Culture

Vous ne savez pas quoi offrir pour Noël? Slate vous donne un coup de main

Livres, DVD, albums... Les conseils de la rédaction.

REUTERS/Pilar Olivares
REUTERS/Pilar Olivares

Temps de lecture: 18 minutes

À ce stade de la nuit,

De Maylis de Kerangal

Éditions Verticales

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Histoire de Judas (DVD)

De Rabah Ameur Zaïmèche

Éditions Potemkine

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Recommandés par Jean-Michel Frodon, critique cinéma de Slate.fr

Un tout petit livre (70 pages) et un DVD, ce n’est pas de trop pour faire un cadeau digne de ce geste. Et c’est énorme, lorsque, de manière différente mais pas étrangère l’une à l’autre, deux artistes prennent le monde actuel à bras le corps, avec élan, inquiétude et générosité.

Maylis de Kerangal entend au mitan de la nuit ce nom de Lampedusa où échouent cette misère du monde que nous refusons d’accueillir, le nom met en branle un souvenir de livre, Le Guépard, fait bondir un songe halluciné par les souvenirs et l’horreur contemporaine: les films, les amis, les histoires et les territoires viennent à sa rencontre. 

Parce qu’il n’y a qu’un seul monde, celui où meurent noyés, vendus humiliés, des hommes, des femmes et des enfants, qui est aussi celui de nos rêves et de nos imaginaires. Et c’est cela aussi qui transperce le film de Rabah Ameur Zaïmèche, l’histoire de Jésus de Galilée réembrasée en Kabylie par la question du dogme, et ses dérives intégristes, les leurs, les nôtres. Un incendie sensible, où la liberté de parole n’est pas un vain mot mais un combat que nous aurions tort de croire avoir fini de mener, ici, maintenant.

A Fendre le coeur le plus dur, 

De Jérôme Ferrari et Olivier Rohe

Éditions Inculte/Dernière Marge

Recommandé par Peggy Sastre, traductrice pour Slate

(Peggy a elle-même publié cette année La Domination masculine n’existe pas)

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«Des choses à fendre le cœur le plus dur», c’est ce que voit et décrit à sa femme Gaston Chérau, écrivain et correspondant de guerre, dépêché dans la région de Tripoli lors du conflit italo-ottoman (1911-1912). C’est cette matière première que malaxent Jérôme Ferrari et Oliver Rohe dans une réflexion aussi courte que tranchante, et atrocement nécessaire, sur la représentation de la guerre –ses mots, ses images, ses camps et, surtout, ses impensés. Le tout dans une langue aussi sublime que le sujet est dégueulasse et, bien trop souvent, laissé aux seules mains de la fascination esthétisante ou d’un aveuglement mal déguisé en décence.  

Alice au pays des merveilles: le manuscrit

De Lewis Carroll 

Éditions des Saint-Pères

Le coffret, préfacé par Amélie Nothomb, contient deux livres: le manuscrit de Lewis Carroll, et la traduction française illustrée par John Tenniel. 

Recommandé par Jean-Yves Nau, spécialiste santé de Slate.fr

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Qui se souviendrait de Charles Lutwidge Dodgson (1832-1898) s’il n’avait, sous le pseudonyme de Lewis Caroll, donné la vie à Alice et à son pays des merveilles? Inventé pour trois petites filles sur une barque descendant l’Isis, le conte a été pour la première fois publié en 1865. Un siècle et demi plus tard, le revoici; sous la forme du manuscrit original, dans sa traduction d’origine et enserré dans un luxueux coffret.

Ouvrons-le. Nous sommes en 4 juillet 1862, un jeune et timide professeur de mathématiques d’Oxford et un confrère de Trinity College sont en compagnie des trois petites filles, dont Alice alors âgée de 10 ans, pour une promenade en barque. Dodgson est âgé de 30 ans. On a prévu un pique-nique. Le soleil fait miroiter l’Isis. Les fillettes réclament des histoires. De la barque, Charles perçoit un terrier. Le miracle peut commencer. Alice la libérée et ses monstres: lapin pressé, chenille pontifiante et Reine de cœur au sang. Alice qui a séduit Woolf, Aragon, Barthes, Joyce, Nabokov et André Breton. Alice aujourd’hui préfacée par Amélie Nothomb.

