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Le danger des OGM n'est pas là où vous croyez

La guerre contre les organismes génétiquement modifiés est truffée d'erreurs, de mensonges, de mauvaise foi et autres falsifications jouant sur nos peurs. Les étiqueter ne vous écartera pas du danger et pour cause: il est ailleurs.

Manifestation anti-OGM à Lyon le 23 mai 2015 | REUTERS/Emmanuel Foudrot
Manifestation anti-OGM à Lyon le 23 mai 2015 | REUTERS/Emmanuel Foudrot

Temps de lecture: 48 minutes

Les aliments génétiquement modifiés sont-ils dangereux? Pour beaucoup, visiblement, la réponse est oui. Ces cinq dernières années, pas moins de 27.000 produits ont été soumis au Non-GMO Project, une association certifiant l'absence d'OGM dans les denrées alimentaires. En 2014, les ventes de tels produits ont quasiment triplé. Les magasins bio Whole Foods obligeront bientôt l'étiquetage des produits contenant des OGM vendus dans ses rayons. Abbott, l'entreprise commercialisant le lait maternisé Similac, vient de créer une gamme sans OGM, afin d'offrir aux parents une «tranquillité d'esprit». Les supermarchés Trader Joe’s ont promis qu'ils n'utiliseraient plus d'OGM. Idem du côté du fast-food mexicain haut de gamme Chipotle.

Des écologistes et des associations veulent même aller plus loin. Des centaines d'associations américaines et internationales, comme Consumers Union, Les Amis de la Terre, Physicians for Social Responsibility, Center for Food Safety et l'Union of Concerned Scientists en appellent à «l'étiquetage obligatoire des aliments génétiquement modifiés». Depuis 2013, une telle législation est en vigueur dans le Vermont, le Maine et le Connecticut. Le Massachusetts est a priori le prochain sur la liste.

Le postulat de base de ces législations –et la principale source d'angoisse des consommateurs, elle-même à l'origine d'une regain d'attention pour les produits non OGM de la part des industriels– relève d'une préoccupation sanitaire. En 2014, dans un sondage menée par le Pew Research Center, 57% des Américains estimaient qu'il était globalement «risqué de manger des aliments génétiquement modifiés». Selon les autorités du Vermont, l'objectif premier de leur obligation d'étiquetage est d'aider les gens à «éviter les potentiels dangers sanitaires d'aliments produits par l'ingénierie génétique». Chipotle souligne pour sa part que 300 scientifiques ont «signé un manifeste démentant l'existence d'un consensus scientifique sur l’innocuité des OGM destinés à la consommation humaine». En attendant d'autres études, déclare Chipotle, «la méfiance face aux OGM est une question de prudence».

L'Organisation mondiale de la santé, l'American Medical Association, la National Academy of Sciences et l'American Association for the Advancement of Science ont toutes affirmé que la dangerosité des OGM n'était pas factuellement attestée. Des centaines d'études vont dans ce sens. Mais nous sommes nombreux à ne pas leur faire confiance. Nous sommes attirés par des sceptiques affirmant que tout n'est pas dit, qu'il existe des études ayant trouvé des risques associés aux OGM et que Monsanto cherche à les camoufler.

Trop-plein d’infos

J'ai passé quasiment toute l'année dernière à farfouiller dans les données. Voici ce que j'ai appris. Premièrement, que le sujet est effectivement compliqué. Sauf que plus vous creusez, plus vous tombez sur des fraudes, nombreuses, dans l'argumentaire anti-OGM. Ce réquisitoire est bourré d'erreurs, de sophismes, de faits déformés, de falsifications et de mensonges. Les gens qui vous affirment que Monsanto cache la vérité cachent eux-mêmes les preuves de la fausseté de leurs propres allégations sur les OGM. Ils espèrent vous noyer sous un trop-plein de science et qu'ainsi submergés vous préfériez faire confiance à vos tripes et gobiez leur incitation à la défiance.

Deuxièmement, que l'argument central du mouvement anti-OGM –la précaution commande d'éviter les aliments génétiquement modifiés– est une imposture. Les militants qui vous disent de faire attention aux OGM sont loin d'être aussi méticuleux dans l'évaluation des options alternatives. Ils dénoncent la toxicité de certaines protéines des cultures OGM, tout en se faisant les hérauts de substances, pesticides et autres cultures non OGM bourrés des mêmes protéines. Ils décrivent l'ingénierie génétique comme un processus chaotique et imprévisible, même si des études observent que d'autres méthodes d'amélioration agricole, y compris celles plébiscitées par ces mêmes militants, sont bien plus disruptives pour les génomes des végétaux. 

Les gens qui vous affirment que Monsanto cache la vérité espèrent que vous préfériez faire confiance à vos tripes et gobiez leur incitation à la défiance

Troisièmement, que concernant certains aspects de l'agriculture génétiquement modifiée (GM) –les herbicides, les monocultures ou les brevets–, il existe des motifs de préoccupation légitimes et pertinents. Mais qu'aucun de ces tourments ne concerne, en soi, l'ingénierie génétique. L'ingénierie génétique n'est pas un objet unique. C'est un processus susceptible d'être mis à profit de différentes manières pour créer différents objets. Pour réfléchir clairement et posément aux OGM, vous devez discriminer ses différentes applications et les examiner au cas par cas. Si ce sont les pesticides et la transparence qui vous préoccupent, alors il vous faudra savoir quelles sont les toxines auxquelles certains de vos aliments, et pas d'autres, ont été exposés. Ce n'est pas une étiquette qui vous le dira. Par contre, elle pourra vous pousser à acheter un produit non OGM, quand bien même le choix OGM est comparativement le plus sûr. 

Si vous êtes comme moi, vous n'avez pas vraiment envie de vous embourber là-dedans. C'est un sujet trop gros, trop technique, trop perturbant. Mais venez quand même avec moi, juste pour cette fois. Je veux vous emmener voir les coulisses, derrière les garanties générales et génériques sur l'innocuité des OGM. Je veux vous détailler quatre histoires controversées d'OGM, parce que c'est dans ces détails que vous trouverez la vérité. Enfin, je vous soulèverai un dernier rideau, celui cachant la réalité du mouvement anti-OGM. Et vous verrez ce qu'il dissimule.

Triomphe de la papaye

Il y a vingt ans, les producteurs hawaïens de papaye n'étaient pas en grande forme. Le virus des taches en anneaux du papayer, transmis par des insectes, détruisait les cultures. Les fermiers avaient tout essayé pour stopper l'épidémie: de la sélection végétale, de la rotation culturale, des quarantaines. Rien n'avait fonctionné. Un scientifique eut une autre idée. Et s'il était possible de transférer un gène d'un élément inoffensif du virus, la protéine d'enveloppe, dans l'ADN de la papaye? La papaye ainsi génétiquement modifiée serait-elle immunisée contre le phytovirus?

Ce scientifique, Dennis Gonsalves, de l'Université de Cornell, eut en partie cette idée grâce à Monsanto. Mais Monsanto n'en avait que faire de la papaye. Si la papaye est une denrée essentielle dans le monde en développement, elle n'est pas aussi rentable que le soja ou le coton. Ce qui fait que Monsanto et deux autres entreprises allaient breveter la technologie au profit d'une association de fermiers hawaïens. Les licences étaient gratuites mais limitées à Hawaï. L'association distribua les semences aux fermiers gratuitement dans un premier temps, avant de les leur vendre.

Aujourd'hui, la papaye GM est un triomphe. Elle a sauvé le secteur. Mais son histoire est aussi des plus édifiantes. Car la papaye, une fois le virus défait, a bien failli ne pas survivre à une campagne visant à purger Hawaï des cultures OGM. L'histoire de cette campagne nous enseigne une difficile leçon: qu'importe qu'un OGM soit consommé pendant des années sans faire de mal à personne, qu'importe le nombre d'études démontrant son innocuité, il y aura toujours des sceptiques pour vous mettre en garde contre des risques inconnus.

En 1996 et 1997, trois agences fédérales donnent leur agrément à la papaye GM. Le département américain de l'agriculture (USDA) ne fait état «d'aucun effet délétère sur les plantations, les organismes non visés ou l'environnement» lors d'essais en plein champ. L'EPA, l'agence environnementale américaine, souligne que les populations ont consommé pendant des années le virus dans les papayes infectées. «Des particules infectieuses entières du virus des tâches en anneaux du papayer, y compris sa protéine d'enveloppe, sont présentes dans les fruits, les feuilles et les racines de la plupart des plantations», observe ainsi l'EPA. L'agence évoque la longue histoire alimentaire des mammifères et indique que, depuis très longtemps, l'intégralité du virus se voit consommée sans causer aucun effet sanitaire délétère sur les humains. Les plantations infectées par le virus sont, et depuis des siècles, partie intégrante du régime alimentaire des humains et des animaux domestiques, et aucune étude ne laisse entendre que ce phytovirus pourrait être toxique pour les humains, comme pour d'autres vertébrés. En outre, les phytovirus sont incapables de se répliquer dans les organismes des mammifères comme chez d'autres vertébrés, ce qui exclut la possibilité d'une infection humaine.

«Pollution génétique»

Quand vous vous accrochez à des croyances non justifiées, même après deux décennies de recherches et d'expériences, ce n'est pas du scepticisme: c’est du dogmatisme

Des arguments qui n'allaient pas satisfaire tout le monde. En 1999, un an après l'arrivée des nouvelles graines de papaye chez les fermiers hawaïens, leurs opposants affirment que le gène viral peut interagir avec l'ADN d'autres virus et créer des pathogènes d'autant plus dangereux. En 2000, des vandales détruisent des plantations de papaye et d'autres végétaux cultivés dans le laboratoire de recherche de l'Université d'Hawaï, en les qualifiant de «pollution génétique». En 2001, le Public Interest Research Group (U.S. PIRG) considère Hawaï comme l’État américain où les expérimentations OGM en milieu ouvert sont les plus nombreuses et en appelle à un moratoire national sur de tels tests. L'U.S. PIRG déclare que «la science de l'ingénierie génétique est radicale et nouvelle» et que, concernant les cultures OGM, «leurs effets sur la santé humaine et leur impact sur l'environnement n'ont pas été correctement évalués».

