Culture / Sports

Ovalie nuptiale chez Harlequin: du rugby, de l’amour et du sexe aussi

La collection Harlequin édite neuf nouvelles d’ovalie érotique. L’occasion de nous pencher sur ce grand mystère qu’est le slip du rugbyman. Cet article est à lire avec l’accent rrrocailleux et de la main gauche.

<a href="https://www.flickr.com/photos/henriquetyds/4573599642/in/photolist-7Y9TQf-8dzGnm-8dwvCe-8dwsHv">Les rugbymen, athlètes du coïtus perfectus</a> | Henrique Yasuda via Flickr CC <a href="https://creativecommons.org/licenses/by/2.0/">License by</a>
Les rugbymen, athlètes du coïtus perfectus | Henrique Yasuda via Flickr CC License by

Temps de lecture: 7 minutes

On a beau être une montagne de muscles, on n’en est pas moins un grand sentimental sexuel, nous expliquent, unanimes, neuf nouvelles érotiques Harlequin[1], distribuées en format numérique à l’occasion de la Coupe du monde 2015 (1,99 € TTC), «un événement sportif très propice au fantasme», nous explique le dossier de presse. Avec des couvertures qui sentent bon la testostérone et la plaquette de chocolat. Et des titres qui qui sentent bon le Sud-Ouest: Prends-moi à l’essaiRencontre à la 3e mi-tempsMêlée à deux

Il y est question de rugby, un peu, d’amour, beaucoup, de sexe, beaucoup aussi. On y voit des gros mots comme fellation, clitoris, «sexe glorieusement dressé» ou «syndrome fémoro-patellaire» –une sorte de blessure symbolique de la rotule car le rugbyman a souvent à la fois le «genou en miettes» et le «cœur en lambeaux». Les scènes de sexe sont non simulées, bref, c’est pour les grands.

Les dieux du stade ultime

Le schéma est à peu près identique dans tous les textes: une femme célibataire ou presque rencontre par hasard un joueur de rugby. Elle l’imagine en bourrin écervelé. Mais, dès qu’elle croise son regard d’airain, elle tombe en pâmoison, s’en défend (mais qu’est-ce qu’il t’arrive, ma pauvre fille?) puis succombe.

«Sa main glisse dans ma culotte, et ses yeux s’amarrent aux miens. On dirait une cascade d’eau pure.» (Elle parle des yeux.)

Bien vite, elle s’aperçoit que, en plus d’être beau, le rugbyman est un bon coup:

«Adams est au lit comme sur le terrain: un fin stratège. Il a compris qu'elle est clitoridienne et la lèche tant et si bien qu'elle jouit longtemps dans sa bouche, laissant échapper un cri de plaisir qui rebondit sur les murs de la chambre.» (C’est l’écho, chéri.)

Jeu: Amandine est cachée sous Adams. Sauras-tu les retrouver? / Coupe du monde de rugby, mêlée lors du match opposant l’Afrique du Sud au Japon, à Brighton (Angleterre), le 19 septembre 2015 | Reuters / Stefan Wermuth

En fait, souvent déçue par ses aventures précédentes, l’amour routinier ou sans sentiments, la femme devient une machine à jouir dès qu’elle croise un rugbyman. Ils ont des valeurs, ces gars-là:

«Je ne peux m’empêcher de me trémousser et de gémir. Je ne suis plus moi.»

«La boule de feu éclate dans mon ventre.»

«Plantant mes ongles dans son dos trempé de sueur, je crie.»

«Waouh, gloussa-t-elle, en entourant mes hanches de ses jambes.»

«La jouissance montait, inexorable.»

«Mon corps a été traversé par des spasmes brutaux et j’ai failli tomber à la renverse sous l’effet de l’orgasme.»

Elle «n’était plus qu’un incendie vacillant sous le vent de son envie».

C’est bien simple: un demi de mêlée fait autant d’effet à une femme qu’un tiramisu («elle se pâmait de plaisir à chaque bouchée»). C’est dire le talent de ces stratèges. Et, comme c’est un peu la règle du genre, l’on notera que la première nuit est TOUJOURS un feu d’artifice avec des orgasmes réglés comme des coucous suisses:

«Comme souvent ils avaient joui ensemble à la même seconde.»

 

«Dans un cri poussé à l’unisson, leurs âmes se mêlèrent en un doux moment de lévitation.»