B-Movie: Lust & Sound in West-Berlin 1979–1989

de Jörg A. Hoppe, Heiko Lange, Klaus Maeck

Recommandé par Annabelle Georgen, correspondante de Slate.fr à Berlin

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En 1979, un jeune Britannique fou de krautrock quitte Manchester et sa scène punk pour s’installer dans un squat à Berlin-Ouest. Emprisonnée par le Mur, cette moitié de Berlin est alors un îlot de liberté aux allures de ville fantôme, perdu en terre communiste, un aimant qui attire déjà les jeunes gens qui se sentent trop à l’étroit dans la société allemande de l’après-guerre, qui s’y rendent souvent pour éviter le service militaire, squatter un de ses innombrables immeubles laissés à l’abandon, se perdre dans les nuits sauvages de la scène underground locale. Durant quelques années, Mark Reeder va suivre l’avant-garde musicale berlinoise au plus près –Einstürzende Neubauten, Die tödliche Doris, Ideal, Die Toten Hosen...–, organiser des concerts et écumer les clubs de la ville accompagné d’une caméra de télévision. Émerveillés par les dizaines de bobines de film que le Britannique a conservées de ses années berlinoises, quatre réalisateurs allemands en ont fait le point de départ de ce documentaire conçu comme une virée dans le Berlin no future d’avant la chute du Mur –le feu Dschungel, où Bowie avait ses habitudes, ou le bastion anarchiste SO36, toujours en vie– où l’on croise tour à tour Nena, Christiane F. ou Keith Haring, assiste à une pseudo-cérémonie païenne au pied du Mur ou tombe nez-à-nez avec Nick Cave dans son appartement berlinois. Grisant.

Bourdieu / Touraine: Coffret (à composer soi-même) de sociologie générale

Sociologie générale, Pierre Bourdieu

Éditions du Seuil

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Nous, sujets humains, d’Alain Touraine

Éditions du Seuil

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Recommandé par Jean-Laurent Casselly, journaliste à Slate.fr

Les cours donnés par Pierre Bourdieu au Collège de France entre 1982 et 1984 font l’objet d’une retranscription de 752 pages. Pour 30 euros, vous en aurez donc pour votre argent, puisque le Bourdieu ça ne se lit pas comme un «page-turner». Ces cours, qui seront suivis d’un deuxième volume, seront le compagnon idéal de vos soirées d’hiver. Son «cours de sociologie générale» (c’était l’intitulé donné au cours) «représente, selon l’éditeur, sans doute la meilleure introduction jamais donnée à son travail». Pour les lecteurs persévérants.

Pierre Bourdieu est mort en 2002, mais Alain Touraine, 90 ans, est toujours vivant. Les deux sociologues sont souvent considérés comme les tenants de deux écoles de pensées irréconciliables. «Il est du côté des déterminismes sociaux, je suis du côté de la liberté, mais les deux faces de la sociologie ne peuvent vivre l’une sans l’autre», estimait dans Libé le second lors de la mort du premier. Or Touraine publie Nous, sujets humains, dans lequel il étudie comment les conflits de classes sont remplacés par de nouveaux «mouvements sociaux», qu’il a contribué à analyser dans les années 1970. Les deux ouvrages sont édités au Seuil. N’ayant eu pour le moment l’occasion de lire ni l’un ni l’autre, j’espère que le père Noël de l’éditeur aura une pensée pour Slate le 24 décembre prochain.

Ça, c’est Choron

De Virginie Vernay

Éditions Glénat

Recommandé par Vincent Brunner

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Typiquement le livre qui, placé sous la hotte, amusera petits et grands. À la fois autobiographie et anthologie, ce beau pavé retrace la vie et l’œuvre absurde de George Bernier, renommé pour l’éternité Professeur Choron. Si les guests sont légion –de Cabu à Vuillemin en passant par Reiser, Averty, Yanne–, c’est le talent cradingue et stylé de Choron qui, à chaque page, saute aux yeux.  Romans-photos délirants, collages subversifs, textes d’une hilarante cruauté…il y a ici matière à rire comme des cons pendant tout 2016. Parce que Choron, c’est comme (dans un autre genre) le live de James Brown de 71 à l’Olympia où tous les musiciens paraissent bien sages et défouraillent un funk infernal: son humour apparemment daté reste plus moderne que celui des youtubeurs et de bien des amuseurs publics actuels. Avec un peu de chance, une association bien-pensante demandera l’interdiction de ce livre, ça serait un bel hommage.

