France

Non, le terrorisme islamique ne se «gère» pas!

Se limiter au bras armé dans l’appréciation de ce qu’il nous faut faire est une erreur d’analyse et nous enferme dans une logique d’impuissance.

Près du Bataclan, le 25 novembre 2015. REUTERS/Eric Gaillard.
Près du Bataclan, le 25 novembre 2015. REUTERS/Eric Gaillard.

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Bras armé du totalitarisme religieux de Daech, le terrorisme n’est pas le cœur du sujet: il est comme le doigt du sage qui montre la lune! Nous sommes en guerre, par les armes et par le combat idéologique, contre un fondamentalisme religieux, inspirateur et commanditaire du terrorisme, et ce dernier doit être détruit avec lui. En outre, il ne faut pas se tromper sur le diagnostic et les remèdes face au radicalisme islamiste, y compris non violent, et il faut en tirer toutes les conséquences en termes d’exigence et de fermeté laïques, en particulier à l’école où tout se joue.

1.Nous sommes en guerre, et la laïcité est notre arme

Sur l’idée de guerre, certains ergotent, d’autres mégotent, beaucoup font de la sémantique, même lorsque leurs pères considéraient, parfois avant tout le monde, qu’en Algérie c’était bien une guerre, et alors que, déjà, elle fut aussi autre que conventionnelle. Jusqu’à même voir soutenir que le terrorisme ne peut pas être détruit, mais doit être «géré». Position aussi réaliste que celle de ceux qui prétendaient qu’il fallait négocier avec Hitler pour éviter la guerre! Le terrorisme n’est que le bras armé d’une entreprise totalitaire religieuse et barbare qui a pris la forme d’un Etat, Daech. Se limiter au bras armé, le terrorisme, dans l’appréciation de ce qu’il nous faut faire est une erreur d’analyse et nous enferme dans une logique d’impuissance.

Nous sommes en guerre parce que l’on nous l’a déclarée bien avant que la France envoie une seule bombe sur l’Irak ou la Syrie, ou un seul soldat au Mali. Le programme de l’Etat islamique et de ses affidés et coreligionnaires est simple: conquérir la planète pour Allah et la soumettre à sa volonté, la «charia» pour tous par le rétablissement du grand Califat, si possible mondial, avec destruction de ceux qui ne se soumettent pas. Mohamed Sifaoui et Abdenour Bidar notamment, avec d’autres telle Malika Sorel, sur la question du voile, le répètent à longueur d’émissions ou de colonnes de journaux.

Daech a un projet, politique, idéologique et religieux, pervers et assassin, qui a pour objet l’asservissement généralisé, la destruction de nos valeurs et de notre civilisation humaniste et hédoniste et, ce, au nom de l’islam. Pour savoir cela, il suffit d’écouter ou de lire ce qui a été déclaré depuis plusieurs années par les théoriciens de l’islam radical. Et de regarder ce qu’ils font, ou font faire, en application: décapiter, lapider, fouetter, massacrer des innocents comme au Bataclan, tuer des journalistes comme ceux de Charlie Hebdo, remplir des charniers de yézidis comme à Sinjar, asservir les femmes, détruire les lieux de culture... L’entreprise barbare islamique semble sans limite. Et il faudrait négocier, lever les armes, «gérer»? Mais négocier quoi? Admettre un petit peu de charia pour tous? On croit à une plaisanterie, mais non, certains osent. Esprit de Munich, quand tu les tiens...

Et, en prime, la cohorte désolante des «idiots utiles» continue, face au totalitarisme le plus hideux, comme si de rien n’était, d’attribuer la responsabilité, exclusive ou principale, de la situation à aux sociétés occidentales... Cela doit conduire à s’interroger sur le concept de causalité et de conscience mystifiées.

Donc, nous sommes bien en guerre parce qu’on nous la fait. Mais cela doit être bien clair aussi, nous ne sommes pas en guerre contre les musulmans, pas plus que contre les autres croyants... Il n’y a que des extrémistes de droite qui peuvent prendre le risque de se lancer dans une guerre de religions entre l’islam et l’Occident qui serait, lui, chrétien.