Une étude hollandaise publiée en décembre 2002 semble cautionner de telles angoisses. Selon l'article, un court fragment de la protéine d'enveloppe du virus des taches en anneaux du papayer, désormais incorporé à la papaye GM, correspond à une séquence d'une protéine allergène produite par des vers. Mais la ressemblance n'est que partielle et les chercheurs soulignent bien que rien ne permet d'affirmer que cette protéine, ou même la papaye, puisse déclencher des allergies. Reste que les militants anti-OGM n'allaient pas s’embarrasser de telles réserves. L'Institute of Science in Society publie une «alerte de biosécurité» intitulée «Le scandale de la papaye OGM allergène». Greenpeace signale l'étude hollandaise et prévient que «l'interaction de la papaye OGM avec d'autres virus [...] peut produire de nouvelles souches virales». L'association dénonce les concepteurs de la papaye et les accuse de «jouer avec la nature».

Ces mises en garde avaient de quoi déconcerter. Mais, scientifiquement, elles n'avaient aucun sens. Commençons déjà par la distinction entre la «nature» et la «pollution génétique». La nature a inventé le virus des taches en anneaux du papayer. Des millions de personnes ont pu en manger, sans jamais tomber malade, ni subir aucune autre nuisance. Et les agriculteurs font joujou avec la nature depuis des millénaires.

Pour les militants anti-OGM, l'ingénierie génétique est imprécise et aléatoire. Mais ils ignorent le caractère bien plus aléatoire des mutations naturelles et l'imprécision bien plus conséquente de l'agriculture traditionnelle. En outre, après cinq années de commercialisation et de consommation généralisée des papayes GM, rien n'attestait de quelconques effets délétères. Mais les alarmistes agitaient toujours leurs cloches faites d'interactions imprévues et de mutations apocalyptiques, tout en ignorant des études qui n'étayaient pas leurs fantasmes.

Putatif allergène

Prenez le «scandale de la papaye OGM allergène». La protéine produite par le nouveau gène de la papaye est constituée, à peu près, de 280 acides aminés. Sur cette séquence, la chaîne commune à un putatif allergène ne contient que six acides aminés. Selon ce critère, une étude observe que 41 protéines sur 51 sélectionnées au hasard dans des plants de maïs ordinaire devraient aussi être considérées comme allergènes. Mais les militants anti-OGM ont ignoré cette étude. Ils en ont aussi ignoré une seconde, concluant que le putatif allergène parasitique comparé, en premier lieu, aux protéines de la papaye n'était pas, en réalité, intrinsèquement allergène.

Les années passèrent, des gens mangèrent des papayes et rien ne survint. Mais les activistes n'allaient pas fléchir pour autant. En 2004, des vandales de Greenpeace détruisent une plantation de papayes en Thaïlande, sous prétexte que la plante serait une «bombe à retardement» et qu'elle aurait mis sur la paille les fermiers de Hawaï. En 2006, Greenpeace publie un nouveau rapport condamnant le fruit. En réalité, la cause de la misère des fermiers était à trouver du côté de Greenpeace. L'organisation œuvrait au blocage des réglementations autorisant la culture et la commercialisation de la papaye GM –tout en blâmant la papaye pour les malheurs économiques des agriculteurs.

De 2006 à 2010, des chercheurs du département américain de l'agriculture, incités par des régulateurs japonais, soumettent la papaye à des études complémentaires. Ils vérifient que sa nouvelle protéine n'a aucune séquence génétique commune avec le moindre allergène connu, en prenant le critère consensuel d'une chaîne de huit acides aminés, et non pas six. Ils démontrent que la protéine, contrairement aux allergènes, se désagrège en quelques secondes dans les sucs gastriques. Ils trouvent que la papaye conventionnelle et infectée, que les populations consomment depuis des années, contient huit fois plus de protéines virales que la papaye GM. Deux ans plus tard, après avoir résolu des problèmes environnementaux, le Japon ouvre son marché au fruit.

Soit les sceptiques admettaient que leur cauchemar n'était pas devenu réalité, soit ils niaient l'évidence et s'accrochaient à leur croyance d'un Armageddon OGM

Des scientifiques chinois vont compléter ces recherches. Pendant quatre semaines, ils donnent des papayes GM à manger à un groupe de rats, et des papayes conventionnelles à un autre. À la fin de l'étude, ils ne trouvent aucune différence entre les différents groupes de rats. L'expérience confirme que les fragments de la protéine d'enveloppe se dissolvent rapidement dans les sucs gastriques et ne laissent aucune trace détectable dans les organes.

À ce point de l'histoire, les papayes GM avaient été testées et mangées depuis quinze ans. Les sceptiques étaient face à une alternative. Soit ils admettaient que leur cauchemar n'était pas devenu réalité. Soit ils niaient l'évidence et s'accrochaient à leur croyance d'un Armageddon OGM.

Lutte entre science et idéologie

Le dilemme scindera le camp anti-OGM en 2013, lorsque le Hawaii County Council, l'instance gouvernant la plus grande île de l'archipel, envisage une législation interdisant les cultures OGM. Les auditions du conseil, archivées en vidéo par Occupy Hawaii (favorable au projet d'interdiction) documentent une longue année de lutte entre science et idéologie. À mesure que les membres du conseil recueillent des témoignages et étudient la question, ils apprennent que la papaye GM ne colle pas aux stéréotypes du genre. L'organisme a été créé par des scientifiques du secteur public, pas par une corporation privée. Il a permis de sauver une plante appréciée de tous. Il est conforme aux exigences sanitaires japonaises et américaines, comme le prouvent de nombreuses études très poussées. Il n'y a aucune contamination pollinique des cultures voisines. Et il a aussi permis de diminuer le recours aux pesticides, vu que les agriculteurs n'en ont plus besoin pour exterminer les pucerons responsables de la propagation du virus.

Un membre du conseil, Margaret Wille, se rendra à l'évidence. Wille faisait partie des politiciens les plus farouchement opposés aux OGM. Elle était même à l'origine de la proposition d'interdiction. Mais après avoir écouté les arguments en présence, elle retirera la papaye GM de la liste des produits interdits, en soulignant qu'elle était intégrée à l'agriculture locale et que son innocuité avait été prouvée, autant en termes sanitaires que de pollinisation croisée. De fait, elle allait admettre deux choses. La première: que des préoccupations légitimes portées par les détracteurs des biotechnologies, notamment celles concernant l'usage des pesticides et le contrôle capitalistique de l'agriculture, ne s'appliquent pas à toutes les cultures OGM. La deuxième: qu'avec le temps les nouveautés deviennent conventionnelles.

Mais d'autres camperont sur leurs positions, notamment sous l'égide de Jeffrey Smith, l'un des militants anti-OGM les plus prolifiques et les plus célèbres au monde. En septembre 2013, Smith allait être entendu pendant quarante-cinq minutes par le conseil en tant qu'expert, qu'importe qu'il n'ait aucune formation scientifique officielle. (Quand on lui demande s'il faut l’appeler Dr. Smith, il contourne la question en répondant: «Non, Jeffrey c'est parfait».) Smith explique au conseil que l'ARN de la papaye GM pourrait altérer des gènes humains, et que les protéines de la papaye pourraient interférer avec le système immunitaire, et avoir comme conséquence le VIH ou des hépatites. Il déclare aussi que la protéine pourrait être cancérigène.

Pour supporter ses dires, Smith cite une étude de mars 2013 portant sur la régulation des cultures OGM. Il affirme que l'article montre que «l'évaluation de cette technologie est gravement inadéquate pour éviter des problèmes environnementaux et protéger la santé humaine» et que «la papaye est un des exemples cités dans l'étude». Sauf que l'article n'avance absolument rien sur la papaye. Il ne fait que la lister dans un tableau d'OGM, en face d'une critique théorique de la technologie.

De même, Smith affirme devant le conseil qu'«il n'y a aucune étude évaluant les effets alimentaires de la papaye sur des animaux». Hector Valenzuela, agronome de l'Université d'Hawaï et appelé lui aussi à témoigner en tant qu'expert, dira la même chose: que les scientifiques n'ont «mené aucune étude» permettant de jauger l'innocuité alimentaire de la papaye GM. Ni l'un ni l'autre ne mentionnent l'étude chinoise menée sur des rats –et publiée deux mois avant le papier théorique cité par Smith– et qui ne trouve aucun des effets délétères invoqués par ce dernier.

Théories du complot

Pour expliquer pourquoi des organismes scientifiques et réglementaires ont pu attester de l'innocuité des aliments GM, les témoins anti-OGM avancent des théories du complot. Ils affirment que la FDA a été capturée par Monsanto. Idem pour l'American Association for the Advancement of Science. Et quand Amy Harmon, journaliste scientifique du New York Times et lauréate du Pulitzer, détaille les preuves attestant de l'innocuité de la papaye GM, des membres du conseil incrédules méprisent son article en y voyant un compte-rendu «biaisé» par les «pouvoirs politiques en place».