Ce genre de choses n’arrive jamais 

De Mika Waltari

Éditions Actes Sud

Recommandé par Bérengère Viennot, traductrice pour Slate.fr

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Survivre à un accident d’avion, ça n’arrive jamais. Se retrouver dans un pays impossible à identifier, dans un état de guerre qui ne dit pas son nom; affronter des fonctionnaires corrompus et devoir sauver sa peau en échappant à l’arbitraire d’une situation folle et à une société sans repère... ce genre de choses n’arrive jamais.

Le titre insolent de ce tout petit roman (très bien) traduit du finnois est à la fois un constat et un vœu pieu. Non, il ne s’agit pas d’un résumé des calamités que cette année vient de nous infliger. Cette fable prophétique a été écrite en 1939 et traduite en français en juin 2015 seulement. Un cadeau à la fois poétique et aux relents de cauchemar. 

Joyeux Noël...

Cocktails, le guide de l’expert, 

De Stanislas Jouenne

Éditions Flammarion

Recommandé par Christine Lambert, journaliste, spécialiste whisky et spiritueux

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En 1806, le directeur d’une feuille de chou de l’État de New York, en répondant à un lecteur indigné, donnait en ces termes la première définition du cocktail: «Une boisson stimulante […] supposée être une excellente potion en temps de campagne électorale car [elle] rend le cœur hardi en même temps qu’[elle] embrouille la tête [et] une personne qui en a avalé un verre peut avaler n’importe quoi.» Pendant que vous décidez du niveau de sobriété à maintenir devant les urnes dimanche 13 novembre, je ne saurai que trop vous conseiller ce petit ouvrage bien ficelé et divinement illustré, que l’on doit à Stan Jouenne, dingue de spiritueux aux manettes du bar Tiger, qui vient d’ouvrir dans le VIe à Paris. Il profite de la folle résurrection du cocktail en France pour vous fournir les bases techniques, historiques, et bien sûr les recettes ad hoc et leurs twists. Sa lecture achevée, en principe, vous devriez pouvoir dépasser le stade du mojito et du gin to.

Collected Recordings (1983-1989)

De Lloyd Cole and The Commotions

Polydor - Universal

Recommandé par Laurent Sagalovitsch, romancier et chroniqueur pour Slate.fr

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Quand Lloyd Cole revisite Lloyd Cole and The Commotions, cela donne ce coffret de Collected Recording (1983-1989). Une plongée dans ce groupe mythique qui fut avec les Smiths l’étendard d’une pop résolument littéraire où les fantômes de Simone de Beauvoir, de Norman Mailer, d’Eva Marie Saint dansaient au son de mélodies toujours aussi impeccablement actuelles. Du travail d’orfèvre pour celui qui demeure, et de loin, le songwriter le plus doué de sa génération. Et des suivantes.

Cet ouvrage aux allures de roman est en réalité un livre élégant sur l’art de cuire les aliments. «Parmi les interventions du cuisinier sur un produit, la plus cruciale et la plus délicate n’est-elle pas la cuisson?» se demande Keda Black. Pour tout comprendre et «acquérir par soi-même son propre sens de la cuisson juste», l’auteure décortique, cuisson par cuisson, ces manières de transformer les ingrédients du tout au tout: à la braise, au four, à la vapeur, au bouillon, à la fumée ou encore en croûte… Pour accompagner ce précis, des images brutes et belles, des recettes pour bien sûr mettre en pratique les techniques, et quelques «secrets de chefs».

L’École des colonies, 

de Didier Daeninckx

Éditions Hoebeke

Recommandé par Louise Tourret, journaliste de Slate.fr, spécialiste éducation

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Un magnifique livre illustré comme l’éditeur Hoebeke aime en proposer. L’iconographie, extrêmement soignée, a nécessité un long travail: il n’existe pas de fond d’archives sur le sujet.  Elle nous plonge dans une vraie réflexion: photos, affiches, planches pédagogiques exotiques, belles, souvent dérangeantes, évoquent à la fois l’exotisme des pays colonisés, les lumières que la France pensait apporter au monde et le profond racisme sur lequel reposait le projet colonial. Un racisme enseigné dans nos écoles. Le texte de Didier Deaninckx explore le quotidien des instituteurs de la fin des années 1940 aux quatre coins de l’Empire pour nous sortir, si besoin, de l’étrange fascination qu’exercent ces images venues d’un passé pas si lointain.

