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Le gouvernement japonais demande aux universités de ne plus enseigner les sciences humaines

Pour le ministère de l'Éducation, cet enseignement ne répond pas «aux besoins de la société».

REUTERS/Yuya Shino
REUTERS/Yuya Shino

Temps de lecture: 2 minutes - Repéré sur Times of Higher Education, Japan Times

En juin, le ministre japonais de l'Éducation, Hakubun Shimomura, a envoyé une lettre aux présidents des quatre-vingt six universités du pays pour leur demander de se débarasser des départements de sciences sociales et d'humanités «ou de les convertir afin qu'ils correspondent mieux aux besoins de la société».

Sur les soixante universités japonaises qui proposent des cours en littérature et sciences humaines, dix-sept ont déjà annoncé qu'elles cesseraient d'accepter des étudiants dans ces disciplines, et en tout, vingt-six facultés ont confirmé qu'elles fermeraient ou réduiraient leurs départements, rapporte le Times of Higher Education.

La technique avant la théorie

Par contre, les universités de Tokyo et Kyoto, les plus prestigieuses du pays, ont déclaré qu'elles ne suivraient pas les recommendations du gouvernement. 

Cette décision correspond au plan de croissance du Premier ministre Shinzo Abe, selon lequel le rôle des universités est de «produire des ressources humaines qui correspondent aux besoins de la société».

Le fondement des sociétés démocratiques et libérales est l'esprit critique, qui se nourrit de la connaissance des humanités

Takamitsu Sawa

Dans un discours de 2014 lors d'une réunion de l'OCDE , il avait dit: «Plutôt que d'approfondir les recherches universitaires hautement théoriques, nous encouragerons une éducation plus technique et professionnelle qui anticipe mieux les besoins de la société.» 

Une politique digne d'un État totalitaire?

Dans un éditorial pour le Japan Times, le président de Shiga University, Takamitsu Sawa, se plaignait qu'un membre du ministère de l'Éducation avait suggéré qu'en dehors de huit universités d'élite, les étudiants devraient apprendre à utiliser des logiciels de comptabilité plutôt que les textes de l'économiste Paul Samuelson, et la traduction anglais-japonais plutôt que Shakespeare.

Il rappelle que ce mépris pour les sciences humaines n'est pas nouveau au Japon: en 1960, le ministre de l'Éducation déclarait déjà que les universités devraient se concentrer uniquement sur l'enseignement des sciences naturelles et de l'ingénierie. Mais pour Takamitsu Sawa, cette attitude est dangereuse:

«Le fondement des sociétés démocratiques et libérales est l'esprit critique, qui se nourrit de la connaissance des humanitésSans exception, les États totalitaires rejettent l'enseignement des humanités, et les États qui rejettent cet enseignement deviennent toujours totalitaires.»

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