Néanmoins, soyons lucide, les horreurs de janvier et de novembre 2015 ont à voir avec l’islam et il est impossible de l’en dédouaner même par des slogans faciles. L’islamisme radical est une idéologie religieuse et politique qui est l’expression achevée, en quelque sorte un «idéal type dégénéré», de l’esprit de conquête et de prosélytisme qu’affectionnent toutes les religions, à la stricte proportion de leur immaturité en matière de modernité. Donc, oui, nous sommes en guerre contre l’islam radical totalitaire et ce dernier fait bien partie de l’islam. Qui oserait dire que les abominations et massacres commis par les catholiques au XVe siècle, ce n’était pas l’église catholique?

Mais ce n’est pas tout. Ce n’est pas que de cela dont il s’agit: c’est aussi du combat contre l’obscurantisme, qu’il va nous falloir mener toujours davantage pour ne pas sombrer avec un angélisme navrant et mortel. C’est un combat idéologique qui est pacifique, mais qui doit être résolu. Ce combat idéologique requiert une laïcité pleine, puisqu’il faut «bien nommer les choses pour ne pas ajouter au malheur du monde», du même niveau que celle que la IIIe République naissante avait identifié comme indispensable face à une église catholique hégémonique et ne voulant, elle aussi à l’époque, rien lâcher.

Dans ce combat, notre arme est la laïcité. Plus aucune concession, plus aucun accommodement soi-disant raisonnable. La religion est une affaire privée, celle de la liberté de conscience, et l’affaire des lieux de culte, lieux de son expression collective. Sinon, on admet le prosélytisme affiché ou insidieux et on baisse la garde face à des désirs de conquêtes toujours plus importantes. Doit-on les admettre sans barguigner? Nous ne le croyons pas.

On peut, à cet égard, avec Elisabeth Badinter, considérer que la gauche a trahi la République en abandonnant le combat laïque pour faire place à un œcuménisme naïf, une simple neutralité. Neutralité bienveillante pour les malveillants? La laïcité n’est pas neutre, elle est le combat pour l’émancipation des citoyens, et ce dès l’école, contre tous les obscurantismes, qu’ils soient islamique ou autres. La droite, aussi, a trahi cet idéal républicain, voire même plus que la gauche, mais, elle, la laïcité républicaine n’est pas dans ses gènes historiques.

Il va donc falloir mener, et encore plus, le combat laïque car le fondamentalisme religieux islamique est le terreau idéologique du terrorisme. Ce combat des idées contre l’asservissement de la femme qu’il faudrait voiler et soumettre (puisqu’elle est impure!), ce combat aussi contre la barbarie vis-à-vis des animaux qu’il faudrait égorger vifs sans étourdissement préalable (on ne sait pourquoi, sinon que les dogmes des cultes musulmans et israélites le requièrent...), ce combat également contre l’obscurantisme anticonceptionnel ou anti-homosexuel (on voit trop bien pourquoi), ce combat même pour la culture! Bref, cette «guerre» contre le primat du religieux sur nos vies, il va falloir aussi la mener sans faiblesse, ni relâche, et en même temps que la guerre par les armes contre les barbares, mais sans confondre les deux. Cela suppose des analyses et des consciences lucides, non mystifiées.

2.Combattre les «consciences mystifiées»

Pour combattre sans aucune chance de succès l’intégrisme islamique qui veut conquérir et asservir le monde, rien de tel que de se tromper de diagnostic sur les causes et sur les remèdes. Et là, il faut bien le dire, c’est, depuis le 13 novembre et au fur à mesure que l’horreur s’estompe, un festival. Des analyses énormes de non-sens se répandent dans les médias, dans les réseaux sociaux et même dans le débat politique.

On ne parle même pas ici des idiots qui affectionnent la théorie du complot bien commode pour leurs insuffisances intellectuelles. On ne parle pas non plus des thèses simplistes qui essentialisent en terroristes tous les musulmans ou, à l’inverse, emploient à tour de bras le concept commode «d’islamophobie» pour paralyser toute critique de l’islam. On ne parle pas ici, enfin, de tous ceux qui se sont demandé si la France pouvait bombarder ses propres enfants engagés en Syrie avec Daech (!). Non, on parle ici de journalistes, d’intellectuels et de politiques qui, par idéologie voire incompétence, ajoutent l’insuffisance au caractère dramatique de la situation, tant sur la causalité que sur les remèdes, flirtant ainsi parfois avec le ridicule.