Eleor

De Dominique A

Label Cinq 7/Wagram

Regarder l’océan

Éditions Stock

Recommandé par Nadia Daam, journaliste de Slate.fr

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Depuis mes 16 ans, quand je suis malheureuse j’écoute toujours un peu Dominique A. Et c’est pas un scoop: 2015 a charrié quelques occasions de chialer comme une merde et de chercher du réconfort là où il se trouve. Tous les albums de Dominique A ont quelque chose de consolant et «Rendez-nous la lumière» faisait particulièrement bien le job. Jusqu’à l’album Eléor, sorti quelques jours après les attentats de janvier, et qui a immédiatemment agi comme le meilleur des baumes alors que le chanteur craignait que la chanson «Au revoir mon amour» «n’arrive comme un cheveu sur la soupe». C’est la voix de Dominique A, d’abord, qui apaise, sobre, ample et enveloppante. Et puis, Dominique A raconte super bien les histoires, les rêveries, les grands espaces et les accidents. 

Il a aussi sorti un livre, Regarder l’océan, en avril 2015, où il est question de son passé, et toujours, encore, de la façon dont on rend la mélancolie supportable.

 

Les esclaves oubliés de Tromelin, 

De Sylvain Savoia

Éditions Dupuis

Recommandé par Jean-Marc Proust, journaliste de Slate.fr

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Tromelin est un morceau de sable dans l’océan Indien. Un endroit invivable, minuscule, où échoue un vaisseau de la Compagnie des indes en 1761. A bord, des négriers et des esclaves. Quatre-vingts esclaves. Avec les débris du navire, les hommes d’équipage parviennent à s’enfuir. Et ne reviennent pas. Les esclaves s’adaptent, survivent, attendent en vain des secours. Ils meurent. On les oublie. Quinze après (QUINZE ANS), il restera huit rescapés. Sept femmes et un enfant âgé d’à peine 8 mois.

Sylvain Savioa a accompagné une équipe de recherche du groupe de recherche en archéologie navale (Gran) pendant quelques semaines. Les archéologues mettent à jour des abris de fortune, enfouis dans le sable. Narré et dessiné avec maestria, le récit est double, qui évoque l’enfer des esclaves oubliés mais aussi l’isolement, l’ennui d’une telle expédition, et l’émotion qui préside aux découvertes. Des photos complètent cette magnifique BD à la fois reportage, reconstitution et journal de bord. Inattendu et émouvant.

Coffret Fernando Solanas (DVD)

Éditions Blaq out

Recommandé par Thomas Messias, journaliste pour Slate.fr

(En 2015, Thomas a publié un livre sur Le Nouveau cinéma argentin)

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Même si je pense en toute objectivité que le bien culturel indispensable de 2015 n’est autre que mon livre, la modestie me pousse plutôt à vous recommander ce coffret comprenant neuf DVD (soit huit films plus trois heures d’entretien). Bien avant ce nouveau cinéma argentin qui m’est si cher, Fernando «Pino» Solanas questionnait les fantômes de son pays à travers des œuvres souvent documentaires, mais parfois gorgées de fiction. Solanas, c’est quarante ans de combat filmique, du film-somme L’Heure des brasiers (radiographie sans concession d’une Argentine gangrénée par les choix hasardeux et les mauvaises rencontres) à Mémoire d’un saccage et La Dignité du peuple, double analyse de la terrible crise financière qui secoua le pays au début de ce siècle. La France gagnerait sans doute à se trouver un Solanas, cinéaste capable de prendre beaucoup de distance en peu de temps. En attendant son éclosion providentielle, ces leçons de cinéma et de politique constituent le plus puissant des cadeaux de Noël.

Une Fille est une chose à demi

D’Eimear McBride

Éditions Buchet-Chastel

Recommandé par Daphnée Leportois, journaliste et éditrice de Slate.fr

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C’est un livre qui pilonne dès les premières phrases. L’écriture d’Eimear McBride happe et fracasse. Dialogues, pensées et descriptions s’entrecoupent dans une irruption de mots déchaînés qui cognent dur. La violence n’est pas seulement racontée: elle est là, elle nous rentre dedans et ce style nous fait entrer presque K.O. dans les entailles d’une vie charcutée par la religion, la maladie et le sexe. J’ai eu mal, au cœur, de dégoût et de souffrance. J’en ai même pleuré –ce qui ne m’était jamais arrivé.

