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Rien n’y fait, depuis la fin novembre les virus circulent et l’épizootie progresse. Mercredi 16 décembre, le bilan officiel du ministère de l’Agriculture recensait «trente foyers d’influenza aviaire» (contre quinze deux jours avant) dans cinq départements du très grand Sud-Ouest qui correspondent à de grandes concentrations de palmipèdes: la Dordogne (onze foyers), les Landes (treize foyers), la Haute-Vienne (un foyer), le Gers (trois foyers) et les Pyrénées-Atlantiques (deux foyers).
La lutte contre cette épidémie soulève aussi une question dérangeante. Depuis le début de cette épizootie, outre la destruction de l’ensemble des animaux des élevages touchés (la réglementation sanitaire est drastique), le gouvernement a interdit l’expédition d’oiseaux vivants et d’œufs depuis l’ensemble du département de la Dordogne à destination d’autres États membres de l’Union européenne ou de pays tiers (selon les termes d’un arrêté paru au Journal officiel du 3 décembre, repérés par le journal Le Monde), interdiction qui s’accompagne aussi de restriction de transports sur le territoire français des volailles, poussins, œufs ainsi que de viandes d’espèces aviaires provenant de l’ensemble des communes placées sous surveillance. Mais, pour le marché intérieur, le message gouvernemental est clair: «L’influenza aviaire actuellement présent sur le territoire national n’est pas transmissible à l’homme par la consommation de viande, œufs, foie gras et plus généralement de tout produit alimentaire.»
Le ministère de l’Agriculture et celui de la Santé rappellent donc que «la viande, le foie gras, les œufs ne présentent aucun risque pour la consommation au regard de cette maladie». Dès lors, pourquoi procéder à la destruction de l’ensemble des animaux des élevages touchés? On peut comprendre pour l’abattage (visant à l’extinction du foyer viral) mais pourquoi ne pas en autoriser la commercialisation dès lors que la consommation est sans risque? Interrogé, le ministère de l’Agriculture répond, sans plus de précisions, qu’il s’agit «de mesures réglementaires européennes».
Surveillance virologique
Si la viande, le foie gras et les œufs sont sans risque, pourquoi ne pas en autoriser la commercialisation?
Que dit la science? Les experts de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) ont, mardi 14 décembre, répondu aux différentes questions que leur avait posées le gouvernement. Il apparaît ainsi que ce n’est pas un seul mais deux voire trois virus «hautement pathogènes» de la grippe aviaire qui circulent conjointement dans le sud-ouest de la France. Pour l’heure, le séquençage du génome de celui de type A(H5N1) découvert sur la première exploitation touchée par la grippe aviaire «ne possède pas la combinaison de gènes qu’il faut pour être transmissible à l’homme». Ce virus, qui appartient à une lignée européenne et non pas asiatique, est donc très différent des premiers H5N1 «humanisés» qui, après l’Asie, ont circulé en Europe fin 2005, déclenchant alors une alerte mondiale de l’OMS. «L’ensemble des huit segments de ce virus sont bien d’origine aviaire, et non pas des gènes d’un virus humain», précise l’Anses.
Sur cette base, les experts ne recommandent qu’une intensification de la surveillance virologique, notamment chez les oiseaux sauvages retrouvés morts. Les «restrictions de mouvements des chiens et chats» ne semblent pas, pour l’heure, nécessaires, «hormis dans les élevages infectés».
Comme souvent dans ce cas de figure, les assurances sanitaires données par les ministères français de l’Agriculture et de la Santé n’ont pas empêché certains pays de prendre des mesures protectionnistes. C’est ainsi que dès l’annonce du premier cas, huit pays ont fermé leurs portes à l’importation de produits avicoles français: la Chine, la Corée du Sud, le Japon, la Thaïlande, l’Égypte, le Maroc, l’Algérie et la Tunisie. Les pays de l’Union européenne n’ont pris aucune mesure similaire. Concernant les foies gras, ce sont les restrictions de l’accès au marché japonais, premier marché à l’exportation (foies gras de canard congelés pour l’essentiel), qui posent le plus de difficultés aux professionnels du secteur.