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La candidature de Paris aux JO de 2024 mérite un vrai débat public

Les habitants de Hambourg viennent de se prononcer à une courte majorité contre la candidature de la ville. À Paris, aucune discussion ne semble aujourd'hui possible.

Paris, le 23 juin 2015 I  REUTERS/Christian Hartmann
Paris, le 23 juin 2015 I REUTERS/Christian Hartmann

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Mise à jour: Un appel d'offre a été lancé pour mettre en place une concertation citoyenne autour de l'événement.

Circulez, il n’y a rien à discuter! C’est en substance le message délivré par la mairie de Paris au sujet de la possibilité d’un éventuel référendum pour adouber ou rejeter la candidature de la capitale pour l’organisation des Jeux olympiques de 2024. Non, la population locale ne sera pas consultée comme celle de Hambourg qui a dit «nein», dimanche 29 novembre, à la présence de la cité hanséatique. La course aux Jeux de 2024 se résume donc désormais à un marathon à quatre –Budapest, Los Angeles, Paris, Rome– dont l’arrivée sera jugée le 13 septembre 2017 à Lima, au Pérou, dans le cadre de la 130e session du Comité international olympique (CIO).

Dans un bel élan démocratique, Hambourg, associée à Kiel, ville proposée pour les compétitions de voile, a rassemblé quelque 650.000 électeurs et 51,6% d’entre eux se sont déclarés opposés à cette prise de risques. Il y a deux manières d’analyser ce résultat: l’une, négative, actant du simple résultat, l’autre, positive, relevant la forte mobilisation et l’étroitesse du score qui prouve que le oui pouvait l’emporter dans une telle confrontation et au terme d’un très riche débat. C’était la deuxième fois en deux ans que l’Allemagne rejetait une candidature aux Jeux olympiques par voie référendaire. En 2013, Munich, volontaire pour accueillir les Jeux d’hiver de 2022 en liaison avec la station de Garmisch-Partenkirchen, n’avait pas réussi à convaincre les concitoyens de Bavière dans des proportions voisines à celles de Hambourg alors que Munich (qui le savait au moment de voter) avait des chances très élevées d’être l’heureuse élue lors de la décision du CIO prise en juillet 2015 (finalement en faveur de Pékin).

La note pourrait être très salée

Pour le Comité olympique allemand, c’est évidemment une gifle comme le coup est très dur pour l’Allemand Thomas Bach, président du CIO depuis 2013, qui doit bien faire le constat de la méfiance, si ce n’est de l’hostilité, de son pays à l’égard des contraintes liées à la colossale entreprise représentée par le fait de relever le défi de vouloir accueillir les sportifs de la planète l’espace de deux semaines. Les attaques terroristes de Paris et le scandale sans fin de la Fifa, qui a touché l’Allemagne de plein fouet et qui accrédite l’idée pas si reçue que les instances sportives internationales sont corrompues, ont peut-être légèrement influé sur le résultat final tout en rappelant que Munich avait penché pour le non dans un climat plus serein. Comme d’habitude, le CIO, dans son communiqué entérinant l’élimination de Hambourg, a évité d’amorcer le moindre début d’introspection le concernant –Thomas Bach s’est même amusé du sens d’un référendum dans L’Équipe– et pourtant c’est une vraie crise de confiance qui le touche.

Trois ans après ses Jeux, Londres est incapable de dire si ceux-ci ont été profitables à la ville ou pas et dans quelle mesure ou dans quel domaine

Pour Paris, qui aurait tort de se réjouir de l’élimination d’un rival européen de cette envergure, il y a, au contraire, matière à réflexion dans un résultat qui doit la bousculer et interroger sa stratégie notamment dans le sillage du 13 novembre et de l’attaque du Stade de France possible futur Stade olympique. Car ces événements tragiques anticipent, il faut le dire en toute transparence et sans aucun tabou, une note astronomique pour sécuriser tous les sites éclatés des éventuelles compétitions, de l’Île-de-France à Marseille où sont programmées les compétitions de voile. La partie du dossier liée à la sécurité, aussi bien dans ses modalités techniques que financières, devra être terriblement détaillée et approuvée sans désaccord par tous les bords politiques. À Rio de Janeiro, pour les Jeux de 2016, 85.000 policiers ou officiers doivent d’être mobilisés et le budget autour de ces questions a été évalué autour de 400 millions d’euros dans un pays peu menacé par le terrorisme. Si Paris a les Jeux, il faudra nettement relever ce chiffre.