Dans la théorie juridique, et cela intéresse aussi l’art de la rhétorique, deux approches existent en matière de causalité: celle dite de la causa proxima, issue du droit romain, qui identifie comme cause d’une situation, le fait, l’acte, l’événement le plus rapproché qui ainsi a, directement et immédiatement, déclenché cette situation. Cette conception de «droit pur» est plutôt celle du juge judiciaire. Plus «politique», le juge administratif s’est fait, quant à lui, le chantre de la théorie de la «causalité adéquate», et, ainsi, il va chercher, dans la chaîne des évènements, le fait ou l’acte qui lui paraît, même s’il est très en amont, avoir fait naître le dommage.... et parfois même permet la possibilité de sa réparation!

S’agissant du terrorisme et de la radicalité, on jurerait que le Conseil d’Etat a fait des émules avec la «causalité adéquate», car il semble aujourd’hui y avoir autant de causes au terrorisme et à la radicalisation que d’experts qui en parlent, tous aussi «savants». L’opportunisme et la rhétorique font leur office, même contre la raison et le bon sens.

Certains plaident que la désespérance sociale des quartiers et des populations issues de l’immigration qui les peuplent est «LA» cause et qu’il suffit de mettre d’autres paquets de milliards dans les cités et/ou de réduire le chômage pour que tout se règle. Pas de chance, bon nombre des radicalisés islamistes sont issus des classes moyennes, voire aisées, et pour certains des fils de «Gaulois» convertis. Franchement, comment croire que Daech et ses semblables s’arrêteront dès qu’on aura repeint de nouveau les cités ou/et qu’on sera descendu à un chômage à 5%?

D’autres considèrent que « LA» cause est dans le comportement de l’Occident et de la France au Moyen-Orient. Pas de chance non plus, l’appel au terrorisme et les processus de radicalisation sont bien antérieurs à toute intervention française au Mali ou en Syrie. D’autres remontent à la colonisation... D’autres considèrent qu’on a affaire à des fous qu’il suffirait de psychiatriser, etc.

En fait, si l’on réfléchit bien, TOUS, en parlant de la cause de la radicalisation et du terrorisme qui a leur faveur, parlent surtout de «LEUR» cause, celle qu’ils défendent, et étalent ainsi ce que Marx appelait une «conscience mystifiée» par une idéologie.

En réalité, il semble bien que, s’agissant des individus radicalisés à l’extrême, la causalité de leur radicalisation est très complexe et que de nombreux facteurs entrent en jeu pour conduire un jeune Français à en massacrer d’autres et à se faire exploser. Mais au fondement premier, comment le nier, il y a une entreprise religieuse totalitaire abominable –l’islam radical salafiste–, largement partagée dans le monde islamique et y compris par des Etats, et qui les instrumentalise.

En conséquence, il nous semble que chez chacun des jeunes Français qui rejoignent cette funeste entreprise, les facteurs causals sont dosés de manière variable en fonction de chaque histoire personnelle. Privilégier un seul de ces facteurs de causalité au gré de ses préférences n’est pas honnête et est, en outre, inacceptable s’il s’agit de ne pas voir, ou de gommer, l’existence de l’entreprise politique et religieuse totalitaire. Ce serait comme ne regarder, pour les nazis, que les parcours personnels individuels, sans vouloir voir, ni donc s’attaquer, à l’entreprise totalitaire. Ridicules ou complices, voilà le véritable diagnostic sur les consciences mystifiées. On va le vérifier avec les remèdes.

Des voix se font entendre pour critiquer vertement les mesures qui sont prises dans le cadre de l’Etat d’urgence, ou en préparation, au motif de soi-disant «atteintes graves» aux libertés. Regardons y de plus près. Réclament-elles que l‘état d’urgence soit surveillé dans sa mise en œuvre par le juge, les médias, le Parlement? C’est déjà le cas et c’est normal et les médias regorgent de la parole donnée aux «victimes» des assignations à résidence. Réclament-ils que nos plus hautes institutions protectrices des libertés vis-à-vis «d’exactions» éventuelles de l’exécutif donnent leur avis sur certaines des mesures envisagées? Ce fut aussi le cas, comme annoncé au Congrès, et le Conseil d’Etat a donné son avis et indiqué au gouvernement comment procéder au regard des exigences de l’Etat de droit. Mais que veulent-elles alors, au juste?

