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Les livres anti-Hillary Clinton, un genre éditorial en vogue

Le Hillary-bashing est revitalisé par la campagne des primaires mais ce n’est pas un genre nouveau.

La candidate à la primaire démocrate Hillary Clinton lors d’un meeting de campagne, à Washington, le 3 octobre 2015 | REUTERS/Joshua Roberts
La candidate à la primaire démocrate Hillary Clinton lors d’un meeting de campagne, à Washington, le 3 octobre 2015 | REUTERS/Joshua Roberts

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Un conseiller politique conservateur et ardent défenseur de Donald Trump va bientôt publier un livre intitulé: La guerre des Clinton contre les femmes. On peut y lire que Bill est un violeur en série, que Hillary battait son mari  jusqu’au sang, que Chelsea n’est pas la fille de Bill et que Bill a fait une cure de désintoxication. Pour l’instant, le livre n’a d’échos que dans la presse conservatrice, et même le New York Post souligne que, si les récits de disputes violentes sont avérés, une bonne partie du contenu repose sur des «rumeurs abracadabrantes»

En 2008, son auteur, Roger Stone, avait créé un groupe politique anti-Hillary intitulé C.U.N.T. (c’est-à-dire «con» dans le sens «organes génitaux de la femme» mais le mot est beaucoup plus vulgaire en anglais qu’en français). Le co-auteur du livre, Robert Morrow, est connu pour des posts Facebook dans lesquels il dit se masturber en pensant à Hillary. Quant à la maison d’édition du livre, Skyhorse, elle se spécialise dans les ouvrages de théorie du complot sur la mort de John F. Kennedy.

Ce livre vient s’ajouter à une longue liste d’ouvrages spécialisés dans le Hillary-bashing, un genre éditorial en plein essor, mais dont les auteurs sont rarement sérieux ou objectifs.

Livres incendiaires

Celui qui a jusqu’ici fait le plus de bruit est Clinton Cash, écrit par Peter Schweizer, et selon lequel des gouvernements et entrepreneurs étrangers qui finançaient la fondation de Bill Clinton recevaient en échange des faveurs via le département d’État, dirigé par sa femme. Mais, rapidement, des journalistes ont pointé plusieurs erreurs dans l’ouvrage, écrit par un ancien conseiller de George W. Bush et de Sarah Palin. La maison d’édition a notamment corrigé sept erreurs dans la version électronique, et il s’agit de corrections de taille. 

Par exemple, Schweizer insunait que la banque canadienne TD avait donné de l’argent à Bill Clinton pour qu’il soutienne le projet d’oléoduc Keystone XL. Mais le communiqué de presse qu’il citait était un faux. Il accusait aussi Bill Clinton d’avoir été payé par une entreprise de télécommunications irlandaise en échange de contrats à Haïti, mais Clinton n’avait en fait pas reçu d’argent. Une analyse du Guardian conclut que le livre ne prouve pas de liens entre argent reçu et faveurs particulières, même s’il est avéré que Bill Clinton a commencé à être beaucoup mieux payé pour ses dicours lorsque sa femme est devenue secrétaire d’État. Il y a donc au moins une apparence de potentiels conflits d’intérêt, et la fondation Clinton a annoncé qu’elle n’accepterait plus les donations de certains pays du Moyen-Orient.

Les amateurs de récits critiques de l’ancienne Première dame ont l’embarras du choix

Le Hillary-bashing est revitalisé par la campagne des primaires, mais ce n’est pas un genre nouveau. Comme le notait un article du Daily Beast, les amateurs de récits critiques de l’ancienne Première dame ont l’embarras du choix, et certains de ces ouvrages se sont très bien vendus. En 2000, The Hillary Trap (Le piège Hillary) affirmait que le «modèle Hillary» était un désastre pour les femmes. En 2006 dans Can She Be Stopped? (Peut-on l’arrêter?), John Podhoretz expliquait en quoi une présidence d’Hillary serait le «pire cauchemar» des conservateurs.

Il y en a pour tous les goûts: un ouvrage qui l’accuse de vouloir museler les journalistes web conservateurs, un qui dénonce son manque d’éthique, un autre qui critique son autobiographie. Beaucoup décrivent la candidate comme particulièrement machiavélique et secrète, avec des titres mystérieux et menaçants comme L’intrigue HillaryLa vérité sur Hillary, Ce que les médias ne vous diront pas sur Hillary, ou encore Hillary: la politique de la destruction personnelle.

Fatigant vitriol

Plus récemment encore, un livre décrivait les rivalités plus ou moins inventées entre les Obama et les Clinton, un texte généralement considéré comme une fiction rocambolesque. Il y a aussi un livre de 2014 sur l’attaque du consulat américain à Benghazi en Libye, une affaire qui obsède les conservateurs depuis des années. Après des heures d’audience et 25.000 pages d’enquête, aucune erreur du gouvernement n’a été décelée, ce qui n’empêche pas certains Républicains de continuer d’essayer de rendre Hillary Clinton responsable.

Il y a encore plus de livres incendiaires et mensongers écrits contre le président (souvent dépeint comme un musulman socialiste ultra-radical) mais, à la différence d’Obama, Clinton ne bénéficie pas toujours d’enthousiasme dans son propre camp, avec beaucoup de démocrates qui souffrent déjà du syndrome de «Clinton fatigue», ou lassitude des Clinton. 

Ceci dit, il y a aussi au sein du public une grande lassitude face aux faux scandales sur les Clinton. Comme le rappelait Michael Tomasky dans The Daily Beast, dans les années 1990, les commentateurs conservateurs s’étaient aussi acharnés à trouver des affaires qui n’en étaient pas vraiment, ce qui fait que ce discours sonne parfois comme une vieille rengaine usée: «La plupart des Américains n’écoutent plus les accusations fallacieuses. Après tout, si le vitriol gagnait les élections présidentielles, les Républicains ne perdraient jamais.»

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