(Et voilà comment on ruine l’intimité de milliers de couples avec le mythe de l’orgasme simultané.)

Rugbyman faisant un cunnilingus par surprise / Lee Byrne taclé par Frédéric Michalak lors de la finale Clermont-Toulon de la Coupe d’Europe 2013, à Dublin (Irlande) | REUTERS/Stringer

Le placage, ce missionnaire de l’ovalie

Force est néanmoins d’observer qu’on ne dépose pas 120 kilos de muscles dans son lit pour de simples chatouilles. L’héroïne Harlequin aime «que ce soit rude, loin des clichés romantiques de la plupart de femmes». Elle trouve attirant cet homme «vraiment grand et incroyablement puissant», tellement éloigné des «dandys fins et branchés» dont elle s’entiche habituellement.

Elle rêve de croiser «des sauvages comme lui»! Elle fantasme sur cette «silhouette de guerrier»! Elle succombe sous une «avalanche de testostérone», savoure cette odeur de sueur «acre et virile», celle de «l’homme, le vrai.» Ooooh! Elle «a envie de le sentir en elle, et de manière aussi bestiale que romantique». En fait, cette femme indépendante (elles ont toutes un métier) reste tout de même un peu fragile et elle a surtout «envie de se sentir totalement femme entre les bras d'un homme totalement homme».

Et cela tombe bien car la virilité de l’ovalie est à la hauteur de ces attentes. Un dîner romantique peut basculer à tout instant:

«Je croise alors le regard d’Aloys; ses yeux me fixent, brûlants, je n’ai pas le temps de comprendre ce qui nous arrive. D’un revers de main, il balaie la table, et tout ce qui s’y trouve tombe sur le sol dans un immense fracas. Il m’attrape par la taille et me jette pratiquement sur la table. Sans plus attendre, il fait ce que j’espère depuis la seconde où je suis entrée. Il déchire ma robe, dévoilant mes sous-vêtements rouges et mes bas noirs.»

Outre un certain talent pour déchirer les robes, le rugbyman a une position favorite: le plaquage. Comme sur le terrain, il plaque. Contre une porte, sur le mur, la table, dans la montée d’escaliers… En dépit des bosses, les femmes Harlequin adorent ça:

«Il me tire alors vers lui avec force. Sa force. Il me plaque contre lui.»

 

«Son aveu fut l’étincelle. L’air crépitant s’enflamma et je repoussai Clémence contre la porte. J’attirai ses lèvres contre les miennes, étouffant le gémissement de douleur qui lui échappa quand son dos heurta le bois.»

 

«Encore un plaquage, dit-elle, haletante.

—Encore, oui, passons aux choses sérieuses et transformons l’essai!»

«Waouh», gloussa-t-elle. / Placage du Français Vincent Clerc par le capitaine du Pays de Galles Sam Warburton (qui a reçu un carton rouge) lors de la demi-finale de la Coupe du monde de rugby de 2011, à Auckland (Nouvelle-Zélande) | REUTERS/Nigel Marple

Pour l’anecdote, on notera d’autres évocations, tout aussi délicates, ainsi de ces doigts s’aventurant dans l’intimité de Clémence, remuant «en elle telle une mêlée sur une pelouse détrempée».

Quand sexe rime avec cortex

Mais ce n’est pas tout. Cet athlète du coïtus perfectus est aussi un être sensible, raffiné, voire un intellectuel. Certes, il exprime parfois l’intensité de sa passion avec la verdeur qui fait toute la saveur d’un riche terroir: «Putain, elle est à couper le souffle!»

Mais il est toujours gentleman et, parfois, tel un tendre Werther du gazon, il rêve à la fenêtre de sa chambre, en métaphores filées: «La terre était son univers, la boue son océan, et les deux piliers des buts son envolée vers le ciel.»

Et parfois, dans le vent glacé du vestiaire, interroge le sens profond de la vie:

«Je lâche mon sac, m’approche d’elle doucement, plonge mes yeux dans les siens et me demande si je viens de perdre la raison ou juste mon âme pour être avec elle.»

