples critiques et moqueries, auxquelles il a cru bon de répondre en se comparant à... Racine!

Une part de sincérité fragilisante

L’autocritique entreprise tardivement par Sarkozy contient une part de sincérité qui a cependant pour conséquence de le fragiliser. Cette manière de confesser ses fautes ramène le débat sur la personnalité d’un dirigeant dont le caractère vif, pour ne pas dire agressif, a toujours suscité de vives critiques.

Comme tant de responsables politiques, mais plus que d’autres, Sarkozy veut être «aimé». «Nicolas Sarkozy est un affectif contrarié, comme si la vie, dans sa jeunesse, avait été trop dure», a justement observé Jean-Pierre Raffarin, l’homme qui marchera «toujours à l’affectif». Dans son livre, Sarkozy reconnaît que son retour tient beaucoup au «manque de contact» avec les Français, aux manifestations de «sympathie chaleureuse» qu’il ressentait aux concerts de Carla Bruni. Il admet aujourd’hui être accro aux «salles vibrantes, pleines».

Ce narcissisme remis en lumière ne facilitera pas la réconciliation avec les Français. Sarkozy ne se fait, au demeurant, guère d’illusion sur sa capacité à changer vraiment. «On ne change jamais parce qu’on est ce qu’on est», a-t-il lâché devant Harry Roselmack. En dépit de ses actes de contrition, le nouveau Sarkozy ne voit effectivement toujours pas d’inconvénient à se faire offrir des vacances par le roi du Maroc. Tout cela demeure inquiétant de la part d’un homme qui, ayant au fond de lui «le sentiment d’être illégitime», essaie en permanence de «construire un personnage» selon ses propres termes.

Le mea culpa fatidique

«J’ai abaissé la fonction présidentielle»: ce très sévère jugement de Sarkozy au sujet de sa fameuse altercation au Salon de l’Agriculture («Casse-toi, pauv’ con!») restera sans doute comme la phrase essentielle de son ouvrage. Sa portée est d’autant plus vaste que cette appréciation peut très bien ne pas se limiter à cet unique incident.

«Je n’avais pas perçu la dimension symbolique de la fonction» présidentielle, a plaidé Sarkozy. Un aveu stupéfiant mais qui éclaire les très nombreuses attitudes contestables de l’ancien président. Or, les Français seront certainement désireux d’être enfin présidés, en 2017, par quelqu’un qui se glisse aisément dans le costume de chef de l’État après avoir eu droit à l’impulsif Sarkozy puis à l’emprunté Hollande.

En reconnaissant publiquement ses fautes d’hier –la presse en a décompté pas moins vingt-sept– et ses doutes d’aujourd’hui –il admet se poser la question du «match de trop»–, Sarkozy s’humanise peut-être mais s’affaiblit assurément. Le fougueux leader qui avait pour coutume de répéter que «la force va à la force» risque désormais d’inquiéter ceux qui le suivaient encore.

La défaite promise

L’ancien président a beau imaginer que les élus qui ont «tourné casaque» en l’abandonnant reviendront à ses côtés lorsque la fortune lui sourira à nouveau, sa vulnérabilité admise devrait lui valoir de nouvelles défections. Au cas, fort probable, où sa candidature ne rencontrerait toujours pas les faveurs de l’opinion, de plus en plus nombreux seront même ceux qui, comme Hervé Mariton, lui demanderont de renoncer à se présenter à l’élection présidentielle. Il ne resterait plus alors qu’Eric Brunet et quelques autres pour croire toujours en la future victoire de Sarkozy.

Bien entendu, un combattant de la trempe du président des Républicains ne renoncera pas tant que la moindre lueur d’espoir lui sera permise. Il tentera vraisemblablement tout pour redresser son image et pour écorner celle de ses concurrents, Alain Juppé au premier chef. Mais la démocratie d’opinion, qui est son univers de référence, risque de lui promettre une défaite à la primaire qui sonnerait comme une triste fin à son épopée politique.

L’élimination de Sarkozy, avant ou à l’occasion de la primaire, serait une bien mauvaise nouvelle pour Hollande. Soudés par une hostilité réciproque, les deux finalistes de la présidentielle de 2012 ont partie liée. L’ancien président veut prendre sa revanche sur son successeur et ce dernier espère bien survivre à l’épreuve de 2017 en profitant, une fois encore, du rejet de Sarkozy.

Mais les Français, qui ne veulent dans leur grande majorité ni de Hollande ni de Sarkozy à l’Élysée, seraient fort aise de se débarrasser de l’un comme de l’autre d’un mouvement conjoint. À propos, le président Hollande n’aurait-il pas dans l’idée d’écrire prochainement un livre où il confesserait ses erreurs à l’Élysée? Histoire de rebondir, bien entendu.

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