Temps de lecture: 2 minutes - Repéré sur Vox, Racked
Les pellicules photo ne sont adaptées aux nuances et à la luminosité des peaux noires que depuis les années 1990. Et pour cause: les laboratoires photo américains des années 1940 et 1950 avaient calibré le rendu couleur des pellicules selon un standard bien précis, celui de la «Shirley card», nous fait découvrir une vidéo du site américain Vox.
La «Shirley card» est une photo représentant une jeune femme blanche qui s'appellait selon toute vraissemblance Shirley. Ce terme est ensuite devenu plus générique, désignant l'ensemble des photos de jolies femmes blanches dont la carnation servait de base pour doser le rendu couleur des pellicules.
Une pellicule photo est faite de plusieurs couches enduites de substances chimiques qui ont chacune un rôle de capteur de lumière bien précis, pour produire un rendu couleur équilibré. Jusqu'aux années 1990, elles étaient donc dosées pour un rendu dédié à des peau blanche et non pour rendre des nuances de brun ou de noir. Des tests ont été réalisés à partir de photos des années 1970 prises avec un appareil Kodak. Les peaux blanches ressortent, sont nettes, tandis que les peaux noires sont uniformes et sans nuance.
«Pas de détails du visage»
Lorna Roth, professeure à l'université de Concordia, expliquait déjà dans un article en 2009 que «la communauté afro-américaine avait par exemple des portraits photo qui ne rendaient pas les détails du visage, sans nuance de lumière et le teint cendré que ça donnait contrastait avec le blanc des yeux et des dents».
Les peaux blanches ressortent, sont nettes, tandis que les peaux noires sont uniformes
La manière dont les professionnels s’en sont aperçus est surprenante. Dans les années 1970, la difficulté d'obtenir un bon rendu pour les photos de certains types de bois dans les pubs de meubles (ou encore de chocolat) a mis en évidence le déséquilibre.
Concomitamment, les acteurs noirs deviennent plus présents à la télévision ou au cinéma dans les années 1970, à l’instar de Bill Cosby; ce qui rend le problème de plus en plus flagrant.
Dans les années 1990, des professionnels de la photo travaillant pour Philips aux Pays-Bas conçoivent finalement une caméra qui équilibre séparément les tons foncés et clairs de la peau, par le biais de deux puces informatiques. La «Shirley card» ne représente plus seulement des femmes blanches, mais aussi noires ou de type latino, voire les trois en même temps pour des photos de groupe multiraciales.
Toutefois, il ne faudrait pas crier victoire trop vite. La discrimination de l’ère Kodak a aussi ses avatars modernes et numériques. Dans un article de juillet dernier, le site américain Racked évoquait «le racisme silencieux des filtres Instagram», expliquant que la plupart d’entre eux consistaient surtout à blanchir le teint des personnes photographiées –comme si cet amalgame entre embellissement et blanchissement perdurait de manière tacite. M., une Afro-Américaine citée dans cet article, se plaignait ainsi d’un aspect «délavé» et d’un manque de nuance de la couleur de sa peau avec le filtre Reyes:
«Si quelqu’un ne me connaissait pas, il pourrait penser que je suis beaucoup plus blanche que je ne le suis. Ça ne me plaît pas.»