«Dis, tu crois qu’on peut aimer raisonnablement?» / Luke Thompson (Japon) avant une mêlée lors du match opposant son équipe à l’Écosse le 23 septembre 2015, pendant la Coupe du monde de rugby, à Gloucester (Angleterre) | Reuters/Andrew Boyers

Collection Harlequin oblige, chaque romance s’accorde le détour du moment de doute. Entre deux orgasmes, pantelante, la femme s’interroge. Ne serait-elle qu’une passade? Il est temps alors de reboutonner sa braguette pour laisser le cœur s’exprimer:

«Je ne sais pas, j’ai cru…

Quoi? Que tu n’étais plus qu’une paire de fesses de plus à mon tableau de chasse?

J’ai acquiescé sans le regarder.

Je ne chasse plus depuis longtemps, Eugénie.

Il a posé ses lèvres sur les miennes. Notre baiser a eu un goût salé. Je crois bien que j’avais recommencé à pleurer. Mais cette fois-ci, c’était de joie.»

«Veux-tu être ma femme? —Grmouiblfgr.» / Quatrième essai français de Wesley Fofana dans le match France-Roumanie, à Londres (Angleterre), le 23 septembre 2015 | Reuters/Stefan Wermuth

Le match homme-femme

Le champ lexical des nouvelles Harlequin s’avèrant précieux pour le sociologue des gradins, il est temps à présent d’apprendre à distinguer un rugbyman d’une femme. On notera notamment qu’en dépit du métier qu’elle exerce cette »jeune femme d’aujourd’hui, en quête perpétuelle d’égalité», n’est pas vraiment sûre d’elle. Les pectoraux la rassurent:

«Étrangement, elle perçoit cette différence physique non comme une menace potentielle, mais comme une exaltation de sa féminité. C'est un peu comme si la compagnie de cet homme fort et si galant l'incitait à baisser sa garde de femme libre et indépendante pour n'être plus que femme, dans toute sa beauté et fragilité.»

En outre, cette différence la renvoie à une forme de complexe sur son physique. L’héroïne Harlequin n’est «pas une blonde peroxydée à forte poitrine», mais une femme de tous les jours. Une lectrice?

Rugbyman

Femme

Il est audacieux.

Elle est timide.

Il est lourdaud.

Elle est timide.

Il est timide («putain, j’ai les mains moites, c’est une horreur»).

Elle est timide.

Il a une «voix forte et rieuse» / «voix sensuelle comme du chocolat noir fondu».

Elle a une «petite voix douce».

C’est un «homme totalement homme».

«Entre [ses] mains, elle semblait fragile.»

Il a une «langue chaude et râpeuse». Elle est clitoridienne

Il prépare un petit plat en amoureux mais fait brûler la sauce.

Elle va «tenter de la récupérer» (elle y parvient).

Il dit des mots tendres («Oh putain! Je gémis lorsqu’elle se met à me sucer.») pendant l’amour.

Elle glousse.

«Il se dégage de lui quelque chose de rassurant.»

«Je suis beaucoup plus indépendante que ce qu’ils imaginent (enfin… je crois).»

Ils sont «grands, sympathiques et très attachants».

Elles peuvent s’allonger sur leur torse.

Il a une «langue chaude et râpeuse».

Elle est clitoridienne.

Il a eu trop d’argent et trop de femmes. Sa «la chambre était vide. Comme son cœur».

Elle a une vie «sympa mais ennuyeuse».

Ce sont «des hommes gaulés comme des apollons».

Elle est «jolie fille sans pourtant être extraordinaire».

 

Josh et Damien, Harlequin gay

Parmi ces nouvelles, À un Stade du plaisir se distingue car la romance met en scène Josh et Damien. Une variante gay où affleurent des clichés identiques, entre vent glacé, cœur écrasé et regard à la dérive, servis par des dialogues de haute tenue («Qu’est-ce qu’il y a?/Rien.») mais un langage plus cru. Notamment parce que Josh met du temps à accepter son désir. Alors, avant de consommer, les rugbymen s’insultent copieusement (putain, con, merde, lâche-moi, qu’est-ce que tu veux, casse-toi). Ils iront jusqu’à se battre –dans les vestiaires, où l’intimité a «tendance à défoncer tel un bulldozer certains concepts, comme celui de pudeur». Le sperme a goût de sang. Et, lorsqu’ils jouissent, c’est encore en jurant.

«Merde, souffla Josh.

Le plaisir grimpait en lui.»

1 — ​Les vrais amateurs auront noté qu’il existe une équipe de rugby Harlequins. Retourner à l'article

 

cover
-
/
cover

Liste de lecture