Imperial Courts 1993-2015

De Dana Lixenberg

Editions Roma Publications

Recommandé par Fanny Arlandis, journaliste de Slate.fr, spécialiste de la photographie

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3 mars 1991: le noir américain Rodney King est passé à tabac par des policiers à Los Angeles. Leur acquittement un an plus tard déclenche des émeutes sans précédent. Dana Lixenberg, photographe hollandaise, est envoyée dans le sud de la ville par un magazine. Elle y retourne ensuite pendant vingt-deux ans pour photographier la communauté afro-américaine qui vit à Imperial Courts, un projet d’habitation situé dans le quartier de Watts. Elle vient de rassembler son travail constitué d’élégants portraits en noir et blanc dans un livre intitulé Imperial Courts 1993-2015. C’est beau et intelligemment réalisé.

L’invention de l’histoire nationale en France

De David Gaussen

Éditions Gaussen

Recommandé par Antoine Bourguilleau, traducteur pour Slate.fr et spécialiste histoire

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En voici un bon livre, étonnant, et qui remet bien des idées en place. Partant de la Révolution française, David Gaussen constate que c’est un peu avant le Directoire que les historiens français commencent à prendre conscience qu’une «histoire de France» n’a jamais vraiment été écrite, leurs prédécesseurs l’ayant jusqu’alors confondue avec l’histoire des rois. Ils s’attèlent alors à cette tâche, qui s’élabore jusqu’au milieu du XIXe siècle. David Gaussen s’intéresse à des historiens moins connus que Michelet ou Guizot, et qui se posent des questions passionnantes: que dire, comment le dire, et à partir de quel âge les professeurs peuvent-ils parler de l’histoire de France et comment éviter l’écueil de la propagande? Cette histoire est inventée de manière parfois artisanale, par des personnages passionnés et passionnants. Cette description de la naissance du roman national, souvent au cœur des débats politiques actuels, entre héritiers de la Révolution, les monarchistes et les Catholiques, est aussi érudite qu’accessible.

Israël et ses paradoxes

De Denis Charbit

Éditions Le Cavalier bleu

Recommandé par Jacques Benillouche, correspondant de Slate.fr en Israël

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Denis Charbit, dans son ouvrage sur les idées concernant Israël a une grande ambition: favoriser le retour au débat sur un pays qui, plus que tout autre, attise les passions. Exigeant, argumenté, contradictoire, le livre conjugue les divergences, autorisant les convergences. Son mérite principal: donner des arguments à ceux qui ne pensent pas comme lui. 

Quiconque tient que toute la vérité vient d’Israël et que la Palestine est mensonge; quiconque pense que le Mal est israélien et que le Bien est palestinien ne trouvera guère dans ce livre de quoi blinder ses convictions. Ni État d’exception ni État exceptionnel, Israël est «un État comme les autres», avec ses paradoxes. Cet essai aborde tous les aspects politiques, historiques ou religieux d’un pays qui est toujours dans l’actualité géopolitique, au cœur d’une société en profonde mutation.

La Maison cinéma et le monde

De Serge Daney, 

Éditions P.O.L.

Recommandé par Jean-Marie Pottier, rédacteur en chef de Slate.fr

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Avec la publication de ce quatrième tome s’achève l’anthologie du critique de cinéma Serge Daney entamée, il y a près de quinze ans, par les éditions P.O.L. Après les années Cahiers du cinéma (tome 1), les années de critique-star à Libération (tome 2) et la mutation en cinéphile-zappeur (tome 3), ce dernier ouvrage signe le temps d’une prise de recul pour Daney, quelques mois avant sa mort du sida le 12 juin 1992. Avec des amis cinéastes et critiques, il crée Trafic, une nouvelle revue de cinéma, toujours vivante aujourd’hui –«c’est bien de revoir les films, une revue est faite pour revoir, et peut-être pour voir ce qu’on n’a pas vu la première fois», déclare-t-il alors. 

