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Michel Platini ne sera pas président de la Fifa

Et c'est un membre de la «Vénération Platini» qui le dit.

Michel Platini, le 28 août 2015. REUTERS/Eric Gaillard.
Michel Platini, le 28 août 2015. REUTERS/Eric Gaillard.

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Michel Platini ne sera pas le prochain président de la Fifa, et tant pis pour la «Vénération Platini» qui, en France, notamment médiatiquement, essaie encore de maintenir l’illusion de ses chances. La Fifa, qui désignera (en principe) son nouveau chef le 26 février, est, certes, un endroit où tout est possible –surtout l’impossible et l’inimaginable– mais il paraît difficile de croire à cette hypothèse qui, à la lecture des médias internationaux, ne semble plus envisagée que du côté français au regard de son statut d’idole nationale indéboulonnable.    

Membre de la Vénération Platini, puisque adolescent au temps des exploits du célèbre n°10 de l’équipe de France, je suis bien obligé de faire ce constat. Le sport est certes une nostalgie et, comme pour beaucoup, «Platoche» restera toujours plus grand dans mon cœur que Zinedine Zidane en dépit du palmarès en or massif de ce dernier, mais il n’est plus question d’accorder au président de l’UEFA la moindre indulgence dans l’affaire qui le plombe sur la route du trône renversé et sali de Sepp Blatter. Affaire qui n’est peut-être pas, d’ailleurs, la seule sur son chemin de croix puisque celle de l’attribution de la Coupe du monde 2022 au Qatar, sujette à une enquête du FBI, finira peut-être aussi par le rattraper un jour ou l’autre.

Mise en scène improvisée et un brin amateur

Face au mur qui se dresse devant lui, après avoir été mis à terre par les accusations dont il est objet et qui lui valent une suspension de 90 jours agrémentée d’informations quotidiennes autour de son cas, Michel Platini a tenté de reprendre l’avantage, dans une interview au Monde, comme s’il tirait l’un de ses célèbres coups francs de jadis pour mettre un pion, mais il a complètement raté sa cible. Il a dévissé sa frappe et le ballon, cette fois, s’est égaré dans les nuages à la surprise de ses propres supporters, notamment étonnés par la naïveté et la maladresse de ses propos.

Dans cette mise en scène improvisée et un brin amateur qui a même interrogé Raphaëlle Bacqué, l’interlocutrice du Monde qu’il s’était choisie en évitant un journaliste sportif spécialisé, Michel Platini a dû reconnaître qu’il n’y avait effectivement pas de contrat écrit au sujet des deux millions de francs suisses (1,8 million d’euros) qu’il a perçus au regard de sa mission de conseiller auprès de Sepp Blatter –somme perçue étrangement avec un décalage de neuf ans par rapport au travail effectué (apparemment, si l’on en croit notre numéro 10 national, Michel Platini n’avait pas besoin d’argent et la richissime FIFA avait des problèmes de trésorerie pour le régler).

De manière ubuesque, avec une sincérité, mais une légèreté (supplémentaire) qui le disqualifie totalement, il a raconté comment il avait fait affaire avec le président de la FIFA:

«"Combien tu veux?", demande Blatter. Je réponds: "Un million." "De quoi?", "De ce que tu veux, des roubles, des livres, des dollars." A cette époque, il n'y a pas encore l’euro. Il répond: "D'accord, un million de francs suisses par an".»

«Combien tu veux?», demande Blatter.

Je réponds:

«Un million.»

«De quoi?»,

«De ce que tu veux, des roubles,

des livres,

des dollars.»

Michel Platini

Il admet aussi combien la personnalité de Sepp Blatter a fini par l’envoûter. «Même s’il veut me tuer politiquement, je garde un peu d’affection pour ce que nous avons vécu ensemble», lâche-t-il ensuite comme s’il gardait encore un soupçon d’admiration pour son «parrain».