Certains contestent en fait l’état d’urgence et ses mesures d’application, ou auraient voulu qu’il soit limité à douze jours. Cela paraît irresponsable. En effet, trois semaines après les attentats, l’on a découvert à Lyon des explosifs cachés dans le bosquet d’un parc public pour échapper sans nul doute aux perquisitions, puis furent déjoués des attentats en préparation à Orléans et Montpellier, avant que d'autres attaques ne se produisent encore ces derniers jours à Paris contre un commissariat ou contre un enseignant juif à Marseille.

D’autres contestent que la liberté de manifester dans les rues soit réduite pendant l’état d’urgence, prenant le risque de voir disperser l’action des forces de l’ordre. D’autres contestent que notre Constitution ait à prévoir dans ses dispositions «l’état d’urgence», comme si c’était un danger de constitutionnaliser!

Certes, il nous faut rester un Etat de droit et une démocratie pour ne pas tomber dans le piège de Daech et de ses semblables. Et il faut pouvoir débattre dans un pays libre. Mais où ont ils vu, nos contestataires, que ces mesures nous faisaient sortir de l’Etat de droit? Sur celles qui sont en œuvre dans le cadre de l’état d’urgence (assignations à résidence, perquisitions administratives), faisons confiance aux juges et au contrôle en temps réel du Parlement, voire à nos médias qui en seront gourmands, pour débusquer d’éventuelles erreurs afin qu’elles soient corrigées. Mais, félicitons nous des armes et documents saisis, des personnes débusquées ainsi que des poursuites judiciaires engagées par dizaines à la suite des perquisitions administratives. Au besoin, améliorons la situation au regard des exigences de l’Etat de droit.

Nous limiterons notre analyse au cas de l’état d’urgence et à la question de savoir s’il faut inscrire cette procédure dans la Constitution, laissant délibérément de côté la question très controversée de la déchéance de nationalité, qui mériterait un autre texte à elle seule.

A l’heure actuelle, notre Constitution prévoit dans ses dispositions «l’état de guerre» et «l’état de siège», mais pas «l’état d’urgence» qui n’est prévu que par une loi ordinaire, antérieure à la Constitution de 1958, «instituant l’état d’urgence et en déclarant l’application en Algérie». Cette loi est liée à certaines circonstances, le début de la guerre en Algérie, et elle en porte les stigmates. Il faudrait la garder comme ça, outil bancal non constitutionnalisé? A la merci de la première QPC venue? On laisserait quelques islamistes, qui peuvent être aussi férus de droit, ils l’ont prouvé et se plaisent à user de tous les outils de la démocratie, s’exercer à ça?

Lorsque la Constitution prévoit des états ou pouvoirs d’exception, c’est pour fixer une organisation spécifique des pouvoirs publics et de leurs moyens d’action face à ces situations, ainsi que les limites à ces pouvoirs spéciaux et le niveau de garantie des libertés que, dans ce cas, notre texte suprême entend néanmoins maintenir, principalement par l’intervention du Parlement vis-à-vis du pouvoir exécutif.

Et, en effet, ces dispositifs sont «bordés», tout d’abord par la garantie tenant à leur niveau constitutionnel, c’est à dire une valeur supérieure à la loi: ni le gouvernement, ni le Parlement ne peuvent ainsi s’affranchir du dispositif constitutionnel. Rien de tel pour «l’état d’urgence», qui ne relève que d’une loi ordinaire et pourrait donc subir, en termes de garantie des libertés, les avanies d’une majorité politique réactionnaire.

Au contraire, «état de guerre», «état de siège» et pouvoirs d’exception de l’article 16 ne peuvent voir les garanties et limites figurant dans la Constitution modifiées qu’à la majorité des trois cinquièmes des députés et sénateurs, comme pour toute réforme constitutionnelle, alors que pour une loi ordinaire, une majorité parlementaire simple le peut. Il y a donc, du strict point de vue de la protection des libertés, tout intérêt à inscrire les dispositifs d’exception dans la Constitution. Et c’est valable pour le dispositif applicable à «l’état d’urgence» comme de trop rares voix se sont senties autorisées, ou ont été admises à le dire dans le grand concert médiatique en forme de pétaudière permanente. Dire qu’il est dangereux de constitutionnaliser peut être considéré très sérieusement comme une ânerie d’étudiant de première année de droit public.

