Économie

Comment vos abonnements sur internet ruinent votre compte bancaire

Il semble toujours plus pénible de se désabonner que de s’abonner.

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Que quelques euros sans engagement | Jeffrey via Flickr CC License by

Temps de lecture: 5 minutes

Un jour, on choisit de s’abonner à un service payant «juste pour essayer». Cela peut être un abonnement à une revue ou une inscription à la version premium d’un site proposant une écoute illimitée de musique. Après tout, ce ne sont que quelques euros. Tout le monde ne peut pas se les permettre mais, puisqu’on gagne chaque mois un salaire acceptable, ce n’est pas ça qui va déséquilibrer un budget. Alors on fournit ses coordonnées bancaires ou son adresse PayPal. On s’assure que tout ceci est sans engagement (ou alors pas trop longtemps) et on clique sur «Valider». Voilà. C’est fait. Une ligne supplémentaire dans la liste des débits qui seront effectués chaque mois sur votre compte.

Plusieurs options. Soit le service en question est convaincant et on en a pour son argent, comme le dit la formule, soit il ne l’est pas tant que ça. Dans ce second cas, deux catégories de personnes se distinguent. Il y a celles et ceux qui vont se ruer illico sur la page «Désabonnement» pour mettre un terme à une expérience qui n’aura pas été suffisamment satisfaisante. Et puis il y a les autres, dont je fais partie. Qui se disent que c’est un peu tôt pour juger, qu’on va encore attendre quelques mois avant de résilier, qu’après tout ce ne sont quelques euros (la formule revient souvent, comme un leitmotiv).

Ellipse temporelle. Dans la majorité des cas, les «quelques mois avant de résilier» sont renouvelables à l’infini. Le débit de 7,99 euros tous les 5 du mois passe tellement inaperçu qu’il n’y a pas lieu de se presser pour le faire sauter. Que la procédure mise en place soit simple ou non, il semble toujours plus pénible de se désabonner que de s’abonner. Les 7,99 euros finissent par devenir le prix de la tranquillité: allez, c’est d’accord, débitez-moi chaque mois et laissez-moi en paix. Ne me rappelez surtout pas que je n’utilise pas votre service. Continuez de me ponctionner à petit feu, l’essentiel étant que j’oublie à tout jamais que j’ai eu la paresse de me désabonner.

«Au cas où»

«À chaque fois c’est pareil, me raconte Sophie. Je sais bien comment tout cela va finir, mais je m’abonne quand même. La dernière fois, c’était pour Netflix. Après le mois d’essai gratuit, j’ai laissé courir mon abonnement alors que je commençais ma thèse et que je n’allais clairement plus avoir le temps de regarder des séries. Il m’a bien fallu six mois avant que je me décide à résilier. Par chance, la procédure est extrêmement simple. Mais je sais d’expérience que, si elle avait été plus compliquée, j’aurais peut-être abandonné en route...»

Cela peut sembler anodin. Une fois encore, perdre 8 euros par mois, ça n’est pas si grave lorsqu’on peut se le permettre. Même la méthode consistant à multiplier par 12 pour réaliser qu’on dilapide 96 euros par an dans un service non utilisé n’est pas forcément efficace. Dans la vie quotidienne, on sait bien que ces 96 euros seraient partis à droite et à gauche, dans la monnaie du parcmètre ou dans l’enveloppe du cadeau commun du collègue en retraite. Ce qui est plus inquiétant en revanche, c’est que ce genre de dépense est rarement isolé.

Musique illimitée, cinéma illimité, VOD illimitée, journaux et revues, box pleine de collants ou de bidules pour chats: les «petites» dépenses tendent rapidement à s’accumuler, certaines offrant du plaisir chaque jour ou chaque mois tandis que d’autres continuent à ne servir désespérément à rien. «Depuis que j’ai déménagé, l’UGC le plus proche est à 45 kilomètres de chez moi, donc je ne vais quasiment plus cinéma. Pourtant, j’ai toujours ma carte illimitée, “au cas où”», confie Clément. Un exemple qui revient souvent, et qui est d’autant moins dérisoire qu’il s’agit dans ce cas d’une dépense d’une vingtaine d’euros par mois. L’accumulation finit par faire mal. On a beau enseigner les maths ou avoir des parents comptables (je cumule les deux caractéristiques), il est bien difficile de réaliser qu’une somme de dépenses à un ou deux chiffres finit par prendre une place non négligeable dans le budget du mois.

