Temps de lecture: 2 minutes - Repéré sur FiveThirtyEight, NBER, Le Figaro Etudiant
Pour qui travaille dans un bureau entouré de collègues, c’est presque une évidence: les compétences relationnelles sont de plus en plus valorisées, par rapport à l'intelligence et aux seuls diplômes et qualifications techniques. Mais nous manquions de chiffres pour l’affirmer. Un chercheur a étudié précisément ce phénomène, prouvant l’importance croissante de cet aspect et annonçant en même temps une bonne nouvelle pour les femmes: elles seraient particulièrement bien placées dans cette compétition pour dépasser leurs collègues masculins.
Le chercheur en question s’appelle David Deming, il est professeur d’économie associé à l’université Harvard, aux États-Unis. Son article, repéré par le site FiveThirtyEight, n’a pas encore été revu par ses pairs, mais est déjà publié sur le site d’un institut de recherche privé, le National Bureau of Economic Research. Il s’intitule «The Growing Importance of Social Skills in the Labor Market» («L’importance croissante des compétences sociales dans le marché du travail»).
Course aux meilleurs salaires
En se servant des statistiques établies sur la base de sondages d’employés aux Etats-Unis, David Deming a regroupé les différents métiers en quatre catégories: les métiers routiniers, les métiers non routiniers qui requièrent de l’analyse, les métiers qui requièrent de fortes compétences relationnelles, d’organisation et une certaine force de conviction, et enfin les métiers de «service» et de soin, comme infirmière, éducateur, etc.
Il affirme que les travailleurs dotés de hautes compétences cognitives gagnent toujours plus que ceux qui sont dotés purement de compétences sociales, mais que, de plus en plus, ces dernières facultés sont un complément nécessaire aux premières dans la course aux meilleurs salaires.
Règne des médecins, avocats, consultants
Son intuition? Dans vingt ans, comme l’ont montré par exemple les recherches de deux chercheurs d’Oxford, près de la moitié des métiers aux États-Unis seront automatisés. Ce que les employeurs rechercheront donc, ce ne seront plus les nerds boutonneux capables de résoudre une équation différentielle complexe en moins de temps qu’il n’en faut pour pousser un soupir, mais bien des personnes capables de lire et de comprendre les résultats, et surtout de les articuler au sein d’un projet commun.
De manière symbolique, en France, les étudiants qui possèdent un double cursus ingénieur-manager parviennent ainsi mieux à s’insérer sur le marché de l’emploi que les simples ingénieurs. Les professions reines, qui permettent de gagner aujourd’hui beaucoup d’argent, sont typiquement des professions qui requièrent les deux compétences, comme les médecins, les avocats et les consultants.
Évolution du profil des métiers féminins
Le ralentissement de la croissance des métiers à forte matière grise (comme les ingénieurs, justement) pourrait d’ailleurs cacher un glissement vers des métiers qui combinent les deux aspects, à la fois intellectuel et relationnel, comme le fait remarquer un professeur d’économie au MIT, David Autor.
Mais surtout, ce nouvel accent mis sur le relationnel profite particulièrement aux femmes, comme le démontre David Deming à coups de graphiques particulièrement parlants. Alors que, comparé aux années 1980, le poste typique d’un homme n’a pas beaucoup bougé, les métiers des femmes ont fortement évolué. Employées dans des jobs impliquant peu de relationnel (comme cuisinier), elles peuplent aujourd’hui largement les métiers à la fois intellectuels et relationnels, comme enseignant, explique David Deming.
Particulièrement adaptées
Or, affirme le chercheur, les femmes ont des compétences sociales qui ont été maintes fois démontrées lors d’évalutations de psychologie, où elles obtiennent de meilleures notes que leurs homologues masculins aux tests d’intelligence émotionnelle et de «sens social» («social perceptiveness»). Des compétences sociales, pourrions-nous ajouter, effectivement acquises par les femmes au cours de leur éducation, où on leur fourre encore aujourd’hui quasi systématiquement et exclusivement une poupée dans les bras ou un kit d’infirmière, ce qui les forme dès l’enfance à prendre soin des autres.
Les femmes seraient donc particulièrement adaptées aux transformations économiques actuelles. Ce qui suggère une conclusion particulièrement cynique: le rattrapage des salaires des femmes au fil des années ne serait peut-être pas tant dû aux différentes politiques visant à l’égalité professionnelle ou à une meilleure prise en compte des droits des femmes qu’à… un simple besoin du marché du travail.