Santé

Le Nobel de médecine revient à ses toutes premières amours

En distinguant trois chercheurs qui se sont illustrés dans la lutte contre le paludisme et la cécité des rivières, l’institution suédoise s’intéresse à nouveau aux maladies parasitaires des plus pauvres.

Satoshi Omura, un des trois prix Nobel de médecine 2015 ce lundi 5 octobre (REUTERS/Issei Kato)
Satoshi Omura, un des trois prix Nobel de médecine 2015 ce lundi 5 octobre (REUTERS/Issei Kato)

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Un Nobel de médecine 2015 politique. Il a été attribué ce lundi 5 octobre à trois chercheurs qui ont permis d’accomplir des progrès majeurs dans la lutte médicamenteuse contre deux fléaux parasitaires de dimension planétaire. La moitié du prix suédois revient à l’Irlandais William C. Campbell et au Japonais Satoshi Ōmura pour leur découverte de l’ivermectine, un médicament hautement efficace contre les maladies causées par certains vers nématodes (onchocercose ou «cécité des rivières», filarioses ). L'autre moitié du prix revient à la Chinoise Youyou Tu pour ses découvertes sur l’usage qui peut être fait d’une molécule contre le paludisme (l’artémisine) issue de la plante traditionnelle chinoise Artemisia annua.

Le prestigieux prix va ainsi  à des chercheurs qui ont développé des thérapies qui ont révolutionné le traitement de deux maladies parasitaires parmi les plus dévastatrices au monde. Ces deux découvertes médicamenteuses majeures (peu connues dans les pays riches) ont constitué et constituent un apport considérable au service de la santé publique des populations des pays les plus pauvres de la planète. On peut, de ce fait, voir clairement dans ce Nobel de médecine, une inattendue (et heureuse) dimension politique. On peut aussi y percevoir un retour aux priorités accordées par le jury du prix Nobel de médecine et de physiologie dans les toutes premières années de son existence –le premier fut attribué en 1901– à des personnes «ayant apporté le plus grand bénéfice à l'humanité».

En 1907, déjà la lutte contre le paludisme

L’époque était aux maladies infectieuses et aux travaux menés sur le Vieux Continent dans la foulée de Louis Pasteur et de ses élèves. Le premier prix récompensa l’Allemand Emil Adolf von Behring pour ses travaux précurseurs sur les «sérums», notamment contre la diphtérie. Dès 1902 la distinction va au Britannique Ronald Ross pour ses travaux sur le paludisme –il a le premier démontré comment le parasite infectait l'organisme humain via un moustique et ainsi a posé les bases de la recherche et de la lutte contre cette pandémie. En 1905, c’est au tour de l’Allemand Robert Koch, le grand concurrent de Louis Pasteur (mort en 1895) pour ses découvertes majeurs dur l’origine de la tuberculose (le bacille tuberculeux porte toujours son nom).

Il aura fallu attendre  108 ans pour que le jury Nobel s’intéresse à nouveau aux travaux menés contre ce fléau

En 1907, le prix Nobel de médecine et de physiologie est décerné au Français Charles Louis Alphonse Laveran en reconnaissance de son travail sur le rôle joué par les parasites protozoaires responsables du paludisme. Il aura donc fallu attendre 2015 (soit 108 ans) pour que le jury Nobel s’intéresse à nouveau aux travaux menés contre ce fléau parasitaire avec la récompense accordée aujourd’hui à la chercheuse chinoise Youyou Tu. Une chercheuse aujourd’hui âgée de 84 ans, depuis longtemps pressentie pour recevoir ce prix –12e femme à être récompensée par le Nobel de médecine depuis 1901. 

Un désintérêt pour le Tiers-monde

On peut voir dans ce long désintérêt pour le paludisme l’absence de travaux majeurs menés dans ce domaine. Ce serait une erreur comme en ont témoigné la mise au point de médicaments antipaludiques par des chercheurs de l’industrie pharmaceutique –médicaments face auxquels les parasites développent malheureusement des résistances.  

La relecture de la liste des lauréats témoigne du peu de cas fait par le jury suédois pour les principaux acteurs des fléaux infectieux touchant de plein fouet et de manière chronique le Tiers-monde. On y retrouve, en 1928, le pasteurien français Charles Nicolle pour ses travaux menés en Tunisie sur le typhus; en 1948, le Suisse Paul Hermann Müller pour sa découverte de la haute efficacité du DDT comme un poison de contact contre différents arthropodes; et, enfin, en 1951 Max Theiler (Afrique du Sud) pour sa découverte concernant la fièvre jaune et les moyens de lutter contre elle.

Il faudra ensuite attendre plus d’un demi-siècle (2008) pour voir le jury Nobel distinguer, via Luc Montagnier et Françoise Barré-Sinoussi,  les premiers travaux menés sur un nouveau fléau infectieux d’origine virale –le sida dont la progression dans le Tiers-monde conduisit à une nouvelle prise de conscience de la dimension planétaire de certaines maladies infectieuses virales, bactériennes ou parasitaires au travers de la création d’un Fonds mondial contre le sida, la tuberculose et le paludisme.

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