Parcours du combattant

Dans cet amoncellement de petites dépenses dispensable, il y a bien pire que le «je garde au cas où». Il y a la dépense 100% inutile, celle qui n’a aucune chance de vous apporter un quelconque bien-être un jour ou l’autre. L’exemple le plus souvent cité est celui de l’assurance mobile, comme dans l’histoire racontée par Anissa: «Comme j’avais éclaté mon premier smartphone par terre, j’ai accepté de prendre une assurance proposée par mon opérateur pour le suivant. Il y a trois ans, j’ai à nouveau changé de téléphone. L’assurance contractée n’avait alors plus aucun intérêt, mais j’ai pourtant réalisé que l’on continuait à me débiter chaque mois. J’aurais dû contacter mon service client au plus vite. Je ne l’ai jamais fait. Aujourd’hui encore je continue à être prélevée chaque mois pour un portable que je n’ai plus. Et j’ai si honte de ma négligence que j’ai de moins en moins le courage de passer ce fameux coup de fil qui me permettrait de gagner une dizaine d’euros par mois.»

Je continue à être prélevée chaque mois pour un portable que je n’ai plus

Anissa

Les assurances pour téléphone mobile constituent visiblement un problème pour bon nombre d’entre nous, d’autant que les prélèvements continuent parfois à être présentés même après un changement d’opérateur. Dans ce cas-là, contacter le service client d’un opérateur dont on n’est plus le client finit par ressembler à un parcours du combattant. La solution qui s’offre alors à tout consommateur consiste à demander à sa banque de bloquer le prélèvement automatique, ce qui peut être gratuit ou bien engendrer des frais (jusqu’à 30 euros) selon les banques.

Dans l’idéal, il faudrait se conduire en grande personne et effectuer au plus vite chaque démarche afin d’éviter de perdre de l’argent chaque mois, quelle que soit la somme en jeu. C’est parfois plus délicat que prévu. Maintes fois épinglé, Canal Plus reste l’un des champions dans ce domaine. On ne peut se désabonner que par courrier, et en respectant bien le délai fixé par la chaîne: la lettre doit avoir été envoyée au moins un mois avant la date anniversaire de votre abonnement. Autrement dit, une personne qui se serait abonnée en mars ne pourra se désabonner qu’à partir du mois de mars suivant, tout en veillant à envoyer son courrier de résiliation au plus tard en janvier.

Mémoire faillible

Par ailleurs, même en épluchant ses comptes à la loupe, il est parfois bien difficile de se souvenir d’où vient tel ou tel prélèvement. «Impossible de me rappeler de l’origine de ce prélèvement mensuel de 12 euros, sans doute totalement inutile, dit Agnès. Aucun nom d’entreprise ne figurait clairement dans la ligne de débit, juste une sorte d’acronyme incompréhensible. Il m’a fallu le googler pour comprendre que cela correspondait à une assurance souscrite chez mon fournisseur d’énergie, et que j’avais oublié de résilier une fois passés les six mois de gratuité.»

C’est évidemment là-dessus que jouent pas mal d’entreprises: notre capacité à nous montrer distraits ou négligents. Les périodes d’essai gratuit de tel ou tel service constituent souvent des cadeaux empoisonnés: c’est chouette de pouvoir faire de nouvelles expériences sans débourser un sou, et tant pis s’il faut tout de même indiquer son numéro de carte bancaire ou son adresse PayPal. À ce moment précis, il faudrait noter dans son agenda la date à laquelle il faudra résilier avant que le premier prélèvement ne soit présenté. Mais ce serait bien trop simple: on préfère miser sur une mémoire infaillible et sur le fait que le soi de dans trois mois ne manquera pas d’engager la procédure de désabonnement à temps.

Trois mois (ou trois ans) plus tard, on se maudira de ne pas avoir été plus prévoyant. Et l’on finira par réaliser que si tel ami un peu trop près de ses sous (c’est comme ça que les gens désorganisés appellent ceux qui gèrent leur budget) arrive à partir en voyage chaque année, c’est peut-être parce que ces économies de bout de chandelles finissent, à la longue, par peser très lourd dans la balance.

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