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Les électeurs américains préfèrent les nouvelles idées à l’expérience

Lorsqu'il s'agit de choisir des hommes et femmes politiques pour la présidence, les Américains préfèrent désormais un profil avec de nouvelles idées qu’un candidat avec de l’expérience. Un tournant significatif de l'évolution de la campagne mais aussi de l'époque actuelle.

<a href="https://www.flickr.com/photos/ful1to/3783198574">I have an idea @ home</a> / Julian Santacruz via FlickrCC <a href="https://creativecommons.org/licenses/by/2.0/">License by</a>
I have an idea @ home / Julian Santacruz via FlickrCC License by

Temps de lecture: 3 minutes - Repéré sur Pew Research Center, Le Monde

Lorsqu’on les interrogeait en mars sur leur profil préféré de candidat à l’élection présidentielle américaine, les Américains répondaient majoritairement qu’ils voulaient un candidat «avec de l’expérience et des réussites à son actif» (a «proven record») plutôt que quelqu’un qui aurait «de nouvelles idées et une approche différente» (50% contre 43%). Ce n’est plus le cas, selon un sondage publié vendredi 2 octobre par le Pew research Center. Ce rapport s’est inversé, et ils sont désormais 55% à préférer le second profil.

Un véritable «revirement» selon l’institut de recherches, qui s’explique par un changement d’attitudes des électeurs républicains. Le nombre de ceux qui favorisent les idées a presque doublé (65% contre 36% en mars). La balance des opinions démocrates penche quant à elle aujourd’hui légèrement du côté de l’option la plus rassurante: ils sont 50% à préférer une réputation solide plutôt qu’un vent neuf (42%). Cette tendance était légèrement contraire il y a quelques mois, mais ils apparaissent, quoi qu’ils en soient, globalement divisés sur la question, au contraire des Républicains.

La rhétorique de Clinton sur son expérience s’use

Est-ce un effet attribuable principalement à la personnalité des favoris de l’élection? Ou à l’approche des élections, serait-ce dû à l’implication plus grande des électeurs républicains dans le débat d’idées, les démocrates déçus par Obama étant moins passionnés et préférant se réfugier dans l’option la plus facile et la plus sûre, le CV? Ou est-ce qu’il y a là une raison plus profonde, un changement de l’air du temps?

Un peu de tout cela, certainement. La personnalité des candidats préférés de chaque parti influe largement sur leur perception du bon profil. Dans le camps démocrate, Hillary Clinton, qui met régulièrement en avant son «expérience» de secrétaire d’Etat et de Première dame, est depuis longtemps très largement au dessus de ses concurrents dans les sondages. Elle reste aujourd’hui à plus de 41% d’opinions favorables, bien au dessus du podium d’argent, Bernie Sanders, qui obtient 23% de suffrages. Mais elle a perdu 20 points depuis le mois de juillet. Il est donc probable que sa rhétorique mettant en avant ses compétences et ses trophées se soit essoufflée.

Trump mise sur les idées iconoclastes

En face Donald Trump est le candidat favori des Républicains. Désormais assis sur un confortable matelas d’intentions de vote (32%), il domine la campagne en misant sur les propositions iconoclastes, contrastant avec des mid-terms plutôt mornes en termes d'idées. Un pari gagnant face à son adversaire, et qui séduit de plus en plus l’électorat républicain. 33% des électeurs qui affirment qu’il est leur «premier choix» privilégient les nouvelles idées, et seulement 8% l’expérience, selon le sondage du Pew Research Center. Les électeurs qui ont pour favori le très conservateur Ben Carson, le second dans la course républicaine, sont beaucoup plus divisés entre partisans des nouvelles idées et de l’expérience (18% contre 13%).

Les électeurs républicains sont par ailleurs un peu plus impliqués dans la campagne que les démocrates, ce qui explique aussi peut-être leur préférence pour les «idées». Selon le Pew Research Center, 81% d’entre eux affirment avoir «pensé» ou «pensé souvent» aux candidats à la présidence, contre 71% côté démocrate. Un chiffre qui s'accroît à droite et reflue ou stagne à gauche quand on compare ave cdes sondages précédents en 2007 et 2011.

L'ère de la communication

Mais pour comprendre ces résultats, il faut aussi regarder un peu plus loin que la campagne présidentielle américaine. Il faut flairer l’époque actuelle, qui favorise le nouveau, ou parfois l’apparence de nouveau et le simple «lifting» sur les solutions anciennes et éprouvées. Les «clics» obtenus sur le web par les articles qui affichent de nouveaux concepts, les audiences des «nouvelles formules» des journaux télévisés ou les ventes des produits dont on dépoussière le marketing et l’emballage en sont la preuve. 

C’est une tendance de fond, née avec les médias de masse et qui s’est accélérée ces dernières années avec les réseaux sociaux et les chaînes d’information continue. C’est la même chose en politique, où l’on peut se demander si nos dirigeants ne sont pas tout bonnement devenus essentiellement des communicants ou des publicitaires au détriment du véritable «agir communicationnel» théorisé par Habermas, et qui requiert avant tout l’usage de la raison.

Récemment dans Le Monde on pouvait lire un excellent portrait d’un conseiller officieux de François Hollande, Robert Zarader. Il est le directeur de l’agence Equancy, spécialisée dans le marketing. Et voici ce que le président a dit de lui en février, en lui remettant sa Légion d’honneur: 

«Vous êtes un homme d’idées. C’est ce qu’il y a de plus rare, les idées. D’abord parce que tout le monde pense en avoir. Ce qu’il convient de faire, c’est de chercher la nouvelle idée».

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