Société

Bienvenue au Fight Club, une ode au «personal bashing»

Votre mantra, c’est «respecte-toi»? Vous avez tout faux. «Humilie-toi» va devenir votre nouveau credo pour au moins quatre bonnes raisons.

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Mars 2015, sur un plateau de la chaîne américaine Comedy Central. Justin Bieber s’installe dans son fauteuil. Il est venu, de son plein gré, s’en prendre plein la gueule par tout un panel de stars. Snoop Dogg: «Quand Juju a été arrêté, il a fait un grand sourire sur son mug shot. Pas parce qu’il est gangsta, mais parce qu’il sait ce qui se passe en prison.» L’actrice Natasha Leggero: «Les fans de Justin sont surnommés Beliebers parce que c’est politiquement incorrect de dire “attardés”.» Will Ferrell: «Ce gamin a du culot, des couilles et probablement d’autres MST du même genre.» 

Un roast en règle, ce «toast à l’envers», porté à grand renfort de moqueries hardcore à un invité consentant. Dernièrement, c’est James Franco qui est passé sur le gril et Kanye West a réclamé publiquement sa fessée depuis le printemps dernier. Véritable institution aux États-Unis, le roast a intégré jusqu’au dîner annuel des correspondants à la Maison Blanche où le Président himself se fait bâcher par les journalistes (quand il ne s’en charge pas lui-même). 

L'exercice atteint un tel pic de hype que même les anonymes s’y mettent: sur le réseau social Reddit, des anonymes postent par centaines leur selfie à la rubrique «r/RoastMe», suppliant qu’on s’attaque à leur petite personne. Maso? Non, stratégique. Stylist vous explique ce que vous avez à gagner à votre propre bashing.
 

1.Prendre de court les haters

De Rabbit, l’alter ego d’Eminem dans 8 Mile, on se rappelle qu’il finit chaque battle K.O. sous les punchlines assassines de ses adversaires. Mais surtout de sa victoire finale, quand enfin il lâche un rap épique… dirigé contre lui-même. Clashant sa caravane pourrie et son physique de navet, il laisse le spectateur pantois et son ennemi à court d’argument exploitable. 


Autre figure pop de l’auto-insulte, Fat Amy, la chanteuse dodue du film Pitch Perfect, qui s’affuble elle-même de ce surnom «pour que les pétasses maigrichonnes ne le fassent pas dans [son] dos». 

La force de frappe de l’auto-bashing se fait aussi sentir côté petit écran : Maïtena Biraben, qui, en comparant la première sa crinière polémique à celle de Rahan-fils-de-Craô, a indiqué aux rageux qu’ils arriveraient de toute façon trop tard. 

Atelier Hara-Kiri: plutôt que de redouter les sourires gênés de vos collègues face à votre nouveau rainbow hair (le même que vous avez fait dans la glace chez le coiffeur), postez avant la réunion du matin une photo de Petit Poney aux yeux crevés. Devant tant de haine rentrée, ils devraient redoubler de gentillesse.   
 

2.Faire un «statement» politique

Amber Rose est une catin, une mauvaise mère, une croqueuse de diamants… Puisque tout Internet (ou presque) le dit, elle a décidé de se radiner aux MTV Music Awards habillée d’un outfit moulax recouvert d’insultes fluo. Une réappropriation du stigmate comme l’avaient fait avant elle les «niggas» du ghetto et les «queers» LGBT, et un moyen de mettre dans la gueule de la société son racisme/son homophobie/sa misogynie par effet miroir. 

En VF, ça donne J.-J. Goldman qui, après la polémique autour de Toute la vie, le single 2015 des Enfoirés, joue les naïfs au grand cœur au Petit Journal. Le camp d’en face, incarné par les chroniqueurs faussement hargneux de Canal+, apparaît alors plus rabougri que jamais. Ça va, pas trop gêné de s’en prendre à une asso qui nourrit les pauvres, depuis son canapé en velours Made.com ?


Atelier Hara-Kiri:fatiguée par les remarques sur «l’attitude castratrice de la femme moderne» à la machine à café et les explications de votre beau-père sur votre sensibilité de gauche «explicable par votre jeune âge», vous vous radinez avec un T-shirt écarlate floqué «Marx, et ça repart!» à l’anniv’ de beau-papa (celui où il a invité tous ses potentiels actionnaires). 
 

3.Élever son niveau de cool

Tout l’été, on a rêvé de devenir pote avec le duo de bestas JLaw-Amy Schumer, reines de la self-moquerie qui font des vannes sur leurs bourrelets pendant que Taylor Swift passe ses aprem à ranger des pulls en mohair taille 0 dans des housses. 

Niveau capital sympathie, Obama explose aussi les records dans une vidéo Buzzfeed où on le voit échouer à plonger un cookie dans un verre de lait et lancer le «Thanks, Obama!» des Républicains. 


Au panthéon du cool, on trouve également la pastille «Celebrity read mean tweets» de Jimmy Kimmel, dans laquelle le Tout-Hollywood lit face caméra les messages odieux qu’on lui adresse. 


Et, plus étonnant, Florence Floresti: accusée d’être une diva, elle a aussitôt posté une photo de sa «grosse tête» sur Instagram –un selfie avec angle «triple menton».Atelier Hara-Kiri: vous le savez, vous avez perdu au jeu du personal branling (votre stagiaire possède 650 followers Instagram, soit 622 de plus que vous). Remplacez les filtres sépia boring par des selfies #IWokeUpLikeThis avec paupières bouffies du matin. Avec un peu de chance, vous choperez un gentil garçon qui vous aimera pour votre sens de l’humour (ou un fétichiste des valises sous les yeux). 

4.Présenter ses excuses (sauf qu'en fait pas du tout) 

Quand Justin Bieber monte sur scène pour se faire roaster, il sait qu’il sera attaqué sur son attitude de douchebag (et sa coiffure d’adolescente qui se cherche sexuellement). Mais rien qu’en étant présent –sous-titre: «Je sais, j’ai déconné»–, il reçoit l’absolution sans avoir à dire pardon. 

Même tactique chez son homologue capillaire Miley Cyrus qui, dans sa vidéo parodique We Did Stop, semble reconnaître qu’elle va trop loin, tout en continuant à tirer une langue de deux mètres de long. 


Et que dire de Lena Dunham qui s’auto-caricature dans sa série Girls… et en profite pour être toujours plus insupportable dans la vraie vie? Sorry, not sorry!

Atelier Hara-Kiri:vous picolez trop, votre addiction au shopping pèse le PIB du Burundi et vous ignorez les mémés qui attendent un strapontin dans le RER B. Plutôt que de subir une énième intervention sur vos sales manies, vous riez publiquement de vos excès. Résultat : tout le monde vous fiche la paix, croyant que vous êtes en plein travail sur vous-même (vous vous en foutez, vous êtes assise). 

 

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