Parents & enfants

Il faut une pré-rentrée plus longue (même si je tiens à mes vacances)

La semaine de rentrée constitue une importante somme d’angoisses qu’une pré-rentrée de qualité permettrait certainement d’atténuer.

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Une pré-rentrée des profs au mois d’août et sur plusieurs jours est nécessaire pour rendre le retour sur le banc de l’école plus efficace | Markus Reinhardt via Flickr CC License by

Temps de lecture: 4 minutes

Jamais aussi haïs que lorsqu’ils se plaignent de devoir retourner bosser après un minimum de sept semaines de vacances d’été, les enseignants risquent de se faire entendre cette année encore, d’autant que le calendrier 2015 touche à l’intouchable: le sacro-saint mois d’août. Après avoir été fixée au vendredi 28, la pré-rentrée des professeurs a été reculée au lundi 31, des menaces de grève ayant été prises au sérieux par le ministère de l’Éducation nationale. Psychologiquement, un monde s’écroule: il y a quelques années encore, aucun prof ne se serait imaginé devoir aller travailler en août.

La pré-rentrée, c’est cette journée un peu bâtarde censée permettre aux équipes éducatives de se retrouver et de préparer ensemble l’année scolaire à venir. Accueil et intégration express des nouveaux enseignants, prise en compte des éventuels changements de programmes et de lois, résolution des soucis matériels (clés, craies, emploi du temps): il s’agit de relancer la machine en quelques heures afin de préparer au mieux l’arrivée des élèves prévue pour le lendemain.

Sous le signe de l’entre-deux

L’aspect transitionnel entre tunnel de vacances et reprise imminente se ressent dans les attitudes et les accoutrements de chacun: certains sont encore en tenue d’été (même par 18°C, ouais) tandis que d’autres ont déjà ressorti leur garde-robe «sérieuse». Généralement, les premiers se pointent avec en poche une feuille A4 et un stylo, tandis que les seconds sont venus avec plus de matériel qu’il n’en faut pour ouvrir une librairie-papeterie. Au-delà de l’assemblée, c’est la journée toute entière qui est placée sous le signe de l’entre-deux. C’est une journée de travail au cours de laquelle on ne travaille pas réellement.

Tout commence par une (trop) longue réunion plénière au cours de laquelle chefs d’établissement et CPE ne font généralement que reproduire leurs laïus de l’année précédente. Seuls les nouveaux arrivants, avides d’infos pratiques, peuvent éventuellement trouver un réel intérêt à cette matinée.

La suite est constituée de réunions en plus petits groupes, où ce qui est dit en une heure aurait pu l’être en quatre fois moins de temps (mais est-ce réellement propre à l’Éducation nationale?). Une pour les professeurs principaux (briefés sur l’accueil de leurs nouveaux protégés), une pour les nouveaux arrivants (notamment conviés à une visite détaillée des locaux), une pour chaque discipline (pour rediscuter éventuellement l’ordre des chapitres et fixer quelques échéances)...

Système à revoir

Dès la deuxième année passée au sein du même établissement, cette journée de pré-rentrée se place sous le signe du déjà-vu. On entend certains vieux briscards militer mollement pour que cette journée soit purement et simplement supprimée. Quitte à être accusés de faire du zèle, d’autres estiment au contraire que, quelques heures de pré-rentrée, c’est bien trop court. En tout cas, tous semblent d’accord sur le fait que le système gagnerait à être revu.

L’enchaînement de réunions ne laisse pas de latitude pour préparer les journées et semaines à venir

Il faudrait effectivement finir par trancher. Soit la pré-rentrée est un pur moment d’organisation pratique (auquel cas tout ou presque peut se gérer par e-mail), soit on estime qu’elle présente un intérêt supplémentaire en vue de l’année à venir. Dans ce cas, une journée ne suffit pas. Un minimum de trois jours serait nécessaire.

D’un point de vue de prof attaché à ses vacances, je ne serais pas exactement ravi que le ministère me demande de revenir le 25 août afin de passer une semaine avec mes collègues. Mais il faut bien reconnaître que ce serait une façon d’entamer l’année avec davantage d’efficacité.

Le problème de la journée de pré-rentrée telle qu’on la connaît actuellement, c’est que son enchaînement de réunions plus ou moins efficaces ne laisse pas vraiment de latitude pour préparer réellement les journées et semaines à venir. Les profs les moins chevronnés (ou les moins chanceux) ne sont jamais loin du cauchemar lorsqu’ils découvrent (mais un peu tard) que la clé qu’on leur a fournie ne fonctionne pas, que le câble du vidéoprojecteur de leur salle a disparu pendant l’été, ou que 40% des ordinateurs de la salle informatique sont en cours de maintenance. Cela donne des premières séances tumultueuses, au cours desquelles il n’est pas rare de voir la relation prof-élèves se désagréger durablement. Les classes les plus turbulentes se feront un plaisir de s’engouffrer dans la brèche et de transformer la première semaine de septembre en enfer.

Partir sur de meilleures bases

Il serait donc assez plaisant de pouvoir prendre pleinement possession des lieux, de s’assurer que le matériel fonctionne, d’avoir la possibilité de comprendre chacun des rouages du collège ou du lycée. Les élèves n’aiment pas l’amateurisme. Au mieux, ils l’accueilleront avec une bienveillance teintée de pitié. Au pire, il ne leur en faudra pas plus pour vous construire une réputation de prof dépassé par les événements.

Une pré-rentrée plus longue permettrait également d’augmenter le nombre d’innovations pédagogiques. Progressions spiralées, travail en ilôts bonifiés, classe inversée: les façons de faire évoluer son mode d’enseignement sont nombreuses, mais elles nécessitent du temps pour être mises en place de façon efficace. Il faut en discuter longuement avec ses collègues, préparer des documents, revoir son organisation matérielle… Difficile de gérer cela depuis son domicile, pendant l’été, alors que chacun est tour à tour parti passer ses vacances en famille. Disposer de quelques jours permettant de se concerter et de travailler ensemble, au-delà des simples réunions ne permettant que d’effleurer les sujets, serait un véritable plus.

Il serait plaisant et efficace de pouvoir prendre pleinement possession des lieux, de s’assurer que le matériel fonctionne...

Grâce à un tel dispositif, l’accueil des élèves pourrait aussi se faire de façon plus précise et plus personnalisée. Si les comités de liaison CM2-6e et 3e-2nde tendent à se démocratiser, le suivi gagnerait à être généralisé. En 6e comme en 2nde, on perd un temps précieux (parfois quelques semaines) à tenter de jauger le niveau et la personnalité des élèves, lesquels ne révèlent parfois leur véritable nature qu’en octobre, après une phase de rodage. Avoir la possibilité de rencontrer leurs enseignants précédents ou de pouvoir consulter leur dossier scolaire pourrait permettre de partir sur de meilleures bases et de déterminer au plus vite quel type d’aide apporter à tel ou tel élève.

Qu’ils travaillent d’arrache-pied pendant les vacances ou se tournent sciemment les pouces, les enseignants savent que le début du mois de septembre correspond à une phase de rush au cours de laquelle ils devront faire connaissance avec de nouvelles classes, mais également donner corps à l’organisation de leur année. En cela, la semaine de rentrée constitue une importante somme d’angoisses qu’une pré-rentrée de qualité permettrait certainement d’atténuer. Mais puisque Rome ne s’est pas faite en un jour, pas de raison pour que ce soit le cas de la rentrée scolaire.

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