Mais, au surplus, n’est-il pas stupide, en 2016, de demander le maintien en l’état d’une loi de circonstance adoptée pour le maintien de l’ordre en Algérie au milieu des années 50? En effet, le dispositif dit «d’état d’urgence» de la loi de 1955 date d’un autre âge et n’est pas adapté à la menace que nous subissons ni en termes d’efficacité, ni en termes de durée, ni en termes de protection des libertés.

Il prévoyait par exemple, par son article 7 que l’autorité administrative est habilitée «à prendre toutes mesures pour assurer le contrôle de la presse et des publications de toute nature ainsi que celui des émissions radiophoniques, des projections cinématographiques et des représentations théâtrales». Très heureusement, la loi du 20 novembre dernier, qui a prorogé l’état d’urgence décrété le 14 novembre par le Président, a abandonné cette disposition scélérate. De même, cette loi a abrogé l’article 12 de la loi de 1955 qui autorisait l’autorité militaire, par sa justice propre, militaire (!), à se substituer aux cours d’assises pour juger des crimes. Il y aurait intérêt à constitutionnaliser ces avancées pour qu’aucun Parlement ne soit tenté d’y revenir par une loi ordinaire. Quel journaliste, expert ou commentateur a souligné tout cela?

Mais il va falloir aussi, en même temps que d’inscrire «l’état d’urgence» dans la Constitution, moderniser son dispositif et l’adapter aux enjeux et spécificités de la guerre que nous avons à subir et aux menaces qui ne s’arrêtent pas à douze jours, ni forcément à trois mois, tout en assurant la préservation des libertés. Au gouvernement de tenir compte des recommandations proposées par le Conseil d’Etat dans son avis sur le projet de loi constitutionnelle et d’améliorer encore les conditions et garanties dans sa mise en œuvre. Le débat parlementaire sur le projet de loi constitutionnelle devrait aussi le permettre en mettant à profit constructif les propositions sérieuses qui ont pu être faites par des personnalités reconnues.

Au delà des débats en cours, il faudrait aussi s’interroger, comme l’a fait Mohammed Sifaoui, sur la question de savoir si le fondamentalisme religieux radicalisé doit avoir, en tant que totalitarisme ayant une ambition de haine et d’asservissement, droit de cité dans un monde qui se veut pacifié, ou si, au contraire, ce totalitarisme doit être criminalisé. Il faudra un jour sortir de notre torpeur béate et traiter cette question. A cet égard, l’idée de «Pacte républicain constitutionnel opposable» devrait permettre de réduire, voire d’exclure, tous ceux qui veulent attenter à ce qu’ont d’essentiel la République et la démocratie, qu’ils soient citoyens, partis politiques ou associations confessionnelles.

3.Appliquer rigoureusement le principe de laïcité à l'école

Le combat contre le fondamentalisme islamiste totalitaire, d’ailleurs, qu’il appelle à la violence ou pas, requiert une application rigoureuse des principes laïques et de la loi puisque, rappelons le, dans un Etat de droit tel que le nôtre, la loi de la République prime sur le religieux.

De plus en plus nombreux sont ceux qui demandent que la République se ressaisisse de ce point de vue. L’Association des maires de France vient de le faire récemment dans un guide de préconisations, que ce soit sur les revendications confessionnelles à l’école ou s’agissant de l’installation de crèches dans les bâtiments publics. Ce nous paraît être aussi l’évidence, comme pour l’immense majorité des français.

Pourtant, de ce point de vue, le récent «Livret sur la laïcité» lancé par la ministre chargée de l’Éducation nationale, qui reflète sa position et celle de l’Observatoire de la laïcité sur les signes religieux ostensibles portés par les parents accompagnateurs de sorties scolaires, nous parait devoir être reconsidéré pour ne plus faire aucune concession au prosélytisme religieux dans l’enceinte scolaire publique.