Les volumes précédents laissaient la part belle aux critiques, mais tout ce livre est placé sous le signe du (re)passage en revue, qu’il s’agisse pour Daney de tenir le journal quotidien de son activité cinéphile, de tirer le bilan d’une vie à travers une série de passionnants entretiens (notamment avec l’historien palestinien Elias Sanbar) ou de revenir à froid sur ce qu’il avait chroniqué à chaud, du cinéma des années 1960 au nouveau paysage télévisuel. À signaler, en guise de bonus internet, que ce recueil ne contient pas «Le deuil du deuil», critique fulgurante d’Uranus publiée en 1991 et qui valut à son auteur un droit de réponse de Claude Berri –heureusement, on la trouve assez facilement en ligne.

Quand le service américain de streaming s’est implanté en France, nous n’étions pas vraiment convaincus. Il faut dire que l’installation du service n’avait pas été simple –la faute à la chronologie des médias. Au lancement en septembre 2014, le catalogue n’était pas très rempli, et certaines des séries phares disponibles sur Netflix aux États-Unis n’apparaissaient même pas sur Netflix France: House of Cards par exemple, diffusé sur Canal+. Un an plus tard, tout a changé et les bonnes séries originales de Netflix de qualité se multiplient: à côté d’Orange is the New Black, il y a Bo Jack Horseman, Narcos, Bloodline, Jessica Jones, Master of None. Si le catalogue cinéma n’est pas encore très riche en bons films (dominent plutôt blockbusters et comédies romantiques), quelques bonnes séries documentaires sont à ne pas louper, dont l’excellente Chef’s Table sur des grands chefs de restos partout dans le monde. La bonne nouvelle, c’est que le catalogue va encore s’enrichir grandement en 2016: le patron de Netflix a annoncé le 7 décembre dernier que trente-et-une nouvelles séries seraient lancées en 2016. Les 9,90 euros à dépenser par mois valent donc désormais le coup. Surtout pour s’occuper pendant les fêtes et ensuite, et encore après

 

Palmyre, l’irremplaçable trésor

De Paul Veyne

Éditions Albin Michel 2015

Recommandé par Ariane Bonzon journaliste de Slate.fr spécialiste de la Turquie, du Proche-Orient et de l’Afrique australe

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On imagine sans mal sa colère: devant la destruction par Daech du temple de Baalshamin; puis son indignation: devant la mise en scène d’exécutions atroces et ostentatoires dans le petit théâtre; et enfin son chagrin lors de l’assassinat de l’ami Khaled al­Assaad, «l’archéologue» de Palmyre pendant quarante ans.

Alors, pour tenter de surmonter son impuissance, Paul Veyne, spécialiste de l’Antiquité gréco-romaine, raconte cette «cité qui ne ressemblait à aucune cité de l’empire» où se mélaient les arts primitiviste, oriental, hybride ou hellénisant, et où l’on parlait araméen, arabe, grec et même parfois latin.

Qu’avait donc d’unique Palmyre? Un «frisson de liberté et de non conformisme» et, même, de «multiculturalisme» car le «chauvinisme culturel n’avait pas cours dans l’antiquité». «Or, conclut Paul Veyne, ne vouloir connaître qu’une seule culture, la sienne, c’est se condamner à vivre sous un éteignoir.»

«Sol Invictus»,

De Faith No More

Label Ipecac

Recommandé par Stéphanie Plasse, journaliste

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Pour ceux qui auraient vécu dans une grotte et auraient raté l’album des retrouvailles de Faith No More, un séance de rattrapage en vue des fêtes de Noël s’impose. En mai 2015, alors qu’Eros Ramazotti revenait avec un album d’exception, le quintet californien reprenait du service en signant un nouvel opus rock expérimental intitulé Sol Invictus. Un album inespéré pour les fans qui, après Album of a year en 1997 et une dernière tournée en 2013, pensaient ne plus revoir Faith No More en studio. Pour leur grand retour, le chanteur Mike Patton et ses musiciens ont misé sur une  garde de robe de crooners métalleux. Lors de la promotion de Sol Invictus, ils sont même apparus en costume blanc, revisitant le style des Poetic Lovers. Une esthétique inimitable que l’on retrouve dans ce dernier album taillé pour une tournée des stades. Sol Invictus reprend les bonnes vielles recettes qui ont fait le succès de Faith No More, en alternant rock énervé et ballades «croonées»

Un bon cadeau de Noël pour les nostalgiques de l’album King for a day, fool for a lifetime et son titre référence «Digging the grave».

