France

Régionales: un Bordelais sarkozyste en fin de liste, «symbole de transmission entre deux générations d’élus»

[LES DERNIERS SERONT LES PREMIERS] Pour l’ultime ligne droite des régionales, nous vous proposons de découvrir non pas des têtes de liste mais des derniers de liste. Septième épisode en Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes, où le déjà conseiller régional Dominique Ducassou est dernier de la liste de Gironde du parti Les Républicains.

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Pour changer des têtes de listes, Slate.fr a décidé de s’intéresser, pour cette ultime ligne droite des élections régionales, aux derniers de liste: ceux qui n’ont aucune chance d’être élus, simples militants venus faire le nombre ou élus d’une autre assemblée chargés de donner une touche de notoriété à la fin de la liste. Septième épisode de cette série «Les derniers seront les premiers», cette fois en Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes, avec Dominique Ducassou, bordelais et sarkozyste, 48e de la liste girondine d’Union de la droite menée par Virginie Calmels, qui a recueilli 27,19% des voix au premier tour, derrière celle de l’Union de la gauche, qui a recueilli 30,39% des suffrages.

À l’entendre, Dominique Ducassou serait ce qu’on appelle un homme de dossiers. Contrats d’agglomération, pôles de compétitivité, plan U2000, fonds d’aide à la création: cramponné à son fauteuil dans le fond d’un bar chic, place de la Comédie à Bordeaux, le conseiller régional Les Républicains (LR) d’Aquitaine, 72 ans, se plaît à égrener des termes qui évoquent la novlangue technocratique.

Avec son affabilité au-dessus de la moyenne, celui qui a accepté de figurer dernier sur la liste de Virginie Calmels (LR) en Gironde n’a pourtant rien de ces techniciens un brin austères qu’on imagine piloter des politiques d’investissement local.

Collier de barbe et veste en tweed sur les épaules, cet ancien professeur de médecine nucléaire, «une spécialité proche de la radiologie, très efficace pour détecter les tumeurs», pourrait aisément se faire passer pour un directeur de recherche en sociologie.

Ponte des milieux universitaires

Il en a en tout cas la liberté de ton, n’hésitant pas à répondre avec spontanéité à toutes les questions. Quand on l’interroge sur son parcours politique, Dominique Ducassou confie ainsi «avoir pu être attiré par le centre, avant de rencontrer les centristes». Manuel Valls est lui qualifié d’«illuminé irresponsable» pour avoir déclaré que la France se trouvait sous la menace d’une attaque chimique.

Ce fils d’«employés bayonnais», élevé au Pays basque avant de monter à Bordeaux au début des années 1960, à 18 ans, est devenu un ponte des milieux universitaires bordelais, au terme d’une ascension plutôt rapide.

Étudiant en médecine militaire à l’école de santé navale de Bordeaux, Dominique Ducassou démissionne de l’armée après mai 1968 pour passer l’agrégation de médecine. Il réussit le concours et devient dès 1976 doyen de la faculté de médecine de Bordeaux, puis président de l’Université Bordeaux II en 1987.

Une première élection par raccroc

La politique, il y a accédé un peu par hasard, en 1992, à 49 ans. «C’était les élections régionales et Jacques Valade, sénateur de la Gironde et ex-ministre, cherchait des candidats de la société civile pour garnir sa liste. Président de l’Université Bordeaux II, j’étais alors un bon candidat», explique Dominique Ducassou avec sa pointe d’accent chantant.

Pas élu à l’époque, le docteur Ducassou intègre le Conseil régional l’année suivante, à la faveur de nombreuses démissions. Jacques Valade, devenu président de la région Aquitaine, en fait rapidement son vice-président, délégué aux universités.

À la région, c’est un leader naturel. Sa connaissance des enjeux impressionne: quand il parle, le reste de l’assemblée écoute

Martine Moga, conseillère régionale Modem d’Aquitaine

En 1995, Alain Juppé débarque à Bordeaux, «la meilleure chose qui pouvait alors arriver à la ville», et le prend comme adjoint, d’abord aux relations avec les universités, puis à la culture. Il y restera jusqu’en 2014.

Un «leader naturel» à la région

Partout où il est passé, Dominique Ducassou semble avoir laissé un bon souvenir. Martine Moga, conseillère régionale Modem d’Aquitaine, vante la compétence technique de l’universitaire: «À la région, c’est un leader naturel. Sa connaissance des enjeux impressionne: quand il parle, le reste de l’assemblée écoute.»

Une unanimité facilitée par l’absence d’ambition nationale de l’intéressé, plus porté sur les grands projets que sur les jeux de pouvoir. «J’aurai bien voulu faire sénateur quand le mandat était de neuf ans. Six ans, c’est trop court. A contrario, le poste de député ne m’a jamais intéressé. On me l’a fait miroiter en 1997, mais, à 55 ans, je n’avais pas envie de faire le godillot pendant cinq ans pour espérer peser un jour sur un dossier», confie Dominique Ducassou en s’accoudant, décontracté, sur le siège situé à côté de son fauteuil.

À l’été 2015, quand il a fallu décider des investitures pour les élections régionales, l’élu n’a pas insisté: «J’en avais assez d’être dans l’opposition. Et puis j’ai eu envie de reprendre ma liberté plutôt que de faire le mandat de trop.»

Républicain mais pas juppéiste

Virginie Calmels, tête de liste des Républicains dans la nouvelle région Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes, a tout de même tenu à ce que Dominique Ducassou figure en dernière place sur sa liste. «C’est un symbole de transmission entre deux générations d’élus qui vont se succéder. Et un hommage à l’homme de culture qu’est Dominique Ducassou, très apprécié des milieux universitaires et culturels», affirme la candidate, proche d’Alain Juppé.

Même s’il se sent «de droite ou de centre-droit» –«Je suis contre laisser trop de place à l’État dans l’économie.»–, pas sûr que son bulletin aille à Alain Juppé à la primaire de la droite, en 2016. S’il reconnaît la «grande compétence» du maire de Bordeaux, «authentique homme d’État», l’universitaire lui trouve «un problème de froideur avec les gens, qu’il ne pourra jamais faire disparaître».

Pour Dominique Ducassou, la démarche présidentielle de l’ancien Premier ministre serait en outre «dictée par l’orgueil». Et d’expliciter: «Il veut en découdre avec Sarkozy car il n’a jamais pu le supporter.»

«Subjugué» par les discours de Sarkozy

Lui n’a rien contre l’ancien président de la République, bien au contraire. «La France a besoin d’un leader, avec du charisme et de l’éloquence. Quand on écoute les discours de Sarkozy, on est subjugué», explique le conseiller régional sortant, dont les yeux bleu piscine s’allument tout à coup.

Pour le président du parti Les Républicains, Dominique Ducassou ne voit qu’une stratégie possible: «Parler aux électeurs tentés par le Front national, comme en 2007.» Il se déclare séduit par la rhétorique d’une Marion Maréchal-Le Pen, dont «même Juppé a dit qu’elle était intelligente, ce qui veut bien dire quelque chose».

À terme, «dans une dizaine d’années, quand la vieille génération sera partie», il envisage même de faire du parti de Marine Le Pen un partenaire politique de LR. «De 1988 à 1992, le RPR Jean Tavernier a dirigé la région Aquitaine avec des élus Front national et personne ne s’en est ému», relève Dominique Ducassou, en esquissant un sourire malicieux.

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