La lecture de ce livret, antérieur aux évènements du 13 novembre mais postérieur à Charlie Hebdo, laisse pantois et interloqué sur un certain de nombre de points qu’il conviendra de corriger sans délai, sauf pour le gouvernement à tenir un double discours de fermeté apparente, menton en avant, et de faiblesse insigne sur les propositions concrètes. Ces sujets d’étonnement et de mécontentement sur le «Livret» sont au nombre de trois, pour les principaux.

D’abord, le débat entre science et religion, que le «Livret» prescrit de ne pas voir trancher par l’école et ses enseignants, science et religion ne devant pas être confrontés, ni hiérarchisés. On reste stupéfait d’une telle proposition de la ministre chargée de l’Éducation nationale, et non de l’éducation confessionnelle, mais, page 17 du Livret, cette lâcheté est consommée. A quand, aussi, l’admission du discours anti-contraception, anti-IVG ou anti-mariage pour tous au sein de l’école pour faire plaisir à tous les obscurantismes? La France, par cette prescription, rejoint ainsi certains Etats américains qui placent sur le même plan la science et l’intelligent design cher aux créationnistes!

Mais le Livret comporte deux autres points très critiquables qui relèvent d’une seule et même philosophie: la non-application du principe de laïcité aux intervenants extérieurs et aux parents accompagnateurs des sorties scolaires au motif que le principe de laïcité ne s’applique qu’aux agents du service public. En effet, parents, accompagnateurs et intervenants extérieurs ne sont pas soumis à ce principe, non plus que les élèves, en l’état de notre droit et de la jurisprudence du Conseil d’Etat. D’ailleurs, dans cette approche, il a fallu qu’un texte législatif intervienne en 2004 pour que le principe de laïcité s’applique aux élèves qui n’ont pas, non plus, la qualité d’agents du service public mais d’usagers de celui-ci.

Cette situation conduit à une incohérence majeure au sein de l’école et ne peut produire chez les enfants que de l’incompréhension: il leur est interdit, à eux et à leurs enseignants, d’arborer des signes religieux ostensibles et on les laisse exposés à la présence de ces signes tout autour d’eux portés par les parents, les accompagnateurs et les intervenants extérieurs. Où est la cohérence? Que devient le combat pour l’émancipation des jeunes consciences citoyennes en devenir?

Il est primordial de dépasser cette difficulté car l’école doit demeurer, encore davantage aujourd’hui et demain qu’hier, depuis cette funeste année 2015, un véritable sanctuaire de ce point de vue. Comme nous l’avons esquissé sur ces pages, il serait parfaitement possible, sans devoir prendre de nouvelles lois, ni faire «suer» les textes existants, de revenir sur cette situation incohérente.

En effet, le Code de l’éducation prévoit un certain nombre de dispositions législatives sur lesquelles le gouvernement pourrait, selon nous, se fonder pour revenir à toute la cohérence souhaitable en matière d’application du principe de laïcité au sein de l’école.

Il s’agit des dispositions qui définissent «la Communauté éducative», qui englobe les parents et les intervenants, outre les enseignants et personnels auxiliaires de l’éducation. Il suffit de décider que toutes les composantes de la communauté éducative sont soumises au principe de laïcité applicable à l’école publique et, ce, au titre du «devoir d’Etat» que cette laïcité constitue, en application de l’article L141-1 du code de l’éducation. De fait, a priori sans loi nouvelle, en se fondant sur ces articles, il est donc possible juridiquement d’en avoir le courage. Qu’attend-on?

Mais le combat idéologique à mener contre un prosélytisme religieux fondamentaliste envahissant appelle aussi d’autres mesures de courage, que ce soit dans les universités, ou même dans les entreprises, face à des revendications confessionnelles et communautaristes de plus en plus insupportables quant on a présent à l’esprit ce qu’elles représentent.

Ce ne sont pas les croyants ordinaires et donc modérés qui, sans cesse, avancent ainsi leurs pions dans ce que les fondamentalistes appellent, souvenons nous-en en permanence, le «ventre mou» qu’il considèrent être l’Europe. Continuons à les laisser faire, en particulier à l’école, leur marché de demain, et on devra, navrés mais trop tard et comme des benêts devant le choix des urnes, laisser un jour l’extrême droite s’en occuper.

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