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Avec YouTube Red, Alphabet s’attaque à Spotify, AdBlock, Netflix, Vimeo…

Le service payant, lancé le 28 octobre aux États-Unis, risque de rebattre les cartes de l’industrie culturelle en ligne.

Temps de lecture: 3 minutes

Votre façon de consommer des produits culturels sur internet pourrait changer, et on ne plaisante pas. Mercredi 21 octobre, YouTube, propriété d’Alphabet (la compagnie mère de Google), a annoncé le lancement d’un service payant appelé YouTube Red. À partir du 28 octobre, et pour environ 10 dollars par mois, les Américains (puis le reste du monde par la suite) pourront accéder à une version premium du site de partage de vidéos.

Mais rassurez-vous, pas question de vous faire payer simplement pour regarder un chat se vautrer lors d’un saut périlleux ou la dernière compilation des ados stars de Vine. La liste des avantages offerts par Red va bien au-delà. Tout d’abord, la disparition salutaire de la publicité avant chaque lancement de vidéo, un moyen de prendre part au débat qui agite actuellement les bloqueurs de publicité et de proposer une nouvelle alternative. 

La vidéo en fond sonore sur smartphone

Vous pourrez aussi télécharger la vidéo pour la regarder plus tard ou la laisser jouer en tâche de fond sur votre téléphone pendant que vous utilisez une autre application. Il sera donc beaucoup plus facile de regarder la vidéo d’une conférence TED dans le métro ou d’écouter une chanson de votre groupe préféré pendant que vous envoyez un e-mail ou postez une photo sur Instagram.


La musique justement sera au cœur de Red. YouTube a annoncé une autre option qui remplacera Google Play Music pour écouter de la musique comme sur n’importe quelle autre application musicale, avec possibilité d'ajouter des playlists ou d'accéder à un algorithme de suggestion. Enfin, un service de séries et de films originaux, basée sur le même modèle que Netflix, va bientôt être mis en place pour proposer des contenus destinés uniquement aux abonnés. Rien que ça.

Diversifier ses revenus

Ce nouveau service payant peut sembler repoussant, mais la nouvelle est de taille et pourrait changer la façon de faire du streaming, et ce pour plusieurs raisons.

Chacune des options proposées par Red est une tentative supplémentaire de grignoter les parts de marchés d’acteurs déjà bien installés

Tout d’abord, d’un point de vue purement historique, c’est pour YouTube le premier bouleversement majeur depuis ses débuts il y a dix ans. Jusque-là, les revenus proviennent uniquement de la publicité et les tentatives mises en place pour faire payer les internautes sur des contenus spécifiques n’ont pas marché. C’est dire à quel point l’entreprise mise gros sur ce virage stratégique.
 

Ensuite, il faut souligner les ambitions globales d'Alphabet, maison mère de YouTube, sur le marché culturel en ligne. Chacune des options proposées par Red est une tentative supplémentaire de grignoter les parts de marchés d’acteurs déjà bien installés et de s'imposer comme un service de streaming multimédia incontournable.

Diversifier son contenu

Ainsi, YouTube Music, disponible via Red, est une nouvelle tentative d'estocade en direction de services de streaming musical comme Spotify, Deezer ou Apple Music. Google est obsédé depuis longtemps à l’idée de s’imposer sur ce marché et désespérait certainement de l’échec de Google Play Music, lancé en 2011. Cette stratégie payante pourrait réconcilier un peu YouTube et les artistes quand on sait que 90% des vidéos visionnées sur la plateforme sont liées à la musique, et que le site compte à lui seul plus de chansons écoutées que tout les autres plateformes réunies pour l’année 2014.

De son côté, YouTube Original Series And Movies va tenter de grignoter les services payants de Netflix et de Vimeo en proposant des films et des séries originales conçues directement pour sa plateforme en ligne. Comme l’explique The Verge, YouTube «prévoit de faire travailler ensemble les stars nées chez lui et les talents de la télévision traditionnelle et d’Hollywood, le tout soutenu par une aide généreuse de l’argent de Google.» Ainsi, le YouTubeur PewDiePie, connu pour ses podcasts sur les jeux vidéo et les millions de dollars qu’il en tire, va créer une série d’horreur à l’aide de l’un des producteurs de la série The Walking Dead.


Un trois en un pour le prix... d'un

Évidemment, il est impossible pour le moment de savoir si la qualité sera au rendez-vous et si YouTube pourra vraiment rivaliser avec les millions investis par Netflix. On peut aussi se demander s'il n'y aura pas un certain manque à gagner pour les YouTubeurs s'ils refusent d'abandonner la publicité pour suivre les nouvelles conditions imposées par YouTube Red. En revanche, pour les star du net comme PewDiePie, qui compte presque 40 millions d’abonnées, pas d'inquiétude. On peut légitimement penser qu’une partie de la communauté de fans suivra et acceptera de payer cela.

Si 5% des utilisateurs américains souscrivent au service, cela ajouterait plus d’un milliard de dollars aux revenus

En ce qui concerne le prix justement, Red offre une équation intéressante. Pour le même prix que d’autres services comme Spotify ou Netflix (entre 9,99 et 12,99 dollars), il propose du trois en un, en compilant musiques, séries et films. Il s’agirait donc d’une économie non négligeable pour les utilisateurs d’autres services et les bénéfices pour YouTube pourraient être monstrueux. 

Un potentiel financier énorme

The Verge expliquait ainsi que «si seulement 5% de ses utilisateurs américains souscrivent au service, cela ajouterait plus d’un milliard de dollars aux revenus de la compagnie». Un chiffre colossale puisque c'est autant que ce qu’a récolté Spotify en 2014 dans le monde entier.

Reste à savoir maintenant si chacun acceptera de payer pour un nouveau service en ligne, quitte à renoncer à d’autres abonnements. Quand on sait que la culture de la gratuité est fortement imprégnée dans nos usages sur internet et que la concurrence reste rude entre les mastodontes du numérique, on se dit que la bataille pour le streaming en ligne est loin d’être gagnée d’avance.

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