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A quoi servent les quatre avocats de Villepin?

Villepin a quatre ténors du barreau pour le défendre; Sarkozy n'en a qu'un.

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Dans le procès Clearstream, Nicolas Sarkozy, qui s'est constitué partie civile, est défendu par un seul homme: Thierry Herzog. Face à lui, Dominique de Villepin. Accusé de «complicité de dénonciation calomnieuse, complicité d'usage de faux, recel de vol et recel d'abus de confiance», l'ancien Premier ministre a quatre avocats, quatre ténors du barreau de Paris: Henri Leclerc, Olivier Metzner, Olivier d'Antin et Luc Brossolet. A quoi servent-ils?

Un quatuor de choc

Thierry Herzog est un habitué des dossiers «politiques»: il a notamment plaidé dans l'affaire des frégates de Taïwan, il fut l'avocat des époux Tibéri. Il est maintenant celui du premier Président en exercice à porter plainte contre un ancien Premier ministre.

En face, chacun des avocats choisis par Dominique de Villepin a des caractéristiques précises qui peuvent servir le prévenu. D'Antin et Brossolet sont des associés, et avocats historiques de Dominique de Villepin. Les choisir était donc tout naturel. Ce sont aussi des spécialistes de la presse: connaître les médias ne peut rien gâcher.

Olivier Metzner est un spécialiste des affaires politico-financières, un expert de la procédure pénale, un technicien, habitué des dossiers médiatiques: défenseur de Loik Le Floch-Prigent dans l'affaire Elf ou récemment de Jérôme Kerviel. Il connaît le Code sur le bout des doigts et sait obtenir des nullités de procédure pour le moindre défaut présent dans les dossiers. C'est lui par exemple qui s'est empressé de dénoncer le lapsus de Nicolas Sarkozy (qui a parlé de «coupables» dans l'affaire avant même l'ouverture du procès). Si le moindre défaut de procédure peut jouer en la faveur de l'ancien premier ministre, Metzner saura le dénicher.

Henri Leclerc, le quatrième, est un immense plaideur. Au prétoire, de sa voix grave, il a défendu des militants d'extrême gauche dans les années 60 et 70. Il a surtout été l'avocat de la Ligue des Droits de l'homme, du quotidien Libération, et récemment, de Véronique Courjault. Henri Leclerc précise: «Je n'ai jamais caché que je suis un homme de gauche, mais cela ne change rien à l'affaire. Toutes ces questions d'image n'ont pas de sens.» Mais le choix de Dominique de Villepin n'était probablement pas anodin, ce choix de maître Leclerc ne laisse d'émettre un message pour Dominique de Villepin, un message qui dirait: «Je suis victime d'une atteinte aux droits de l'homme».

Un procès peu ordinaire

Hormis les questions d'image, la défense de Dominique de Villepin constitue assez de travail pour quatre. C'est un procès complexe, long et ce quatuor a, face à lui, le chef de l'Etat et le procureur de la République de Paris. Jean-Claude Marin sera en effet là en personne, alors que ce sont normalement des substituts qui s'occupent de ces procès. Que le procureur se déplace est chose exceptionnelle: Marin ne l'a jamais fait depuis 2004 qu'il est à son poste et c'est une première depuis une vingtaine d'années. Du coup, choisir de venir bien entouré n'est pas surprenant. Henri Leclerc précise qu'il est courant d'avoir quatre avocats dans les affaires pénales. «Nous étions trois avocats pour défendre Madame Courjault».

Sur le plan pratique, Nicolas Sarkozy (et son conseil) n'a pas besoin d'être toujours présent à l'audience. Contrairement à l'impression que laisse parfois l'affaire, le chef de l'Etat est partie civile, parmi bien d'autres qui se présentent aussi comme victimes. Ce n'est pas lui qui poursuit: celui qui soutient l'accusation, c'est le procureur.

Dominique de Villepin devra être, lui, présent en permanence, et devra toujours être assisté. Chacun de ses avocats ne peut pas nécessairement être présent en permanence, pendant plusieurs semaines: ils ont d'autres clients, d'autres affaires. Avoir quatre avocats permet donc d'en avoir toujours un de disponible. Il n'y a aucun rapport, comme le suggérait Michael Connelly dans son dernier roman — et comme certains le soufflent dans les couloirs du palais de Justice de Paris — entre le nombre d'avocats et l'impression de culpabilité que ce nombre renvoie. La seule certitude, c'est que plus on a d'avocats...plus on dépense d'argent.

Charlotte Pudlowski

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Image de une: Gonzalo Fuentes/Reuters, Dominique de Villepin le 30 septembre 2009

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