Santé / France

La prise en charge des blessés du 13 novembre analysée par deux revues médicales

Deux publications dans les deux plus prestigieuses revues médicales mondiales décryptent la prise en charge en extrême urgence des blessés du 13 novembre.

Secours devant le restaurant Le Carillon, à Paris, le 13 novembre 2015 | REUTERS/Philippe Wojazer
Secours devant le restaurant Le Carillon, à Paris, le 13 novembre 2015 | REUTERS/Philippe Wojazer

Temps de lecture: 2 minutes - Repéré sur The Lancet, The New England Journal of Medicine

Les tragédies peuvent, elles aussi, donner matière à des publications médicales et scientifiques: le partage des expériences est une manière sans égal de faire progresser les connaissances. C’est d’ores et déjà le cas avec les attentats terroristes du 13 novembre à Paris. Les deux plus prestigieuses revues médicales au monde ont publié deux communications sur le sujet; deux regards complémentaires sur une prise en charge unanimement considérée comme exemplaire et qui avait été facilitée par un exercice de simulation organisé dans la matinée du 13 novembre.

Le premier témoignage médical a été publié sur le site du Lancet dès le 24 novembre: «The medical response to multisite terrorist attacks in Paris». C’est une longue publication, parfaitement documentée, signée des responsables des principaux services médicaux et chirurgicaux en première ligne dans la prise en charge des blessés souvent victimes de blessures par balles d’une particulière gravité («une chirurgie de guerre», témoigneront plusieurs spécialistes dans les jours suivants). En adressant ce texte au Lancet (qui l’a publié en urgence dans sa rubrique Point de vue), ces soignants et l’institution hospitalière ont voulu expliquer à leurs confrères comment ils ont pris en charge 352 blessés, dont 99 en situation d’urgence absolue. En aval de l’action des urgentistes, trente-cinq équipes chirurgicales de dix hôpitaux ont ainsi travaillé de manière continue et parfaitement coordonnée.

Ce texte ne fait pas l’économie d’une forme d’autocélébration du travail accompli et, au sein même de l’institution, certains critiquent le fait que le premier signataire ne soit pas un médecin mais Martin Hirsch, directeur général de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP). D’autres regrettent l’absence de mention du travail effectué dans les cellules d’urgence médico-psychologique, de même que l’absence de citation des médecins libéraux venus prêter main-forte à leurs confrères. Reste l’essentiel, résumé par le professeur Pierre Carli, médecin-chef du Samu de Paris (et deuxième signataire de la publication du Lancet) dans l’entretien qu’il avait accordé à Slate.fr: «Nous avons pleinement conscience de l’importance de notre tâche. Au-delà de la prise en charge optimale des personnes blessées, notre réponse collective est essentielle, qui témoigne de notre capacité à lutter contre ces menaces et ces attaques.» De ce point de vue, le texte du Lancet constitue, lui aussi, un témoignage essentiel.

Coordination

Le regard du New England Journal of Medicine est différent. Daté du 2 décembre et publié dans la rubrique Perspective, le texte est intitulé «Report from Paris». Il est signé du docteur Charlotte J. Haug, correspondante internationale de la prestigieuse revue américaine.

C’est un long reportage dans lequel l’auteure recueille les témoignages détaillés du docteur Carl Ogereau et du professeur Jean-Paul Fontaine, responsables du service des urgences à l’hôpital Saint-Louis, du docteur Matthieu Legrand, spécialiste d’anesthésiologie et de soins intensifs, et du docteur Paul Meria, urologue et chirurgien généraliste. Elle a aussi recueilli le témoignage, à bien des égards édifiant, du professeur Benoît Vallet, directeur général de la Santé. Ce spécialiste d’anesthésie de formation était encore dans son bureau du ministère de la santé à 21 heures le vendredi 13 novembre. Sa femme l’attendait pour l’emmener à un concert. «C’est alors qu’il a reçu un appel du “cabinet”, la direction politique du ministère de la Santé, peut-on lire dans The New England. Ils avaient reçu un message du ministère de l’Intérieur: il y avait des explosions et des fusillades à Paris une situation grave. “Donc à partir de ce bureau, je suis allé au Centre opérationnel de réception et régulation des urgences sanitaires et sociales, le Corruss”, [lui] a dit Vallet. Ma formation en soins intensifs fait que j’étais prêt pour ce type de situation.”»

La revue médicale américaine explique que le Corruss avait été créé après «la canicule» de 2003, une vague de chaleur qui a tué près de 15.000 personnes en France. Il explique aussi qu’à l’époque les autorités sanitaires avaient réalisé que leur plus gros problème était le manque de coordination: ne pas savoir qui était malade, malade de quoi et comment le prendre le mieux en charge. Dans la nuit du 13 novembre, le professeur Vallet a très rapidement été en contact téléphonique avec le professeur Pierre Carli. Le patron du Samu de Paris était déjà en route vers les scènes de fusillades. Quarante-cinq unités mobiles de soins intensifs étaient prêtes, ainsi que les médecins des sapeurs pompiers de Paris et tous les médecins formés à la médecine de catastrophe. Puis le directeur de l’AP-HP a déclenché le Plan Blanc. On connaît, dans les grandes lignes, la suite.

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