Jia Zhang-Ke, la collection (DVD)

De Ad Vitam
Recommandé par Boris Bastide, journaliste et éditeur à Slate.fr

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Des cinéastes à avoir émergé ces vingt dernières années, il est résolument un des plus grands. Récompensé à Venise et à Cannes, le Chinois Jia Zhang-ke s’est imposé comme le plus fin observateur des soubresauts du libéralisme sur les laissés pour compte de la croissance. De Xiao Wu, artisan pickpocket (1997) à Still Life (2013), un coffret DVD regroupe enfin l’ensemble de ses huit films sortis en salle à ce jour. Indispensable pour comprendre les mutations de la Chine d’aujourd’hui et, plus généralement, la violence sociale du monde dans lequel on vit. Un super cadeau ne venant jamais seul, son tout nouveau long métrage Au-delà des montagnes sort en France le 23 décembre. Courez-y.

Fargo

Série télévisée de Noah Hawley

Recommandé par Vincent Manilève, journaliste à Slate.fr

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Cette année, quand on parle de série TV et de thriller, on pense un peu vite à True Detective et sa seconde saison très (très) décevante. Et pourtant, il existe une autre série, dont on parle peut-être moins mais qui mérite toute notre attention en cette fin d’année. Il s’agit de Fargo, produite par Netflix et inspirée du film culte des frères Coen sorti en 1996. Dans la première saison, on y suit la petite vie ratée de Lester Nygaard (Martin Freeman), un commercial en assurance minable qui tente de s’affirmer dans la petite ville enneigée de Bemidji, dans le Minnesota. Influencé par un tueur à gage maléfique (l’excellent mais trop rare Billy Bob Thornton), il va sombrer dans la violence et tout faire pour cacher le meurtre de sa femme. L’ambiance des frères Coen y est parfaitement retranscrite et la deuxième saison, qui vient de sortir, propose une époque et une histoire différente mais tout aussi passionnante. 

La saison 1 et la saison 2 sont disponibles sur Netflix (9,99 euros par mois sans engagement), et la saison 1 est également disponible en coffret DVD et Blu-ray.

MI-5 Infiltration (Spooks: The Greater Good)

Film de Bharat Nalluri

Recommandé par Grégor Brandy, journaliste à Slate.fr

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Au milieu de l’été, j’ai découvert que MI-5 (Spooks, en anglais), l’une de mes séries préférées, avait été adaptée en film, un film qui était sorti directement en DVD, sans passer par une sortie en salle. Spooks, c’est la version britannique de 24 Heures Chrono, sauf qu’ici Jack Bauer ne bosse pas tout seul, qu’il peut mourir à tout moment: ce qui rend le tout légèrement plus anxiogène.

Le film n’est pas tout à fait du même niveau que la série, qui s’est achevée sur une dixième saison, en 2011, mais on y retrouve des personnages familiers (Erin, Harry Pearce, Malcolm…) et des petits nouveaux, dont Kit Harington (Jon Snow, dans Game of Thrones), dont on se demande combien de temps ils vont rester en vie.

C’est un joli florilège d’espionnage, de terrorisme et de trahison qui commence avec l’évasion spectaculaire d’un terroriste en plein cœur de Londres et finit sur une scène qui devrait finir de vous méduser.

Bob Dylan - La totale

De Philippe Margotin et Jean-Michel Guesdon

Éditions du Chêne

Recommandé par Robin Verner, journaliste à Slate.fr

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Sous toutes les latitudes, les dylaniens y croient très fort: Bob Dylan, c’est à la fois Shakespeare et Rachmaninov, à moins qu’il ne les surpasse. Même en balayant cette légère exagération, on ne peut que reconnaître que l’œuvre de l’artiste aux trente-cinq albums studio, et aux incessantes tournées, méritait une exégèse. Le défi avait cependant de quoi impressionner car la voix nasillarde la plus célèbre du monde a enregistré 492 chansons depuis ses premiers balbutiements en 1962. Philippe Margotin et Jean-Philippe Guesdon l’ont pourtant relevé le long des 700 pages de leur Bob Dylan la totale. Genèse de l’album, contexte de l’écriture des morceaux, références en tous genres, anecdotes, tout y est.  Avec un peu de chance, on saura bientôt ce que Dylan entendait par des vers comme celui-ci: «With your mercury mouth in the missionary times» («avec ta bouche de mercure aux temps missionnaires»).

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