Anne Hidalgo longtemps réticente

À ce stade, il est impossible de chiffrer exactement le prix d’une telle candidature qui, si elle aboutit, dépassera à coup sûr les 10 milliards d’euros comme il est illusoire de vouloir évaluer précisément le niveau des répercussions économiques positives ou négatives qui découleront d’un tel événement. Trois ans après ses Jeux de 2012, Londres est toujours incapable de dire si ceux-ci ont été profitables à la ville ou pas et dans quelle mesure ou dans quel domaine. Jusqu’au bout, le flou demeurera, et dans le flou, il y aura, pour beaucoup, toujours un loup comme dirait l’autre. Les actuels déboires de Rio, pris au piège de la récession brésilienne six ans après avoir été la ville élue, sont un autre signal d’alerte.

Lors de sa campagne électorale de 2014, Anne Hidalgo (comme Nathalie Kosciusko-Morizet aujourd’hui chef de l’opposition municipale) avait refusé d’inclure toute idée d’une candidature olympique dans son programme. Deux mois après être devenue maire de Paris, lors d’un déplacement à New York, elle avait même fait part de toutes ses réticences face à une telle hypothèse. «Les Parisiens attendent de moi (...) du logement, des équipements, de la justice, de la facilité économique, avait-elle précisé auprès de Bill de Blasio, le maire de New York, opposé, lui, résolument à une candidature de sa ville. Mais, aujourd’hui, nous sommes les uns et les autres dans des contraintes financières et budgétaires qui ne me permettent pas de dire que je porte cette candidature

Faire vivre l'esprit du 11 janvier

Les contraintes financières et budgétaires sont toujours aussi rudes en décembre 2015 (et à tous les niveaux territoriaux), mais Anne Hidalgo –c’est son droit– a changé d’avis. Poussée par François Hollande, elle a finalement accepté de se lancer dans l’aventure olympique en indiquant que la foule qui avait envahi les rues de la capitale et de France le 11 janvier 2015 après les attentats des 7, 8 et 9 janvier, avait été comme un révélateur pour elle. «Il y a dans l’esprit du 11 janvier et dans l’esprit olympique originel une même revendication de paix commune et de partage», a-t-elle fait savoir en juin. Soit. Au sein de la mairie de Paris, Parti socialiste et droite sont donc tombés d’accord sur le principe de cette candidature qui, en revanche, n’a pas reçu l’aval des écologistes et du Front de gauche. Mais à l’heure actuelle, au-delà de la vision du 11 janvier d’Anne Hidalgo, personne ne sait vraiment pourquoi Paris est candidate, quel est son message en la matière et quel pourrait être l’héritage laissé par des Jeux 100 ans après ceux de 1924.

Anne Hidalgo a promis une consultation populaire qui, si ce n’est pas un vote, devra ressembler à quelque chose

Le public est lui amené à se mobiliser autour d’une collecte de fonds par le biais du ruban «Je rêve des Jeux» qui a été jusqu’ici une petite déception en termes de récolte et d’un appel à idées et projets sur le net. Mais de débat entre pros et antis, point. Ce qui est possible en Allemagne ne l’est pas en France et ne le sera pas plus à Budapest, Los Angeles et Rome. Depuis le référendum de 1969 qui en envoyé le Général de Gaulle à la retraite, les politiques français sont toujours persuadés que dans le cadre d’un référendum, les Français votent forcément à côté de la question qui leur est posée. Triste défiance.

Les votes de 2017 en ligne de mire

Et pourtant, Anne Hidalgo a promis une consultation populaire qui, si ce n’est pas un vote, devra bien ressembler à quelque chose au-delà des sondages (faisandés) commandés pour évaluer le taux d’approbation ou de rejet d’une population face à une candidature olympique. Un appel d’offres vient d’être lancé en ce sens et c’est plutôt rassurant. Car l’enjeu est colossal et doit être débattu au-delà des enceintes d’un Conseil des ministres, d’un conseil municipal, département et régional car il serait encore criminel de laisser la main aux politiques –c’est hélas bien parti pour, on ne se refait pas, face à un Comité national olympique et sportif français (CNOSF) sous l’éteignoir. 

Mais pour le moment, la méthode pour légitimer et asseoir cette candidature reste donc inconnue. Candidature qui, dans son sprint final, sera au coude à coude avec l’élection présidentielle de 2017. Quelles seront alors l’image et l’humeur de la France quand la commission d’évaluation du CIO viendra notamment visiter les sites lors de l’hiver 2017? Aussi noire et pessimiste qu’actuellement avec un Front national au plus haut et signe d’une France désunie? Que diront au monde les résultats du premier et du deuxième tours de la présidentielle à quatre mois seulement du rendez-vous de Lima? Voilà un vote, populaire, qui ne laissera pas insensible les membres de l’universel et si sensible CIO. Finalement, pour Paris 2024, tout se jouera peut-être bien, in fine, dans des urnes tricolores…

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