La tentation est grande pour certains, comme à chaque attentat terroriste, et particulièrement ceux causés par des terroristes qui se disent «islamistes» (qui se revendique, absurdement, de l’islam), d’incriminer les choix de l’État en matière d’immigration, de critiquer sa politique vis-à-vis de cette religion, de pointer du doigt ceux qui, prétendûment, soutiendraient ce terrorisme: les musulmans en général, ou le gouvernement. Cette fois-là, au lendemain du 13 novembre, comme au soir du 7 janvier, la même rhétorique a été reprise, avec des responsables du Front national, du Mouvement pour la France et certains des Républicains accusant tantôt le «communautarisme» ou la «mosqueïsation».
Les experts le savent: la dernière vague d’extrême droite a surgi après le 11 septembre 2001 et se nourrit, partout en Europe, des craintes liées à l’islam, comme le rappellent Jean-Yves Camus et Nicolas Lebourg dans leur dernier livre: Les droites extrêmes en Europe. Pour ce mouvement politique, les attentats du 13 novembre sont du pain béni.
«Pendant que ce Hollande et ce Valls combattaient le FN, des assassins sanguinaires préparaient leurs attentats! Honte, honte honte à deux!» a écrit dans un tweet le secrétaire général du Front national, Nicolas Bay. Un message effacé depuis, mais capté par quelques internautes, qui en ont fait une copie, révélateur du réflexe des cadres du FN. Le vice-président du parti Louis Alliot en a profité pour interpeller le Premier ministre: «Monsieur Valls, vous voyez où est le danger? Le vrai! Irresponsable!» Tandis que le député Gilbert Collard (RBM-FN) a déploré une «France abandonnée». «Derrière les auteurs de ces tueries, il faudra pointer les VRAIS responsables qui, eux, sont politiques!» a aussi déclaré la tête de liste du FN en Île-de-France, Wallerand de Saint Just. «Le profil de la personne arrêtée marque un véritable échec de toutes les politiques d’intégration et de “vivre ensemble” mis en œuvre depuis des décennies», commente David Rachline, sénateur-maire frontiste de Fréjus, dans un communiqué. Il a aussi demandé «l’expulsion de tous les étrangers condamnés pour des faits de terrorisme».
S'exprimant plus tard, vers 15 heures, la présidente du Front national marine Le Pen en a profité également pour faire la publicité de son programme souverainiste, qui promeut la sortie de l'Union européenne et le rétablissement des frontières: «Le contrôle aux frontières c’est bien mais il est indispensable que la France retrouve le contrôle de ses frontières définitivement. Sans frontières, pas de sécurité». Elle a aussi vu une occasion de justifier ses diatribes sontre l'Islam et l'immigration: «Le fondamentalisme islamiste doit être anéanti. La France doit interdire les associations islamistes, fermer les mosquées radicales, expulser les étrangers qui prêchent la haine, les clandestins, et les binationaux ayant été liés à des opérations terroristes doivent être déchus de leur nationalité et expulsés du territoire.»
Philippe de Villiers, président du Mouvement pour la France, a fustigé «le laxisme et la mosqueïsation» du pays.
Certains vantent la réforme constitutionnelle de 2008
Chez les Républicains, certaines voix de la droite dure en ont aussi profité pour fustiger la politique conduite par le gouvernement, rompant les appels à l’union nationale, comme Lionnel Luca. «Nous paierons cher notre lâcheté face au communautarisme!» a -t-il dit dans un tweet. Mais d'autres voix ont aussi dit halte à la récupération, comme l'ex-ministre du Logement Benoîst Apparu:
Merci aux imbéciles qui tentent de récupérer politiquement ces horreurs ou qui demandent des démissions de se taire !
— Benoist Apparu (@benoistapparu) 14 Novembre 2015
Dans une autre forme de récupération politique jouant moins sur l’islam et l’immigration, mais mettant en valeur les réformes promues dans le précédent quinquennat, la communicante proche de la droite Florence Desruol a tenu à préciser que «le PR [président de la République, NDLR] ne peut s'exprimer devant le Congrès que depuis la réforme Sarkozy», tout comme le député de la première circonscription de la Manche Philippe Gosselin, qui a pointé «l’intérêt de la réforme constitutionnelle de 2008». Nicolas sarkozy est quant à lui resté plus discret, mais il a tout de même affirmé dans une critique voilée que «notre politique extérieure doit intégrer le fait que nous sommes en guerre tout comme notre politique de sécurité intérieure».
Battre le fer pendant que les corps sont encore chaud. Les "inflexions majeures" pouvaient pas attendre demain ? https://t.co/tNhOYlL0vb
— Hubert HUERTAS (@Huberthuertas) 14 Novembre 2015
À gauche, le NPA a trouvé quant à lui prétexte de ces évènements pour justifier son discours anti-impérialiste et pacifiste. «Cette barbarie abjecte en plein Paris répond à la violence tout aussi aveugle et encore plus meurtrière des bombardements perpétrés par l'aviation française en Syrie suite aux décisions de François Hollande et de son gouvernement. (..) La barbarie impérialiste et la barbarie islamiste se nourrissent mutuellement. Et cela pour le contrôle des sources d'approvisionnement en pétrole.»
«Keep Calm and Vote Le Pen»
Hors des partis, des personnalités connues pour mettre dans le même sac les partis dits républicains ont aussi emprunté la même logique de dénonciation politique, comme Michel Onfray. «Droite et gauche qui ont internationalement semé la guerre contre l'islam politique récoltent nationalement la guerre de l'islam politique», a -t-il affirmé, suscitant de nombreuses réactions d’indignation. «Vous êtes seul au point de n'avoir aucun proche pour vous confisquer votre téléphone et vous empêcher d'étaler votre indécence?» lui a fait remarquer un secrétaire national du parti Écologistes!.
Des réactions de récupération politique, avec des élus qui tentent d’inciter à voter pour leur parti ou vantent entre les lignes les mérites de leurs politiques, avaient déjà été remarquées dans l’après-07-Janvier, la plus visible et la plus notable de ces réactions ayant été celle de Jean-Marie Le Pen, qui avait posté sur Twitter une photo de sa fille avec cette inscription: «Keep Calm and Vote Le Pen» (restez calme et votez Le Pen).
— Jean-Marie Le Pen (@lepenjm) 9 Janvier 2015
L’histoire se répète deux fois, disait Marx, la première comme tragédie, la deuxième comme farce. Il est terrible de voir cette maxime grinçante se réaliser.