La papaye génétiquement modifiée ne colle pas aux stéréotypes du genre: elle a été créée par des scientifiques du secteur public et a aussi permis de diminuer le recours aux pesticides

Quant à l'approbation japonaise de la papaye, Valenzuela recommande au conseil d'aller voir du côté des câbles du gouvernement américain dévoilés par WikiLeaks. Il affirme que les câbles montrent «jusqu'où le département d'État peut aller pour forcer les choses en coulisses». Soit l'insinuation claire et nette que des fonctionnaires américains ont serré la vis des Japonais. Smith, aussi, mentionne les câbles. Sauf que les câbles n'attestent d'aucune conspiration. Sur tous les câbles dévoilés par WikiLeaks, à peu près 6.000 concernent des échanges entre des ambassades américaines et des consulats japonais. Ils couvrent les années 2005 à 2010, durant lesquelles les régulateurs japonais ont discuté de la papaye GM, avant de l'approuver. Food & Water Watch, une association écologiste, a recherché dans ces câbles des indices de pression ou de lobbying pro-OGM de la part de responsables américains. Le rapport du groupe, publié en mai 2013, ne cite pas le moindre câble prouvant une telle activité au Japon.

Mais aucun argument n'allait être trop farfelu pour les témoins anti-OGM, et notamment pour plusieurs experts autodéclarés. Ils affirmeront que les OGM sont particulièrement dangereux pour les individus à la peau sombre. Que les vaccins, aussi, sont dangereux. Et que les fleurs OGM devraient d'ailleurs être interdites, parce que les enfants risquent de les manger.

Mais ce qu'ils ne pouvaient pas dire, qu'importe les faits disponibles, c'était que la papaye GM était sans danger. Brenda Ford, membre du conseil et auteure d'un autre projet d'interdiction d'OGM, dira d'ailleurs à ses collègues qu'ils n'ont pas à répondre à cette question, même si on la leur pose directement. Ford décrit l'ingénierie génétique comme un «trifouillage aléatoire» de chromosomes. Elle estime que la science est toujours «balbutiante». Smith, lors de son audition, suggère que le transfert génétique dans l'agriculture devrait être étudié pendant 50 à 150 ans avant d'être autorisé en extérieur.

En fin de compte, la papaye survivra et le projet législatif de Ford mourra. Le projet de Margaret Wille sera ratifié, mais annulé par les tribunaux. La nouvelle loi fait une exception des papayes, contrairement à l'étiquetage des OGM. Les étiquettes ne vous diront pas que le fruit que vous avez entre les mains a été conçu pour permettre une culture moins gourmande en pesticides, et pas plus. Elles ne vous parleront pas de toutes les recherches effectuées pour vérifier son innocuité, ni que des gens en ont mangé pendant quinze ans, sans aucun effet sur leur santé. Elles ne vous diront pas non plus que, si vous l'achetez, votre argent ira aux fermiers d'Hawaï, pas dans les caisses de Monsanto.

D'aucuns, encore aujourd'hui, pensent que la papaye GM est dangereuse. Ils demandent davantage d'études, ils en demanderont toujours davantage. Ils se pensent sceptiques. Mais quand vous vous accrochez à des croyances non justifiées, même après deux décennies de recherches et d'expériences, ce n'est pas du scepticisme. C'est du dogmatisme.

Protéine insecticide

En 1901, un biologiste japonais découvre qu'une souche bactérienne est en train de tuer les vers à soie de son pays. Les scientifiques baptisent cette bactérie Bacillus thuringiensis. Elle se révélera bien utile pour protéger les cultures des insectes. Les agriculteurs et les écologistes vont l'adorer. La solution est naturelle, efficace et inoffensive pour les vertébrés.

Au milieu des années 1980, des chercheurs belges trouvent un moyen encore plus efficace de produire l'insecticide. Ils insèrent un gène de la bactérie dans des plants de tabac. Quand des bestioles essayent de manger leurs feuilles, elles meurent. Les agriculteurs n'allaient plus avoir besoin de la bactérie. Les cultures dotées du nouveau gène, le gène Bt, pouvaient produire la protéine insecticide comme des grandes.

Là, les écologistes ont tourné casaque. Ce qui les dérangeait, ce n'était pas l'insecticide, mais l'ingénierie génétique. Et ainsi débuta l'étrange offensive contre les cultures Bt. Une protéine qui, de l'avis de tous, était auparavant inoffensive, devint subitement une menace. Pour bon nombre de détracteurs de la biotechnologie, la longue histoire du Bt et de son anodin usage n'avait aucune importance. L'important, c'était que le Bt était désormais OGM. Et que, les OGM, c'est le mal.

En 1995, l'EPA autorise des pommes de terre, du maïs et du coton Bt. L'agence souligne que la toxine produite par ces végétaux est «identique à celle produite naturellement par les bactéries» et qu'elle «affecte les insectes qui l'ingèrent, mais pas les mammifères». Mais les opposants n'allaient pas retrouver le sommeil pour autant. En 1999, une coalition menée par Greenpeace, le Center for Food Safety, le Pesticide Action Network et l'International Federation of Organic Agriculture Movements attaquent l'EPA afin de révoquer son agrément. La plainte affirme que les cultures Bt pourraient créer des insectes résistants aux insecticides et causer des «dommages directs aux organismes non visés».

Greenpeace et ses partenaires ne combattaient pas du tout le secteur du Bt: au contraire, ils voulaient le protéger

La coalition prétend être la voix de la précaution environnementale. Sauf que cette précaution est étonnamment sélective. Sur les trente-quatre agriculteurs identifiés comme victimes dans le dossier de plainte, trente affirment avoir pulvérisé du Bt sur leurs propres cultures. Sur les seize organisations agricoles citées dans la liste des plaignants, quatorze déclarent avoir des membres utilisant du Bt en spray. Selon ce même dossier, un plaignant est un «fournisseur d'engrais et de pesticides bio» dont l'entreprise «consiste dans la vente de produits Bt foliaires à des producteurs de pommes conventionnelles». Un autre est «une des plus grands fournisseurs d'insectes bénéfiques et d'organismes naturels destinés au contrôle des nuisibles agricoles» et propose «plusieurs produits contenant du Bt».

Greenpeace et ses partenaires ne combattaient pas du tout le secteur du Bt. Au contraire, ils voulaient le protéger. Ils voulaient convaincre l'opinion publique que la protéine Bt était dangereuse si produite par des plantes, mais parfaitement inoffensive si produite par des bactéries et pulvérisée par des agriculteurs.

Le lobby anti-OGM affirme que les cultures Bt sont pires que le Bt pulvérisé, notamment parce que les plantes Bt contiendraient trop de toxines. En 2007, par exemple, Greenpeace a soutenu une ordonnance de référé visant à stopper les tests en plein champ d'une aubergine Bt in Inde. L'ordonnance, envoyée à la plus haute juridiction du pays, statuait que «la toxine Bt des cultures GM est 1.000 fois plus concentrée que le Bt des aérosols». Sauf que les propres recherches internes de Greenpeace font mentir cette déclaration. Dans un compte-rendu de 2002, fondé sur des expériences menées en Chine et en laboratoire, Greenpeace déclarait que les niveaux de toxine dans les cultures GM étaient sévèrement «limités». En 2006, lorsque les enquêteurs de Greenpeace examinèrent des plants de maïs Bt en Allemagne et en Espagne, ils allèrent au devant d'une surprise:

«En général, on observe de très faibles concentrations de Bt dans les plantes de l'échantillon

Volte-face

Une organisation écologiste honnête, après avoir découvert ces faibles concentrations, aurait pu revoir son opposition aux cultures Bt. Mais Greenpeace allait simplement changer son raisonnement. Après avoir affirmé dans le procès de 1999 que les cultures Bt produisaient trop de toxine, Greenpeace fit volte-face. Dans son compte-rendu sur les semences de maïs allemandes et espagnoles, l'organisation allait déplorer que les cultures Bt contenaient trop peu de toxine pour être efficaces. En l'espèce, l'organisation arguait donc que le Bt des cultures transgéniques était dangereux pour les humains, tout en étant incapable de tuer des insectes.

Par ailleurs, des militants anti-OGM affirment que la protéine insecticide est «activée» dans les cultures Bt, mais pas dans les aérosols de Bt, ce qui rend les cultures Bt plus dangereuses pour les humains. Mais l'argument est parfaitement fallacieux. Cette «activation» signifie simplement que la protéine est tronquée pour se lier plus facilement au système digestif des insectes. Et chaque culture Bt est différente. Une base de données globale des cultures GM, tenue par le Center for Environmental Risk Assessment, montre que certaines protéines Bt sont totalement tronquées, quand d'autres ne le sont que partiellement. Et même les protéines entièrement tronquées ne sont que «semi-activée», selon une évaluation technique envoyée à Greenpeace par ses propres consultants voici quinze ans. Sauf si vous êtes un arthropode, le Bt n'est pas actif.

Lors du procès de 1999, Greenpeace déclara que les cultures Bt étaient dangereuses parce que leurs toxines n'étaient pas «facilement dégradées dans l'environnement». L'organisation et ses alliés allaient réitérer cet argument à de maintes reprises. Mais, lorsque cela l'arrange, Greenpeace dit le contraire. Dans un référé de 2006 visant à bloquer des cultures Bt en Nouvelle-Zélande, Greenpeace présuma que les concentrations de toxine du coton Bt pouvaient être trop faibles «parce que la protéine Bt est dégradée, en liaison avec le stress thermique». Le référé ajoutait que les mécanismes de défense de la plante «pouvaient aussi réduire l'activité insecticide du Bt».

De fait, en 2006, le référé indien laissait entendre que les faibles concentrations de Bt dans le coton permettaient aux insectes de proliférer, ce qui causait des pertes agricoles, menait les fermiers à des dettes abyssales et au suicide. Cette histoire de suicide est une énième fiction des anti-OGM. Mais elle a permis à Greenpeace d'affirmer que les cultures GM tuaient des gens de deux façons: en étant plus résistantes et puissantes que le Bt pulvérisé, et en étant moins résistantes et moins puissantes que le Bt pulvérisé.

