Santé

Savez-vous dire non?

Comme bonne résolution pour 2016, il faut apprendre à s'offrir ce luxe.

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No / Henri Burrows via Flickr CC License by.

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Parmi les choses les plus difficiles qui soient, j’en vois une qui se détache nettement: savoir dire non.

Comment dites-vous «non»? Brutalement, sèchement, mielleusement? Arrivez-vous à le dire avec amabilité, bienveillance, gentillesse? Woody Allen précise que la célébrité lui a procuré un avantage: les femmes qui lui disent «non» sont de plus en plus belles. Mais pour nous qui ne sommes pas des célébrités, comment nous arrangeons-nous avec les multiples «non» que nous devons délivrer dans la vie quotidienne?

A table: reprendrez-vous de ce pudding à la menthe? Dans la rue: me dépanneriez-vous de deux euros? Dans le train: pouvez-vous me prêter votre portable? Dans le métro: avez-vous une pièce ou un ticket restaurant pour que je puisse rester propre? Au bureau: vous voulez bien envoyer ce mail à ma place? Au cinéma: pourriez-vous me laisser ce fauteuil? Sur la plage: ça ne vous embête pas que j’emprunte votre crème anti-soleil? Au restaurant: accepteriez-vous de payer aujourd’hui? Avec les enfants : dis, tu veux bien qu’on y aille maintenant? Etc.

Certains sont brutaux et s’en tiennent à ce simple mot, «non». D’autres le répètent, pour marteler la réponse: «non, non, non et non». D’autres encore y arrivent en prenant des précautions oratoires: «Écoute, j’aimerai bien te rendre service, mais en ce moment ce n’est pas terrible…» Et puis il y a ceux qui ne savent pas comment s’en sortir: «Alors là, c’est compliqué, ce n’est pas que je veuille dire non, j’ai même envie de dire oui, mais vraiment, je ne crois pas que ce sera possible –cette fois-ci, parce que la prochaine fois, pas de problème bien sûr…»

Le plus souvent, dans notre beau pays, et plus encore dans la capitale, le non est rare. Vous présentez un projet professionnel avec conviction et talent. On vous rappellera. On ne vous rappelle pas? Ça veut dire non. Vous laissez un message téléphonique en demandant quelque chose. On ne vous rappelle pas? Ça veut dire non. Quand j’ai découvert que les Français ne savaient pas trop comment dire «non», je m’en suis ouvert à mes amis francophones, Sénégalais, Canadiens, Belges, Suisses et autres. Je leur ai dit qu’en France et à Paris un «Je vous rappelle» sans suite valait un «non». Leur réaction fut unanime: le silence en la matière, cela revient tout simplement à être mal élevé. La moindre des politesses est de répondre, donc de savoir dire non.

Tout le problème est que nous, Français, nous éprouvons une grande difficulté à dissocier une personne de son action. Si un automobiliste nous fait une queue de poisson, ou s’il nous double indîment, nous le traitons de connard. Autrement dit, nous confondons le fait, qui est indubitablement répréhensible, avec la personne, qu’on ne doit jamais réduire à l’un de ses actes. Un enfant qui pique le crayon d’un copain en classe n’est pas un voleur; il a seulement, et une fois, chapardé. Dans la culture anglo-saxonne, il n’est pas rare d’entendre un interlocuteur vous dire, après que vous lui ayez présenté un projet avec l’intention de l’y associer: «C’est très intéressant, je suis certain que vous trouverez des partenaires, mais je regrette, ce n’est pas pour moi.» Et, en disant cela, il ne pense pas un seul instant vous blesser. Nous éprouvons quant à nous beaucoup de mal à nous comporter ainsi.

Il faut avouer que le non est en général plus difficile que le oui. Un banquier m’a expliqué un jour qu’un client à qui l’on dit «oui» n’a pas besoin de perdre plus de temps. Inutile d’épiloguer, il a obtenu ce qu’il désirait. Dire «oui» est donc plus facile, et surtout, cela cause moins de soucis. Répondre «non», en revanche, est bien plus compliqué. Le client veut savoir le pourquoi de la réponse négative, souhaite des explications, revient à la charge, peut même sortir de ses gonds. D’ailleurs, chacun d’entre nous le sait bien: quand un enfant nous demande quelque chose, si nous disons «non», nous sommes immédiatement harcelés.

Comment faire? Je suis personnellement de ceux qui pensent que le luxe revient à pouvoir dire «non». Voici un petit truc: avant de donner votre réponse négative, dites pourquoi vous allez dire «non», surtout si vous avez deux ou trois raisons qui s’ajoutent les unes aux autres. Je l’ai souvent utilisé. Ça marche très bien. Vous voudriez bien savoir si j’ai un cadeau de Nouvel An pour vous? Ecoutez, je vais vous dire les deux raisons pour lesquelles je n’en ai pas: je vous aime bien mais on ne se connaît pas encore suffisamment et puis vous avez dû en recevoir déjà beaucoup à Noël. Bonne année quand même.

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