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Crise des migrants: mais que fait l’Europe?

L'heure n'est plus à la logique affective, humanitaire et paternaliste mais à une réflexion politico-juridique globale.

Des réfugiés syriens arrivent sur l'île grecque de Lesbos, le 3 septembre 2015. REUTERS/Dimitris Michalakis
Des réfugiés syriens arrivent sur l'île grecque de Lesbos, le 3 septembre 2015. REUTERS/Dimitris Michalakis

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Face à la crise des migrants, l’attentisme européen devient insupportable. Il aura fallu attendre que le cadavre d'Aylan Kurdi, un enfant syrien, s’échoue sur une plage pour que l’on comprenne que le temps n’est pas à la glose, mais à l’action. Le Vieux Continent doit désormais se réveiller pour apporter une solution à toutes ces familles qui fuient des zones totalement déséquilibrées par les conflits géopolitiques et géostratégiques, et doit également faire face à l’afflux des populations arrivant de toute part aux frontières européennes.

Un des éléments fondamentaux est la situation géopolitique locale. Il faut ici nécessairement faire quelques remarques sur l'Irak, ce pays dont la détention supposée d'armes de destruction massive a permis aux Etats-Unis de mener une guerre longue, lourde et avec un bilan militaire et politique désastreux: un Irak totalement endetté, le rêve d’une démocratie –tant vantée par les Etats-Unis et la coalition– mué en cauchemar gigantesque, et surtout un pays en besoin dramatique de reconstruction.

L'Europe ne peut pas «trier»

Le pourrissement de la situation locale a donné l’opportunité à un mouvement plus extrême que les extrémistes déjà présents, Daech, de voir le jour, de proclamer un soi-disant califat, d'égorger des centaines de personnes, de détruire du patrimoine classé et revendre des trésors au marché noir et de s’accaparer une grande partie de l’or noir du pays en répondant à certaines aspirations locales (nourriture, notamment). Que reste-t-il à la population locale face à cette barbarie, parfois créée, fût-elle implicitement, par nos pays? La migration. Quitter ce royaume des menaces pour rejoindre celui qui lui avait tant vanté la démocratie et la paix.

L’Europe ne peut donc pas fermer ses portes, elle n’a pas le droit de le faire. Elle ne peut pas non plus revendiquer, «trier», comme on propose le tri de déchets, entre les personnes venues en raison des persécutions (éligibles à l’asile) et les personnes qui ne le sont pas (migration économique).

Nous dénonçons par ailleurs cette nomenclature terminologique figée qui nie la diversité des migrations (forcées, pour vie privée et familiale, pour travail, etc.), pour mieux asseoir la «peur du pillage» dont font l’objet les immigrés et ainsi faire le jeu de l’extrémisme. Nous n'avons que trop bien entendu les propos du maire de Londres Boris Johnson, qui ne veut pas recevoir les personnes venues pour des raisons économiques mais qui fait tout pour inviter les Français à rejoindre Londres lorsqu’il s’agit d’investir de l’argent dans l’économie.

Un attentisme européen insupportable

Pendant que des milliers de réfugiés se ruent à nos portes, l’Europe attend. Elle tend le bâton aux partis extrémistes, qui y vont de leurs propositions démagogiques. N’a-t-on pas entendu Les Républicains, en France, cligner de l'œil à l’électorat d’extrême droite en affirmant, par l’entremise de leur porte-parole Lydia Guirous, qu’on devait fermer toutes les frontières? Venant d'elle (qui a ensuite été «recadrée» par un autre membre du parti), ces propos sont d'autant plus choquants que sa famille fut également migrante à une époque, quittant, à la fin des années 80 une Algérie en proie à la violence.

Rien de bien rassurant non plus à gauche de l’échiquier politique, où on a pu constater un véritable silence de la part du gouvernement ainsi qu’une rapide désertion des autres élus aux côtés des citoyens investis sur les campements de migrants. Entre une parole stigmatisante assumée et un mutisme démissionnaire, le résultat est le même pour les migrants.

Les déplacements à Calais se sont multipliés ces derniers jours pour traiter de la question. Désormais, il faut que les pays arrêtent de déconsidérer ces enjeux essentiels. Il ne faut pas d’abord poser la question du traitement des migrants, mais plutôt celle de leur venue. Comment faire en sorte qu’il n’y ait plus d’enfants échoués sur les plages? Comment améliorer leurs conditions de sécurité lors du transport?

Ce n’est qu’ensuite qu’une réflexion plus large peut être menée sur la nécessité d’établir un accueil propice et sur la résolution des conflits mondiaux. En effet, nous ne pouvons plus faire l’économie d’une réflexion globale sur cette question migratoire. Il ne s’agit plus aujourd’hui de partager des photos, de créer des hashtags ou encore de s’en remettre aux initiatives citoyennes solidaires qui font office de soupape. Il faut désormais sortir de la logique affective, humanitaire et paternaliste pour mener une réflexion politico-juridique globale en convoquant l’ensemble des acteurs (politiques, associations, citoyens impliqués) ainsi que des migrants, premières parties et victimes de ce phénomène migratoire.

Notre ingérence géopolitique vis-à-vis de certains pays nous oblige plus que jamais à tendre la main vers eux afin de rétablir, en toute dignité de l’être humain, valeur essentielle et supérieure, la fraternité européenne qui est la nôtre.

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