Sauf si vous êtes un arthropode, le Bt n'est pas actif

L'élément le plus étrange du réquisitoire contre les cultures Bt concerne les putatives preuves de sa nocivité. De nombreuses études observent que le Bt est l'un des pesticides les plus sûrs au monde. Reste que, si vous menez des tas d'expériences sur n'importe quel pesticide, certaines finiront par trouver des corrélations ayant l'air préoccupantes. Mais ce n'est que la première étape d'une remise en question d'un consensus scientifique. Les experts doivent ensuite débattre entre eux pour savoir si les corrélations sont causales et si les effets sont importants. Ils demandent ensuite de meilleures expériences, mieux contrôlées, afin de valider les nouvelles hypothèses. Et c'est là que le réquisitoire contre les cultures Bt et d'autres OGM a plusieurs fois échoué.

Bio-pesticide pulvérisé

Mais, en réalité, le mystère n'est pas là. Non, ce qu'il y a de plus étrange, c'est que les arguments hostiles aux cultures Bt parmi les plus vaseux soient, au mieux, des arguments hostiles au Bt pulvérisé.

Dans son référé de 2006 s'opposant aux OGM Bt en Nouvelle-Zélande, Greenpeace argua que les cultures Bt, en jouant sur les pressions évolutives, allaient générer des insectes résistants au Bt, ce qui allait priver les agriculteurs bio de leur «usage légitime du Bt en tant que pesticide». Le référé avertissait aussi que «la toxine Bt peut persister dans les sols pendant plus de 200 jours», ce qui «pourrait causer des problèmes pour les organismes non visés et pour la santé de l'écosystème des sols». Mais deux des trois expériences citées comme preuves de la nocivité du Bt pour les sols n'avaient pas été menées avec des cultures Bt. Elles avaient été menées avec du DiPel, une préparation pour aérosol à base de Bt disponible dans le commerce. Greenpeace demandait donc à la Nouvelle-Zélande de protéger le Bt en aérosol contre les cultures Bt sur la base d'études qui, si elles prouvaient quoi que ce soit, étaient une preuve à charge contre le Bt pulvérisé.

Le référé de 2007 contre l'aubergine Bt en Inde réitère le même sophisme. «La bactérie naturelle Bt est très importante pour l'agriculture biologique de pointe», peut-on lire. Pour cette raison, l'évolution des insectes résistants au Bt à cause des cultures Bt «serait une menace très grave pour différents types d'agriculture dont un pays comme l'Inde dépend inévitablement et légitimement». Reste qu'une annexe au référé, considéré comme la preuve du péril Bt, consigne des études faites avec du Javelin, du Foray et du VectoBac –trois mélanges pour aérosols Bt.

Ce paradoxe est endémique au mouvement anti-OGM: de l'alarmisme contre toute possibilité de dégât causé par les cultures Bt, couplé à une inexorable docilité face au secteur du Bt pulvérisé. «Les agriculteurs ont toujours utilisé le Bt avec parcimonie et en général comme dernier recours», estime l'Organic Consumers Association. Mais cela ne colle pas avec les recommandations que l'on peut trouver sur les aérosols disponibles dans le commerce. Une brochure conseille par exemple d'utiliser des «pulvérisateurs à rampe motorisée» et explique que «les applications aériennes sont aussi fréquentes dans beaucoup d'exploitations». Dans une autre, on peut lire que «nombreuses plantations d'avocat sont traitées par hélicoptère». Et la saturation est une question cruciale:

«Le traitement doit parfaitement recouvrir toute la surface de la plante, y compris la face inférieure des feuilles

Greenpeace explique qu'il n'y a aucun motif d'inquiétude car «les protéines Bt des aérosols Bt naturels se dégradent» en deux semaines. Mais c'est une fausse garantie, car les agriculteurs compensent souvent cette dégradation en pulvérisant à nouveau. Une brochure classique recommande ainsi une nouvelle application «tous les cinq à sept jours». Soit plein de temps pour que vous vous mettiez la toxine dans la bouche, vu que les notices des produits expliquent aux agriculteurs qu'un «fruit mûr peut être cueilli et consommé le même jour que son traitement». Dans des vidéos YouTube, des producteurs bio donnent les mêmes instructions: vous devez traiter vos légumes au Bt tous les quatre joursen veillant à bien recouvrir toute la surface de la plante, et vous pouvez les manger tout de suite après l'application.

Les aérosols Bt, contrairement aux cultures Bt, contiennent des bactéries vivantes, qui peuvent proliférer dans les aliments

Les aérosols Bt, contrairement aux cultures Bt, contiennent des bactéries vivantes, qui peuvent proliférer dans les aliments. Voici quelques années, des chercheurs avaient examiné des légumes vendus au Danemark. Ils y avaient trouvé vingt-trois souches de Bt identiques à celles utilisées dans les aérosols vendus dans le commerce. En Chine, une étude comparable menée sur du lait, de la crème glacée et des boissons à base de thé vert avait trouvé dix-neuf souches de Bt, dont cinq étaient identiques à celles contenues dans les aérosols. Au Canada, des prélèvements effectués dans le nez d'individus vivant à l'intérieur ou à l'extérieur de zones agricoles traitées au Bt avaient trouvé la bactérie dans 17% des échantillons récoltés avant le traitement des plantations, et dans 36% à 47% des échantillons prélevés après le traitement.

Personne ne surveille la quantité de Bt pulvérisé dans le monde. À l'automne 2014, le Wall Street Journal estimait les ventes annuelles des bio-pesticides à environ 2 milliards de dollars. Le Bt pourrait représenter entre 57% et 90% de ce marché. En 2001, aux États-Unis, le Bt était appliqué sur plus de 40% des plants de tomate et 60% des plants de crucifères, une famille qui inclut les brocolis, les choux-fleurs et les choux verts. Depuis, les ventes du bio-pesticide ont énormément augmenté. En Europe, sa croissance annuelle depuis 2000 s'élève à quasiment 17%Toutes les analyses de marché prédisent que les ventes de bio-pesticides vont augmenter bien plus rapidement que le marché général des pesticides, notamment parce que les gouvernements en font la promotion. Le Wall Street Journal estime que, d'ici 2020, le Bt et autres recettes biologiques représenteront 10% du marché mondial des pesticides.

Certification biologique

L'une des conséquences de ce paradoxe –les OGM attaqués et les bio-pesticides en pleine prospérité–, c'est que vous pourriez penser manger moins de Bt, alors qu'en fait vous en mangez davantage. Imaginez que vous vivez en Allemagne. Selon une étude diligentée par le Congrès américain en 2014, l'Allemagne possède l'une des législations les plus strictes du monde en matière d'OGM. L'étiquetage est obligatoire, les cultures OGM sont dissuadées, et mêmes des cultures approuvées par l'Union européenne sont interdites. Mais des données collectées par l'ONU montrent que, pour la décennie la plus récente étudiée, pour 1.000 hectares de terre allemande arable, une moyenne annuelle de 125 tonnes de pesticides botaniques et biologiques (une catégorie qui inclut le Bt) est vendue à l'agriculture, pour une utilisation sur les plantes et les graines. Ce qui nous donne plus de 20 kilos de substance par hectare. À titre de comparaison, aucune espèce de maïs Bt ne produit plus de 0,8 kilo de toxine par hectare. 

Et devinez qui vend tout ce bazar? Les mêmes entreprises que Greenpeace condamne pour leur trafic de pesticides chimiques et d'OGM. Depuis 2012, les quatre premiers de la liste Greenpeace des gros affreux des pesticidesMonsanto, Syngenta, Bayer et BASF– ont déboursé près de 2 milliards de dollars pour passer sur le marché des bio-pesticides. Un autre mastodonte agricole, DuPont, a pour sa part investi 6 milliards de dollars. Si vous pensiez qu'en boycottant les OGM ou en achetant bio vous échappiez au Bt et combattiez l'agriculture capitalistique, détrompez-vous. Monsanto vous est déjà passé devant.

Les zélotes anti-OGM refusent d'admettre la vérité au sujet du Bt. Il y a deux ans, l'Organic Consumers Association et son site associé, GreenMedInfo, titraient sur la «Nouvelle étude liant les aliments OGM à la leucémie». Aujourd'hui, le titre de l'article n'est toujours pas corrigé, même si l'étude en question a été menée sur des spores de Bt cristallisés, soit un ingrédient des aérosols Bt, pas des cultures Bt. (L'étude est par ailleurs assez bordélique. La plupart des aliments donnés aux animaux ne contenaient pas de toxine Bt et l'article en tant que tel, pour des raisons non communiquées, a été retiré d'une revue reconnue, pour être publié dans une revue qui n'existait pas jusque-là.) Parallèlement, l'an dernier, Greenpeace publiait un catalogue d'exploitations «exemplaires», dans lequel une ferme espagnole était célébrée pour son «usage du Bacillus thuringiensis étendu à une plus grande zone cultivée». Ces deux organisations vous encouragent à acheter bio, mais oublient de préciser que des douzaines d'insecticides au Bt ont été approuvés pour l'agriculture biologique.

L'étiquetage des OGM ne permettra pas de tirer ce problème au clair. Les étiquettes ne vous diront pas s'il y a du Bt dans votre nourriture. Elles vous offrirons seulement l'impression, illusoire, que vous y avez échappé. C'est une des leçons que l'on peut tirer du Non-GMO Project et de son étiquetage volontaire, censé permettre un «choix informé» quant à la composition des aliments. Au début de l'année 2015, des stagiaires de Slate.com, Natania Levy et Greer Prettyman, ont contacté des producteurs de quinze produits au maïs certifiés par le Non-GMO Project. À chaque entreprise, elles ont demandé si leurs produits contenaient un quelconque ingrédient traité par des bio-pesticides. Cinq entreprises n'ont pas répondu. Deux nous ont dit, à tort, que leur certification biologique signifiait qu'ils n'utilisaient pas de pesticides, ou quoi que ce soit de potentiellement dangereux. Une a louvoyé, et a refait l'anguille lorsque nous lui avons expressément demandé des éclaircissements. Une autre nous a dit convenir aux limites légales. Trois ont confessé ne pas savoir. Aucun des fabricants n'a pu clairement nous garantir que leurs produits n'avaient pas été exposés au Bt.