Pour dîner avec le diable, il faut avoir une longue cuillère et, hélas, celle de Michel Platini, membre du Comité exécutif de la FIFA depuis 2002, a paru souvent trop courte puisque même s’il a pris ses distances au fil du temps avec le dirigeant suisse, il n’est jamais parvenu à dénoncer ouvertement les turpitudes et les exactions d’un système dont il devait percevoir les dérives jusqu’à l’implosion du système. Michel Platini ne lisait-il donc jamais la presse britannique? N’avait-il pas envie de s’opposer (un peu) à des méthodes d’un autre temps plutôt que d’attendre son tour, au chaud, à l’intérieur de cette mafieuse république bananière pour, plus tard, hypothétiquement, envisager de nettoyer les écuries d’Augias? Michel Platini est un joueur des années 1980 et a agi comme un politique des années 1980, convaincu d’une forme de laisser-faire et d’impunité, sans se rendre compte que le monde avait changé autour de lui.

Soutien gênant au Qatar

Michel Platini ne s’est pas montré non plus très fin en déclarant avoir voté pour la candidature du Qatar pour l’organisation de la Coupe du monde 2022. Comme l’a rappelé France Football il y a peu, l’article 14 du code éthique de la FIFA stipule un «devoir de neutralité» de ses membres «dans leurs relations avec les autorités gouvernementales, les organisations nationales et internationales, les associations et les groupements». Or, le 23 novembre 2010, quelques jours avant le vote du 2 décembre à Zurich pour l’attribution de cette Coupe du monde 2022, Michel Platini s’est retrouvé autour d’une table à l’Elysée en compagnie de certains des principaux porteurs de la candidature qatarie et de Nicolas Sarkozy qui, dans un sourire, lui a dit en filigrane pour qui voter.

Voilà quelques jours, Michel Platini a admis qu’en effet, il avait peut-être dit d’abord aux Américains qu’il voterait pour eux (les Etats-Unis ont été battus 14 voix à 8 lors du dernier tour de scrutin face au Qatar) avant d’opter pour l’émirat du golfe. «Sarkozy ne m’a jamais demandé de voter pour le Qatar, mais je savais ce qui serait bon [de faire, ndlr]», a-t-il dit à deux agences de presse en septembre. Dans les colonnes du Monde, Michel Platini n’a pas regretté ses choix:

«J’ai été le seul à avoir dit en toute transparence que j’avais voté pour le Qatar et le seul à raconter ce déjeuner à l’Elysée avec Nicolas Sarkozy et l’émir du Qatar, que l’on m’a reproché ensuite comme si Sarkozy m’avait dit pour qui voter. Mon honnêteté me nuit. La vérité est que j’ai voté parce que je voulais que la Coupe du monde ait lieu dans le Golfe, une zone où il existe un extraordinaire public de foot et qui ne l’a jamais eue.»

Selon Arnaud Ramsay et Antoine Grynbaum, auteurs de Président Platini (Grasset, 2014), il aurait convaincu au moins quatre autres membres européens de porter leurs suffrages sur le Qatar en dépit du fait qu’il s’agissait d’une candidature «impossible» puisqu’il a fallu modifier les dates de la compétition en programmant l’épreuve en novembre au lieu de juin (sans compter l’hérésie, à l’heure de la COP21, de construire au moins sept stades climatisés dans un espace territorial aussi réduit et la remise en cause des calendriers sportifs, y compris pour les compétitions de l’UEFA comme la la Ligue des Champions). Naïvement, une fois encore, il ajoute au Monde, comme dans un léger remords: «Mon seul regret est qu’elle [la Coupe du monde, ndlr] n’aura pas lieu dans tous les pays du Golfe pour des raisons géopolitiques.»

Privé de campagne électorale jusqu’au 6 janvier à cause de sa suspension, Michel Platini, qui, quoi qu’il fasse, est lié à la Fifa d’hier, aura une idée plus précise du niveau de ses soutiens le 26 octobre quand sera close la liste des candidats à la succession de Sepp Blatter. Thomas Bach, le président du Comité international olympique, a été clair en espérant un «candidat extérieur crédible et de haute intégrité» lors d’une sortie très remarquée chez ce personnage éminemment diplomatique. Pour lui, mais il est Allemand, la page Platini est bien tournée…

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