Parents & enfants

Quel est l'écart d'âge idéal entre les enfants?

Je pense que c'est 2 à 3 ans maximum. Laissez-moi vous expliquer pourquoi.

A Santa Monica, aux Etats-Unis, le 4 octobre 2014. REUTERS/Lucy Nicholson
A Santa Monica, aux Etats-Unis, le 4 octobre 2014. REUTERS/Lucy Nicholson

Temps de lecture: 6 minutes

En France, l’âge moyen auquel les femmes accouchent de leur premier enfant continue à augmenter peu à peu, même si la croissance a tendance à ralentir. En 2010, cet âge moyen était de 28,1 ans pour les femmes françaises (contre 24,2 en 1967). L’évolution de la durée des études et du marché du travail ont influé sur ce chiffre, mais pas seulement: il semblerait que les Françaises (et les Français) aient décidé de profiter plus longuement de leurs vies d’adultes nullipares avant de se lancer.

Pour ces adultes qui souhaiteraient à tout prix fonder une famille sans pour autant précipiter les choses, des chercheurs de l’université de santé publique de Rotterdam viennent de livrer une étude intéressante. Se basant sur les comportements de nombreux couples ainsi que sur les chiffres de la fertilité en fonction de l’âge, elle donne aux femmes l’âge idéal pour avoir leur premier enfant selon le nombre total d’enfants qu’elles désirent avoir. Pourquoi les femmes? Parce que leur fertilité est censée diminuer à partir de l’âge de 30 ans, et de plus en plus rapidement après 35 ans, explique le New Scientist. Les hommes, eux, n’ont pas ce problème: sur le papier, ils peuvent se reproduire à tout âge, leur fertilité ne diminuant de façon significative que peu avant la cinquantaine.

Les conclusions de l’étude sont résumées dans ce tableau, qui ne va pas au-delà de 3 enfants :

En résumé, une femme qui souhaiterait trois enfants aurait 90% d’y parvenir en démarrant à l’âge de 23 ans, contre seulement 50% de chances à 35 ans. Le recours à des fécondations in vitro (IVF) permettrait de faire grimper ces chiffres jusqu’à respectivement 28 et 36 ans.

Ce que l’étude ne dit pas, c’est qu’outre les éventuels problèmes de fertilité, avoir son premier enfant sur le tard peut être synonyme de grosse galère. Il faut vraiment une forme olympique et un mental d’acier pour parvenir, après 40 ans sans enfants, à trouver la patience et l’énergie pour devoir soudain s’occuper d’un moutard. Se lever toutes les quatre heures chaque nuit pendant des mois, se casser le dos pour le porter sans cesse, dire en grande partie au revoir à la possibilité d’envoyer les horaires au diable ou de sortir sur un coup de tête. Ce n’est pas simple à 26 ans (mon âge et celui de ma femme au moment de notre entrée dans le monde des parents), mais après 10 ou 15 ans de plus, cela doit véritablement ressembler à l’enfer.

Je ne regrette pas d’avoir été un jeune parent, et je le conseillerais même à celles et ceux qui se poseraient des questions

Toute généralisation est évidemment risquée: beaucoup de jeunes parents quadras s’en sortent très bien et ne regrettent pas leur choix, sans parler de ceux qui n’ont pas eu d’autre choix que celui d’attendre en raison d’une fertilité capricieuse. Mais à titre personnel, je ne regrette pas d’avoir été un jeune parent, et je le conseillerais même à celles et ceux qui se poseraient des questions. J’ai l’impression d’avoir suffisamment profité de ma vie de nullipare avant l’arrivée de ma première fille, et je suis persuadé que ma relative jeunesse m’a permis de tenir le choc des nuits à donner le biberon (je l'ai fait toutes les nuits, donnez-moi un cookie) et des journées à jouer au loto de la ferme.

Ma fille aura 5 ans en janvier. Quelques jours avant, son frère aura soufflé sa troisième bougie. Et nous attendons la petite dernière pour fin novembre. Ensuite, rideau. Tout s’est déroulé quasiment comme dans nos plans (avec l’aide précieuse de Dame Nature, qui ne nous a pas joué trop de mauvais tours). Car si l’âge auquel avoir son premier enfant est forcément une chose importante, l’espacement entre les mouflets en est une autre.

2 à 3 ans d'écart

J’estime, personnellement, à entre 26 et 34 mois l’écart idéal à maintenir entre deux naissances, c’est à dire un peu plus de deux ans et un peu moins de trois. Pourquoi pas un nombre exact d’années? Parce que plusieurs anniversaires le même mois, c’est la plaie (pour le portefeuille mais aussi pour les nerfs). Dans le cas de nos deux aînés, ils ne sont espacés que de treize jours et tombent peu après Noël. D’où un interminable tunnel d’idées de cadeaux à renouveler rapido, de gâteaux à imaginer et, bientôt, de surboums à organiser (on ne dit plus «surboum» depuis 40 ans, je sais). L’idée, c’est d’espacer chaque anniversaire d’au moins 2 mois. Cela ne fonctionne plus au-delà de 6 enfants, mais c’est une autre histoire.

En-dessous de deux ans d’écart, ce n’est plus de courage qu’il est question, mais d’inconscience absolue

En-dessous de deux ans d’écart, ce n’est plus de courage qu’il est question, mais d’inconscience absolue (même si les témoignages glanés çà et là montrent souvent que la deuxième grossesse n’était pas désirée, en tout cas pas aussi rapidement). 