Si vous pensiez qu'en boycottant les OGM ou en achetant bio vous échappiez au Bt et combattiez l'agriculture capitalistique, détrompez-vous

Telle est la faille fondamentale du mouvement anti-OGM. Sa mission d'information n'est qu'une prétention d'information. Quand vous écartez les dogmes et examinez les faits, vous réalisez qu'en se focalisant sur l'ingénierie génétique le mouvement commet une énorme erreur. Les principes qu'il affirme défendre –la protection de l'environnement, la santé publique, l'agriculture communautaire– sont bien mieux servis en épluchant les faits disponibles au cas par cas plutôt qu'en considérant les OGM, en tant que catégorie générique, comme le parangon de tout ce qui cloche dans le monde. Voici la vérité, dans toute sa complexité complexe. Dommage qu'elle ne puisse pas tenir sur une étiquette.

Défi moral et humanitaire du «riz doré»

À l'heure actuelle, dans le monde, un quart de milliard d'enfants de moins de six ans souffre d'une carence en vitamine A. Chaque année, entre 250.000 et 500.000 de ces enfants deviendront aveugles. Dans l'année qui suivra, la moitié de ces enfants aveugles mourra. La majorité de ces pathologies se retrouve en Asie du Sud-Est, où les populations se nourrissent principalement de riz. Le riz n'est pas assez riche en bêta-carotène –la substance qui, une fois digérée, produit la vitamine A.

Il y a vingt-cinq ans, une équipe de scientifiques, menée par Ingo Potrykus, de l'Institut fédéral suisse de technologie, voulut résoudre ce problème. Leur solution: concevoir un nouveau type de riz capable de produire du bêta-carotène.

L'idée semblait folle. Mais pour Potrykus, elle était bien plus sensée que la méthode mise en place à l'époque par plusieurs gouvernements: donner, à chaque personne et chaque année, deux pilules fortement dosées en vitamine A. N'était-il pas plus malin d'intégrer directement la vitamine A dans l'aliment de base de la région? De cette manière, les populations allaient pouvoir cultiver ce nutriment et en consommer quotidiennement, au lieu d'attendre des prescriptions occasionnelles. Il s'agissait d'une solution durable. D'une stratégie tirant profit d'une biotechnologie et permettant d'éviter des souffrances, des handicaps et des décès.

En 1999, Potrykus et ses collègues remportent leur premier succès. En transférant des gènes de jonquilles et de bactéries, ils créent le premier riz au bêta-carotène du monde. Ses grains jaunes lui confèrent son nom commun, le «riz doré». Le président Clinton s'enthousiasme pour cette avancée et enjoint les sceptiques des OGM à faire de même. Il admet que l'ingénierie génétique «est en tendance considérée comme un sujet intéressant les entreprises de l’agroalimentaire, parce qu'elle leur permet de gros profits, aux dépens de la sécurité alimentaire». Mais, dans le cas de la carence en vitamine A, c'est bien le statu quo qui relève du plus gros risque sanitaire. «Si nous pouvions avoir davantage de ce “riz doré” […] dans le monde en développement, déclare Clinton, nous pourrions sauver 40.000 vies par jour.»

Un scientifique montre la différence entre du riz ordinaire et du «riz doré» génétiquement modifié, à Manille, le 14 août 2013 | REUTERS/Erik De Castro

Les groupes anti-OGM l'avaient mauvaise. Ce projet humanitaire contrecarrait leurs critiques usuelles de l'ingénierie génétique. En 2001, Benedikt Haerlin, coordinateur de la section anti-OGM de Greenpeace, est présent aux côtés de Potrykus lors d'une conférence de presse organisée en France. Il concède que le «riz doré» relève d'une «bonne intention» et pose un «défi moral à [leur] position». Impossible pour Greenpeace de traiter le riz de poison. Alors l'organisation va combattre le projet sur des motifs techniques: le «riz doré» ne produirait pas suffisamment de bêta-carotène.

Une meilleure approche, selon les détracteurs des biotechnologies, serait d'aider les gens à cultiver des potagers remplis de haricots, de courges et autres espèces riches en vitamine A. Là où la chose n'est pas possible ou satisfaisante, Greenpeace recommande la supplémentation (distribuer des pilules de vitamine A) ou la fortification alimentaire, c'est-à-dire mélanger de la vitamine A dans des ingrédients de base –sucre, farine ou encore margarine.

Bêta-carotène: de «pas assez» à «dangereux»

Greenpeace ne se trompait pas sur le «riz doré». A l'époque, le riz ne produisait pas suffisamment de bêta-carotène pour venir à bout des carences en vitamine A. Sauf que les alternatives proposées non plus. Gordon Conway, président de la Rockefeller Foundation et financier du projet, expliquera certaines de ces gageures dans une lettre ouverte adressée en 2001 à Greenpeace:

«Des régimes parfaitement équilibrés sont la meilleure solution mais, plus les familles sont pauvres, moins leurs enfants ont de chances d'avoir un régime alimentaire équilibré, et plus ils ont de chances d'être dépendants de denrées peu chères, comme le riz. Ce qui est particulièrement vrai à la saison sèche, lorsque les fruits et les légumes sont rares et chers.»

Des régimes équilibrés sont la meilleure solution mais, plus les familles sont pauvres, plus les enfants ont de chances d'être dépendants de denrées peu chères, comme le riz

Gordon Conway, président de la Rockefeller Foundation et financier du projet, à propos du «riz doré»

Conway fait écho au scepticisme des nutritionnistes de l'Unicef, qui doutent que les cultures natives des régions les plus touchées par les carences puissent offrir suffisamment de bêta-carotène digestible. Pour Potrykus, l'idée même d'un potager pour tous –qu'on leur donne de la brioche à la carotte– pue l'ignorance occidentale:

«On parle de centaines de millions de pauvres sans terre, souligne Potrykus. Ils n'ont même pas de maison contre laquelle faire pousser un arbre fruitier.»

Potrykus et Conway veulent tout essayer pour diminuer les carences en vitamine A: la diversification, la fortification, la supplémentation et le «riz doré». Mais les groupes anti-OGM refusent. Pour eux, le «riz doré» est un «cheval de Troie» de l'ingénierie génétique. Et redoublent leurs deux poids deux mesures. Ils affirment que les populations des régions touchées ne vont pas vouloir manger le «riz doré», mais que, sans doute par l'opération du Saint-Esprit, ils vont apprendre à cultiver des plantes qu'ils ne connaissent ni d’Ève ni d'Adam. Ils font passer le «riz doré» pour une magouille financière puis –quand Potrykus assurera qu'il donnera gratuitement les semences aux fermiers les plus pauvres– affirment que cette distribution gratuite générera de la contamination génétique délétère aux cultures locales. Certains groupes anti-OGM avancent que le riz doit être abandonné, parce qu'il est lié à soixante-dix brevets.  Pour d'autres, cette histoire de soixante-dix brevets est une fiction conçue par les responsables du projet pour justifier leur collaboration avec AstraZeneca, une multinationale.

Pendant que les opposants cherchent à bloquer le projet, Potrykus et ses collègues travaillent, eux, à améliorer le riz. En 2003, ils développent des plants contenant huit fois plus de bêta-carotène que la version originale. En 2005, ils dévoilent une lignée végétale qui en contient vingt fois plus. Les détracteurs des OGM ne peuvent plus dire que le «riz doré» n'est pas efficace. Alors ils font machine arrière. Désormais, maintenant que le «riz doré» secrète un max de bêta-carotène, les militants anti-OGM vont prétendre que le bêta-carotène et la vitamine A sont dangereux.

Appui scientifique déformé

En 2001, les Amis de la Terre méprisent le «riz doré» en disant qu'il «ne fait rien pour atténuer [la carence en vitamine A] parce qu'il produit trop peu de bêta-carotène». En novembre 2004, le groupe change de refrain. Les cultures produisant du bêta-carotène peuvent «causer une toxicité directe ou provoquer un développement embryonnaire anormal», affirme-t-il. Un autre lobby anti-OGM, l'Institute of Science (ISIS), étale son propre retournement de veste dans un rapport de 2006:

«En 2000, ISIS a mené une analyse critique du “riz doré”. Parmi ses observations, celle que le riz ne produisait pas assez de bêta-carotène pour atténuer les carences alimentaires existantes. Depuis, les plants de riz ont été améliorés, mais ce n'est toujours pas suffisant pour remédier à de telles carences. D'un autre côté, augmenter la concentration de bêta-carotène risque de causer une surdose en vitamine A chez ceux qui, par leur nourriture, en assimilent suffisamment. De fait, la carence comme la supplémentation en vitamine A sont susceptibles de causer des malformations congénitales.»

Pour étayer ce nouvel alarmisme, David Schubert, militant anti-OGM et neurobiologiste du Salk Institute, rédige un papier sur les périls présumés des adjonctions de vitamine A. En 2008, il réussit à le faire publier dans le Journal of Medicinal Food. Dans son article, il fait remarquer que le bêta-carotène, et des douzaines de substances associées, les caroténoïdes, sont susceptibles de produire d'autres substances, les rétinoïdes, dont la vitamine A fait partie. Il déclare que tous les rétinoïdes «sont des tératogènes probables» –pouvant causer des malformations congénitales– et qu'il faut donc «mener des tests d’innocuité poussés avant d'envisager l'introduction du “riz doré”».

Sauf que Schubert déforme systématiquement les faits. Pour évoquer la possible toxicité du «riz doré», il cite une étude publiée en 1994 dans le New England Journal of Medicine. Schubert affirme que, selon cette étude, «les fumeurs qui se sont supplémentés en bêta-carotène ont un risque accru de cancer du poumon». Il oublie de mentionner que la dose quotidienne administrée dans l'étude équivalait, en gros, à dix à vingt bols de «riz doré». Il omet aussi de citer le reste de l'article soulignant que, en général, le bêta-carotène est en réalité associé à un risque moindre de cancer du poumon. En outre, il prétend qu'un rapport de 2004 du National Research Council (NRC) affirme que l'ingénierie génétique a «une probabilité plus importante de produire des changements imprévus que certaines méthodes de modification génétique». En réalité, le rapport du NRC affirme que l'ingénierie génétique a une probabilité plus importante de produire des changements imprévus que certaines méthodes de modification génétique, comme l'hybridation d'espèces proches, mais une probabilité moindre que d'autres, comme la mutagenèse par irradiation. Ainsi, la nature du changement induit mérite une plus grande considération que la méthode utilisée pour parvenir à ce changement.

En omettant la seconde partie de l'argumentation –«et une probabilité moindre que d'autres»–, Schubert fait passer le rapport du NRC pour une mise en garde contre les OGM, alors qu'en réalité, il explique pourquoi l'alarmisme contre les OGM est erroné.

Mais Schubert offrit aux opposants du «riz doré» ce dont ils avaient besoin: l'illusion d'un appui scientifique. Tous les lobbys anti-OGM ont depuis cité ce papier. La nouvelle position du mouvement, comme l'exprime Ban GM Food:

«Le “riz doré” est conçu de telles sorte qu'il surproduit du bêta-carotène, et des études montrent que certains rétinoïdes dérivés du bêta-carotène sont toxiques et peuvent causer des malformations congénitales.»

Sommets d’hypocrisie

Reste que la nouvelle position, comme l'ancienne, repose sur un deux poids deux mesures. Pour commencer, tous les végétaux verts produisent des caroténïdes. Pendant des années, les anti-OGM ont affirmé qu'au lieu de manger du «riz doré», les gens devaient plutôt faire pousser d'autres plantes riches en bêta-carotène. Ils ont aussi encouragé un recours à la sélection végétale, afin d'augmenter les concentrations en bêta-carotène. Si les caroténoïdes étaient toxiques, pourquoi ces plantes ne produiraient-elles pas le même poison?

Les opposants des OGM n'ont visiblement que faire des doses de bêta-carotène que les gens peuvent ingérer, tant que la substance ne vient pas de l'ingénierie génétique. Ils demandent davantage de tests sur le «riz doré», au motif que «des doses importantes de bêta-carotène peuvent avoir des effets délétères sur la santé». Mais quand on parle de surveiller les potagers domestiques, ils haussent les épaules et disent qu'il n'est «pas nécessaire de mesurer la quantité» de chaque vitamine consommée. Ils soutiennent aussi l'administration massive de vitamine A, via des gélules fortement dosées et la manipulation chimique des ressources alimentaires. Mais, selon leurs propres critères alarmistes –qui, heureusement, ne reposent sur rien–, de telles stratégies sont extrêmement risquées. Des sources de bêta-carotène, comme le «riz doré», le corps humain ne dérive que les doses de vitamine A dont il a besoin.

Les opposants des OGM n'ont visiblement que faire des doses de bêta-carotène que les gens peuvent ingérer tant que la substance ne vient pas de l'ingénierie génétique

Sur la question des OGM, Greenpeace affirme œuvrer pour la liberté. Dans son communiqué de 2009, «Touche pas à mon riz», dans les raisons évoquées pour justifier que l'organisation agisse «pour que le riz conventionnel et biologique soit préservé de toute contamination génétique», il est question de «choix» du consommateur et de «droits de l'homme». L'organisation déplore un possible contrôle du riz GM «par les multinationales et les gouvernements», susceptible de limiter «considérablement le choix d'aliments que nous pouvons consommer». Mais tant qu'il n'y avait pas d'OGM à l'horizon, Greenpeace était à fond pour la mainmise des entreprises et des gouvernements. Elle louait la distribution de gélules de vitamine A et de bêta-carotène, dans le cadre de «campagnes massives d'immunisation». Elle tressait des lauriers aux responsables sanitaires et aux entreprises agroalimentaires qui ajoutaient de la vitamine A et du bêta-carotène dans du sucre, de la margarine et des biscuits. Et elle suggérait même que les gouvernements rendent «la fortification obligatoire».

Aux Philippines, où Greenpeace a lutté pour bloquer les essais en plein champ du «riz doré», son hypocrisie a atteint des sommets. «Il est irresponsable d'imposer le “riz doré” GM aux populations si cela va à l'encontre de leurs convictions religieuses, de leur héritage culturel et de leur sentiment identitaire, ou simplement parce qu'elles n'en veulent pas», déclara l'organisation. Mais juste à côté de ce communiqué, Greenpeace recommandait «une supplémentation en vitamine A et une fortification vitaminique des aliments, comme cela est efficacement mis en œuvre aux Philippines». Selon la législation en vigueur aux Philippines, le bêta-carotène et la vitamine A doivent être ajoutés au sucre, à la farine et à l'huile alimentaire avant que ces produits soient distribués. Par ailleurs, le gouvernement administrait des gélules de vitamine A aux enfants en bas âge deux fois par an et, à certaines femmes enceintes, pendant vingt-huit jours consécutifs. Si Greenpeace croyait sérieusement que les rétinoïdes causaient des anomalies congénitales et relevaient d'une question de choix personnel, jamais ils n'auraient cautionné de tels programmes.

Jameson Bluma, 3 ans, lors d’une manifestation anti-Monsanto, à Los Angeles, en Californie, le 12 octobre 2013 | REUTERS/Lucy Nicholson
 

Enfants «cobayes»

Ce qui n'empêchera pas le lobby anti-OGM de péter un boulard lorsque des scientifiques, dans le cadre d'un essai clinique en Chine, décidèrent de donner du «riz doré» à manger à vingt-quatre enfants. L'essai, mené en 2008, était conçu pour mesurer combien de vitamine A le riz pouvait générer chez des individus carencés en vitamine A. Un groupe d'enfants mangeait du «riz doré», un autre prenait des capsules de bêta-carotène, et un troisième mangeait des épinards. Les chercheurs allaient trouver qu'une seule portion de «riz doré» cuit, soit 50 grammes de grains crus, pouvait couvrir 60% de la ration quotidienne de vitamine A recommandée pour un enfant. Dans une autre étude, ils trouvèrent qu'une portion de riz pour un adulte couvraient aussi ses besoins en vitamine selon les mêmes proportions. Le «riz doré» était aussi bon que les capsules, et meilleur que les épinards, pour dispenser la vitamine A.

Quand Greenpeace eut vent de l'étude, ils exhortèrent le gouvernement chinois à la faire cesser. Ils accusèrent les scientifiques de traiter les enfants comme des «cobayes». Dans une lettre envoyée à l'Université Tufts, responsable de ces essais, Schubert et vingt autres scientifiques anti-OGM y allèrent de leur vive réprobation:

«Notre plus grande préoccupation concerne le fait que le riz, conçu pour surproduire du bêta-carotène, n'a jamais été testé sur des animaux, et qu'il existe une littérature médicale conséquente montrant que les rétinoïdes dérivés du bêta-carotène sont à la fois toxiques et susceptibles de causer des anomalies congénitales.

 

Dans un tel contexte, l'usage de sujets humains (et notamment des enfants souffrant déjà de maladies consécutives à une carence en vitamine A) dans des essais d'aliments GM est parfaitement inacceptable.»

Dans toute leur angoissante tirade sur les dangers du bêta-carotène, jamais Schubert et ses collègues ne mentionnent les enfants qui, dans l'étude, ont pris des capsules de bêta-carotène. Et Greenpeace non plus. Leur unique tourment, c'est le riz.

Les défenseurs du «riz doré»furent dépités. Dans une lettre ouverte publiée par le Daily Mail, six scientifiques écrivirent:

«Ces expériences n'étaient pas plus dangereuses que si elles avaient exigé de donner une petite carotte à manger aux enfants, vu que les concentrations en bêta-carotène et en composés associés sont équivalents dans le “riz doré”.»

Mais les groupes anti-OGM étaient prêts à tout pour discréditer les essais. Ils découvrirent ainsi que, dans les formulaires de consentement donnés aux parents des enfants avant l'étude, il était bien stipulé que le «riz doré» produisait du bêta-carotène, sauf qu'ils ne spécifiaient pas que cette production était due à un transfert génétique.

Ces expériences n'étaient pas plus dangereuses que si elles avaient exigé de donner une petite carotte à manger aux enfants

Six scientifiques dans une lettre ouverte publiée par le Daily Mail

Chez Greenpeace, l'heure fut à l'outrage. Dans un communiqué de presse au titre plus qu'alarmant, Greenpeace allait citer un responsable asiatique qui déclarait:

«Les prochains cobayes du “riz doré” pourraient être les enfants philippins. Allons-nous rester les bras ballants en attendant de devenir les sujets de telles expérimentations?»

Dans un autre communiqué, Greenpeace demanda si les parents chinois avaient été «convenablement informés des risques». Mais, dans les mêmes documents, Greenpeace portait les Philippines aux nues pour leur administration de vitamine A à des femmes enceintes et pour leur adjonction de bêta-carotène dans l'alimentation.