Cela implique de gérer simultanément plusieurs bébés absolument pas autonomes, et juste assez déphasés l’un par rapport à l’autre (niveau apprentissages, sommeil et alimentation) pour que ce soit pénible. Mais le plus important, c’est bien sûr la santé de la mère, pour qui cela revient à enchaîner deux grossesses en très peu de temps. Les mères ayant subi une césarienne sont particulièrement concernées: les médecins leur conseillent d’attendre au moins un an après la naissance précédente pour retomber enceintes. Dans le cas contraire, les risques d’anomalies du placenta et de ruptures utérines sont en effet multipliées.

Au-delà de trois ans, c’est comme s’il fallait repartir chaque fois à zéro. La dernière tétée, la dernière couche, la dernière dent sortie constituent de véritables soulagements, et remonter en selle après une pause de quelques mois ou années n’est pas forcément chose simple. Il faut réapprendre comment ça marche, s’équiper de nouveau… En-dessous de ce délai de trois ans, on ne relève jamais vraiment la tête du guidon, et ça n’est pas si mal: on n’arrête jamais vraiment de mettre de la pommade sur les fesses et de soigner des bobos qui n’existent pas, mais cela rend la lumière au bout du tunnel encore plus belle et attrayante.

Chez nous, la petite dernière n’est pas encore née que l’on sait déjà à quelle date on pourra par exemple dire enfin adieu aux couches (gros gain de temps et de budget). Aux alentours du printemps 2018, nous laisserons derrière nous sept années non stop de couches qui fuient et de sacs poubelle parfumés. Sept ans, c’est déjà beaucoup, mais c’est bien moins que pour certaines familles dans lesquelles les naissances ont été plus espacées. Les couches font partie de notre quotidien et nous nous en accomodons parfaitement, mais la délivrance qui suivra cette phase sera absolument immense. L’idée n’est pas pour me déplaire, tout comme celle de vider peu à peu le grenier de ces sacs de vêtements classés par taille, de cette chaise haute qui aura vu pleuvoir mille purées de carotte, de ce parc en bois constellé de petites traces de dents.

Oui, enchaîner assez rapidement les naissances est aussi une façon de pouvoir ensuite être tranquilles

Nos amis nullipares semblent parfois choqués lorsque nous leur expliquons que oui, enchaîner assez rapidement les naissances est aussi une façon de pouvoir ensuite être tranquilles. Cela donne l’impression qu’avoir des enfants est un fardeau et que nous y avons été obligés. Rectification: ça n’est un fardeau que par moments, et c’est de toute façon un fardeau totalement assumé. En revanche, il est assez agréable de se dire que bientôt, le plus dur sera fait. Oh, nous avons bien conscience que devoir cohabiter avec trois pré-ados (puis ados, puis jeunes adultes) ne sera pas de tout repos, mais l’idée qu’ils prennent peu à peu leur indépendance jusqu’à nous laisser plus de temps rien qu’à nous est assez séduisante. Pouvoir les coller seuls dans le train ou dans l’avion pour qu’ils aillent rejoindre leurs grands-parents, passer la soirée au pub en ayant juste à s’assurer qu’ils n’essaient pas de siffler des bières, improviser des week-ends et des soirées sans avoir à penser au lit parapluie et au stock de biberons… Ça n’est pas pour tout de suite, mais y penser dès maintenant ne fait pas de mal. Et c’est assez rassurant de constater que nos amis avec enfant(s) nous comprennent.

L'entente entre les enfants

Il y a aussi une justification plus noble à ce choix de ne pas trop espacer les naissances: la complicité entre les enfants. C'est très chouette de voir nos deux aînés partager les mêmes jeux avec plaisir, sans que cela ressemble à une corvée pour la plus grande. Et l'an prochain, tandis qu'elle entrera en moyenne section, son frère découvrira l'école grâce à la toute petite section. C'est pratique pour nous et rassurant pour tous les deux, qui se réjouissent depuis des mois d'être bientôt dans la même école. Je sais que des écarts supérieurs à trois ans peuvent aussi donner lieu à de jolies relations entre frères et soeurs, où les plus âgés donnent amour et protection aux plus jeunes. Mais, quitte à avoir le choix, je préfère que ce rôle revienne en premier lieu aux parents. L’idée qu’un grand frère puisse se montrer trop paternaliste avec une petite soeur beaucoup plus jeune que lui me fait assez peur. Dans notre système d’âges rapprochés, nous espérons que chacun pourra veiller sur les autres, indépendamment de son rang dans la fratrie. Même si cela sera inévitable dans un premier temps. 

Cet écart de deux à trois ans, visiblement plébiscité par certains psychologues, est aussi contesté par d’autres. Dans le livre Frères et soeurs, chacun cherche sa place, la psychologue clinicienne Françoise Peille met en garde sur le risque important de rapports conflictuels et de jalousie: «l’hostilité sera plus forte quand l’écart d’âge se trouve compris entre deux et quatre ans, c’est-à-dire quand la naissance du puîné survient avant que l’aîné ait abordé et assumé sa problématique oedipienne. Après cinq ans, le grand peut avoir des compensations qui l’aideront à surmonter l’épreuve». Donnons-nous rendez-vous dans trente ans pour savoir si notre choix aura été le bon.

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