Revendications sans fin

Quelque temps après, l’Université Tufts diligenta trois revues des essais cliniques. Deux étaient internes, la troisième externe. Leurs conclusions, publiées en 2013, confirmèrent que les revues avaient «identifié des problèmes» concernant une «explication inadéquate de la nature génétiquement modifiée du “riz doré”». Mais le verdict le plus essentiel était le suivant: «Les données de l'étude ont été validées et aucun effet sanitaire ou problème de sécurité n'a été identifié.» L'université expliqua:

«Ces diverses revues n'ont trouvé aucun problème lié à l'intégrité des données de l'étude, à la précision des résultats de recherche ou à la sécurité des sujets de recherche. De fait, l'étude indiquait qu'une simple portion du produit testé, le “riz doré”, pouvait couvrir plus de 50% des apports en vitamine A recommandés chez ces enfants, ce qui était susceptible d'améliorer significativement leur santé si le produit était intégré à leur régime alimentaire.»

Ce verdict ne convenait pas aux opposants du «riz doré», alors ils l'ont tout simplement ignoré. Comme, depuis seize ans, ils ont ignoré tous les faits et toutes les découvertes en porte-à-faux avec leur réquisitoire. Leur hostilité est implacable, leur alarmisme infalsifiable. Prenez la question des allergie. En 2006, des scientifiques ne trouvèrent aucun allergène dans les protéines du «riz doré». Mais ses opposants refusèrent d'admettre ces résultats. Ils demandèrent des tests complémentaires. Ils ont affirmé que le changement climatique pourrait altérer la «stabilité génétique» du riz. Ils ont prétendu que des interactions environnementales inattendues pourraient causer des changements imprévus dans le riz après plusieurs générations, et donc que les régulateurs devraient attendre éternellement avant de l'autoriser. 

Ouvertement, ces opposants en appellent à des critères de vérification inatteignables. Selon ISIS, «l'instabilité des lignées transgéniques» rend les «évaluations de sûreté quasiment impossibles». Et du côté de Greenpeace, concernant le «riz doré»:

«Il ne serait pas surprenant de voir des changements additionnels imprévus survenir dans la plante, ce qui poserait de nouveaux risques pour l'environnement ou la santé humaine. […] Cependant, il est quasiment impossible de rechercher des effets inattendus –par définition, on ne peut pas savoir ce qu'ils pourraient être, ni même où les chercher!»

Plantation de «riz doré» à l'Institut international de recherche sur le riz (IRRI) à Los Banos, au sud de Manille, le 12 mars 2007 | REUTERS/Darren Whiteside

Et tous ces critères ne s'appliquent qu'aux OGM. Pas aux alternatives promues par le mouvement anti-OGM. Il y a trois ans, Greenpeace recommandait la sélection assistée par marqueurs –en gros, des croisements génétiquement guidéscomme meilleur moyen d'augmenter les concentrations de bêta-carotène et d'autres nutriments. Un argument avancé dans le rapport de Greenpeace était que l'ingénierie génétique causait des «sites d'intégration, des nombres de copies, des réarrangements spontanés et des pertes imprévisibles» –en substance, que ça foutait en l'air l'ADN des organismes modifiés. Peu après, une étude trouva que Greenpeace avait compris les choses à l'envers: dans le riz, la sélection assistée par marqueurs cause davantage d'altérations génétiques et fonctionnelles que l'ingénierie génétique. Qu'importe, Greenpeace affirme toujours que l'ingénierie génétique, contrairement à la sélection assistée par marqueurs, crée «de nouveaux traits et de nouveaux dangers».

Les arguments et les revendications des cerbères anti-OGM sont sans fin. Ils veulent plus d'études – des «essais systématiques menés sur différents modes de cuisson» – pour voir combien de vitamine A fournit le riz. Ils veulent des études évaluant la quantité de bêta-carotène que perd le riz lorsqu'il est stocké à diverses températures. Si le riz fournit suffisamment de vitamine A, ils disent que c'est aussi un problème, parce que les gens ne ressentiront plus le besoin de manger d'autres plantes, et développeront donc d'autres formes de malnutrition. Ils affirment que des criminels se lanceront dans le riz contrefait, et vendront du riz jauni aux épices ou par d'autres méthodes, et que les gens croiront ingérer suffisamment de vitamine A, alors que non. 

Seize ans après son invention, le «riz doré» n'est toujours pas disponible dans le commerce. En août 2013, des militants anti-OGM détruisaient un essai en plein champ mené aux Philippines. L'an dernier, ils lançaient une pétition visant à bloquer tous les essais en plein champ et les études alimentaires. Greenpeace se targue d'affirmer qu'«après plus de dix ans de recherches, le “riz doré” est bien loin de tenir ses promesses concernant la carence en vitamine A». Et, entre temps, un million d'enfants seront morts.

Stratégie de l’angoisse

Jusqu'ici, nous nous sommes focalisés sur les questions sanitaires posées par les OGM. Les histoires de la papaye, du Bt et du «riz doré» démontrent, de diverses manières, comment de telles préoccupations sont infondées. Une chose que nous avons apprise, c'est que la peur des OGM est infalsifiable. Des centaines d'études ont été menées, et des tonnes d'aliments GM ont été mangés. Les preuves ne seront jamais suffisantes pour convaincre les prophètes de malheur de l'innocuité des OGM. Mais vous ne pouvez pas vivre accroché à des angoisses aussi inébranlables. Laissez tomber.

Si vous vous penchez sur les maladies ou les morts directes, vous pouvez construire un bien meilleur réquisitoire contre les aliments biologiques que contre les OGM

Une autre chose que nous avons apprise, c'est qu'il est absurde d'éviter les OGM sur la base de critères que personne n'applique aux aliments non GM. Oui, il est théoriquement possible que vous fassiez une overdose de vitamine A, ou que vous ingériez une protéine virale ou insecticide en mangeant des fruits, des céréales ou des légumes. Mais les OGM ne rendent pas de tels scénarios plus probables ou plus dangereux. En réalité, si vous vous penchez sur les maladies ou les morts directes –ou sur les corrélations entre ventes alimentaires et tendances épidémiques, ce que les militants anti-OGM adorent faire–, vous pouvez construire un bien meilleur réquisitoire contre les aliments biologiques que contre les OGM.

Troisième leçon: la ségrégation des OGM, prenant la forme d'étiquetage ou de restaurants «sans OGM» est fallacieuse. Une étiquette ne clarifiera pas ce qui se trouve dans votre assiette. Elle ne vous dira rien des ingrédients sous-jacents –pesticides, toxines et protéines– censés rendre les OGM dangereux. Elle ne fera que stigmatiser des aliments parfaitement sûrs, tout en relâchant la vigilance sur des produits sans OGM contenant pourtant les mêmes ingrédients conspués.

Les gens militant pour un étiquetage des OGM ou des rayons de supermarché sans OGM ne vous informent pas, ils ne vous protègent pas, ils se servent de vous. Ils disent à des producteurs de nourriture, des commerçants et des restaurants d'isoler les OGM, et au final de ne pas les vendre, parce que des gens comme vous ne vont pas en acheter. Ils disent à des politiques et des législateurs d'étiqueter les OGM et d'en restreindre l'usage parce que des gens comme vous ne font pas confiance à cette technologie. Ils se servent de vos angoisses pour justifier l'étiquetage des OGM, puis se servent de l'étiquetage des OGM pour justifier vos angoisses. Que vous restiez angoissé est la clé de leur stratégie politique et commerciale. Et des entreprises comme Chipotle, avec leurs campagnes marketing «sans OGM», jouent parfaitement le jeu.

Course aux herbicides

Mais la sécurité n'est pas la seule préoccupation relative aux OGM. Il y a d'autres critiques, et l'une d'entre elles mérite votre attention. Elle concerne l'application agricole la plus commune de l'ingénierie génétique: la résistance aux herbicides.

Trois-quarts du maïs et du coton cultivé aux États-Unis est modifié pour résister aux insectes. Ces cultures possèdent le gène bactérien Bt, les rendant létales pour les nuisibles qui veulent les manger. En outre, entre 80% et 85% du coton et du maïs américain est modifié pour résister à des substances chimiques herbicides et notamment au glyphosate, ou Roundup pour sa dénomination commerciale. (Les deux traits sont en général vendus ensemble). Les pourcentages sont comparables pour le soja. Dans le monde, les cultures résistantes aux insectes représentent à peu près 50% des terres allouées aux OGM, tandis que les semences résistantes aux herbicides en représentent plus de 80%.

Roundup, l’herbicide de Monsanto | Mike Mozart via Flickr CC License by

Ces deux applications sont considérées comme pesticides, parce que les mauvaises herbes, comme les insectes, sont des nuisibles. Et la chose est cruciale pour comprendre le débat sur les OGM et pour savoir si ces organismes ont, en général, augmenté ou diminué le recours aux pesticides. Une étude, publiée en 2012 par Charles Benbrook, soit l'anti-OGM le plus sensé, calcule que les OGM ont augmenté le recours aux pesticides de 7% aux États-Unis. Une analyse internationale publiée en 2014 calcule pour sa part que les OGM ont diminué le recours aux pesticides de 37%. Mais les deux études se rejoignent sur une distinction fondamentale: si les OGM résistants aux insectes diminuent le recours aux insecticides, les OGM résistants aux herbicides augmentent, eux, le recours à ces substances.  

Deux facteurs semblent particulièrement saillants pour comprendre l'augmentation des herbicides. Le premier est direct: si vos cultures sont conçues pour résister au Roundup, vous pouvez les asperger abondamment sans risquer de les tuer. Le second facteur est indirect: quand tous les agriculteurs pulvérisent du Roundup, les mauvaises herbes s'adaptent à un monde saturé de Roundup. Elles évoluent pour survivre. Pour tuer ces mauvaises herbes résistantes, les agriculteurs pulvérisent davantage d'herbicide. C'est une course à l'armement.

En dépit du débat actuel sur les effets du glyphosate, les experts s'accordent à dire qu'il est relativement inoffensif. Benbrook y voit un des herbicides les plus sûrs du marché. Il conclut:

«À la lumière des propriétés environnementales et toxicologiques généralement favorables du glyphosate, notamment comparées à celles d'autres herbicides qu'il a supplantés, la hausse spectaculaire du recours au glyphosate n'a sans doute pas sensiblement augmenté les risques pour la santé humaine.»

Mais la course à l'armement pourrait changer la donne. À mesure que les mauvaises herbes évoluent pour résister au Roundup, les agriculteurs recourent à d'autres herbicides, plus préoccupants. Et des entreprises conçoivent des cultures transgéniques capables de résister à ces herbicides et permettre aux agriculteurs de les pulvériser librement.

Monoculture

Chipotle déplore que les OGM «produisent des pesticides» et «créent des super mauvaises herbes résistantes aux herbicides». L'entreprise affirme que l'étude de Benbrook montre que «le recours aux herbicides et aux pesticides a augmenté de plus de 200 millions de kilos à cause des cultures OGM» (Chipotle, contrairement à Benbrook et à d'autres experts parle de pesticide pour dire insecticide). Mais l'argument est doublement fallacieux. Premièrement, en faisant la somme de toutes les données, Chipotle camoufle la moitié des observations de Benbrook: que les cultures Bt diminuent le recours aux insecticides et donc, au final, réduisent l'usage combiné de tous les pesticides chimiques. Deuxièmement, le problème à l'origine de la course à l'armement herbicide, ce n'est pas l'ingénierie génétique. C'est la monoculture.

En recourant trop à une seule méthode de contrôle des mauvaises herbes, nous avons aidé les mauvaises herbes à évoluer pour les surmonter

Tous ceux à avoir sérieusement étudié le problème –Benbrook, l'USDA, le National Research Council– arrivent à la même conclusion: en recourant trop à une seule méthode de contrôle des mauvaises herbes, nous avons aidé les mauvaises herbes à évoluer pour les surmonter. Pour flouer l'évolution, vous devez créer des pressions évolutives moins prévisibles. Ce qui veut dire alterner les herbicides pour que les mauvaises herbes ayant développé une résistance à un herbicide soient tuées par un autre. Ce qui signifie aussi alterner les cultures, pour que les mauvaises herbes aient à concurrencer différentes plantes et soient confrontées à différentes méthodes de labour, d'arrosage et de moisson. L'industrie et les législateurs, un peu tard, commencent à s'emparer du problème. Dans le cadre de ses procédures d'agrément de produits ou de renouvellement d'agrément, l'EPA, soutenue par l'USDA, demande désormais aux fabricants d'herbicides et de cultures résistantes aux herbicides de mesurer leur usage de produits chimiques et d'en rendre précisément compte, d’œuvrer aux côtés des agriculteurs pour contrôler l'usage excessif de ces produits, et de promouvoir des méthodes de contrôle des mauvaises herbes non herbicides.

Les OGM sont une partie du problème. Les cultures résistantes aux herbicides permettent aux agriculteurs de pulvériser des herbicides plus souvent et en plus grande quantité sans léser leurs cultures. Ce n'est pas un hasard si Monsanto, qui vend les semences résistantes au Roundup, vend aussi le Roundup. Mais les OGM n'ont pas inventé la monoculture et les interdire ne va pas la faire disparaître. Les agriculteurs cultivent l'homogénéité depuis des millénaires. Le Roundup est en circulation depuis plus de quarante ans.

Chipotle illustre bien la stupidité du renoncement aux OGM au nom du contrôle des herbicides. Selon ses nouvelles directives, «tous les ingrédients à base de maïs utilisés dans les recettes Chipotle qui pouvaient être génétiquement modifiés ont été retirés ou remplacés par des versions non GM, tandis que tous les ingrédients dérivés du soja pouvant être génétiquement modifiés ont été remplacés par des alternatives, comme l'huile de son de riz ou l'huile de tournesol».

Mais passer à l'huile de tournesol est manifestement contre-productif. Comme le souligne Dan Charles, de NPR, «de nombreuses variétés de tournesol, même si elles ne sont pas génétiquement modifiées, sont aussi résistantes aux herbicides. Elles ont été sélectionnées pour tolérer un type d'herbicide, les inhibiteurs de l'ALS. Et vu que les agriculteurs se sont mis à recourir massivement à ces herbicides, de nombreuses mauvaises herbes ont évolué et résistent désormais à ces substances. En réalité, les mauvaises herbes à être devenues résistantes aux inhibiteurs de l'ALS sont plus nombreuses que celles résistant au glyphosate».

La vérité sur les OGM est complexe | Newtown grafitti via Flickr CC License by

Et cela n'est qu'un seul exemple de la complexité afférente à l'évaluation des effets d'une proscription totale des OGM. Le Roundup n'est pas le seul herbicide, l'ingénierie génétique n'est pas la seule technologique créant de la résistance aux herbicides et votre santé (qui n'a pas plus de risque d'être lésée par un quelconque herbicide contenu dans des aliments GM que par celui contenu dans des aliments non GM) est seulement l'un des nombreux facteurs à prendre en ligne de compte. Pour jauger la sagesse environnementale du remplacement d'un produit OGM par un produit non OGM, vous devrez savoir quels pesticides sont impliqués dans quels produits, et comment ces pesticides affectent des espèces vivant dans les cultures. Rien de cela ne sera mentionné sur une étiquette.

Il vous faudra aussi considérer les bénéfices environnementaux de l'efficience agricole. En rendant les terres agricoles plus productives, avec moins de rendements laissés aux mauvaises herbes et aux insectes, les OGM réduisent aussi la surface des zones arables et la quantité d'eau gaspillée. Les cultures résistantes aux herbicides peuvent même minimiser les effets du changement climatique, parce que le labourage des champs, une manœuvre qui érode les sols et émet des gaz à effet de serre, devient moins nécessaire.

Pour de meilleurs OGM

Plus vous en apprenez sur la résistance aux herbicides, plus vous comprenez combien la vérité sur les OGM est complexe. Premièrement, vous découvrez qu'ils ne sont pas le mal incarné. Ensuite, vous apprenez qu'ils ne sont pas parfaitement innocents. Et enfin, vous réalisez que rien n'est parfaitement innocent. Pesticide contre pesticide, technologie contre technologie, risque contre risque –tout est relatif. Le mieux que vous puissiez faire, c'est de jauger chaque pratique à l'aune de ses alternatives. Le minimum que vous ayez à faire, c'est d'ignorer un étiquetage à trois lettres.

Farfouillez les actualités, et vous trouverez des scientifiques travaillant sur des projets ambitieux: des carottes riches en calcium, des tomates antioxydantes, des noix dénuées d'allergènes...

Vingt ans après les débuts de l'alimentation génétiquement modifiée, il est grotesque que les seules applications commerciales de cette technologie soient toujours focalisées sur des désherbants à la papa. Pour Greenpeace et Chipotle, la réponse à cette farce consiste à purger la planète de tous les OGM. Ils ont expressément tort. L'acharnement inépuisable des Luddites à bloquer les tests, les agréments légaux et le développement commercial des OGM est ce qui explique, principalement, pourquoi des OGM plus sophistiqués comme le «riz doré» ne sont toujours pas disponibles. La meilleure façon de desserrer la mainmise du secteur des herbicides sur l'ingénierie génétique consiste à soutenir cette technologie et à la faire progresser en disant aux législateurs, aux producteurs agroalimentaires et aux fabricants de semences que vous voulez de meilleurs OGM.

Le catalogue de l'USDA sur les plantes GM les plus récentes liste un tas d'options valables. On y trouve du maïs résistant à la sécheresse, des prunes résistantes à un virus, des pommes qui ne brunissent pas, des pommes de terre moins riches en toxines naturelles et du soja produisant moins de graisses saturées. Selon un récent inventaire international dressé par la FAO, d'autres projets sont aussi dans les tuyaux: des haricots résistant à un virus, de la canne à sucre qui ne craint pas la chaleur, du blé résistant au sel, du manioc résistant à des maladies, du riz riche en fer et du coton qui nécessite moins d'engrais azotés. Farfouillez les actualités, et vous trouverez des scientifiques travaillant sur des projets encore plus ambitieux: des carottes riches en calciumdes tomates antioxydantes, des noix dénuées d'allergènesdes oranges résistantes aux bactériesdu blé stockeur d'eau, du maïs et du manioc bourrés de nutriments, et une plante proche du lin produisant le type d'huile bénéfique jusqu'ici uniquement extraite du poisson.

Voilà ce que l'ingénierie génétique peut faire pour votre santé et notre planète. Si elle ne l'a pas encore concrètement fait, c'est que nous sommes englués dans une guerre stupide et ruineuse. D'un côté, nous avons une armée de charlatans et de pseudo-écologistes guerroyant contre la science. De l'autre, des pleutres d'industriels tout contents d'assurer leurs profits grâce à des herbicides caducs, plutôt que d'investir dans des produits risquant d'offenser un public dressé à la suspicion. La seule manière de mettre fin à ce bourbier est de nous éduquer nous-mêmes et de dire clairement à tout le monde –les gouvernements européens, les producteurs de fruits et de légumes avant-gardistes, les chaînes de restaurants à la mode, les laboratoires de recherche universitaire et les investisseurs du secteur biotechnologique–que nous sommes prêts, en tant qu'électeurs et consommateurs, à accueillir des aliments nutritifs et respectueux de l'environnement, qu'importe où ils ont bien pu trouver leurs gènes. Nous voulons nos OGM. Maintenant, montrez-nous ce dont vous êtes capables.

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