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Référendums européens: les jeunes votent-ils plus souvent «non» que leurs aînés?

Le «non» en Grèce a été largement plébiscité par les 18-24 ans. Déjà en 2005, en France, en Pays Bas et en Espagne, les plus jeunes générations avaient davantage voté contre le traité européen.

Des manifestants place Syntagma  le 5 juillet. REUTERS
Des manifestants place Syntagma le 5 juillet. REUTERS

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Parmi les plus ardents défenseurs du «non» au référendum en Grèce, qui ont fêté leur écrasante victoire dimanche soir, on trouve les jeunes. 85% des 18-24 ans  (72% chez les 25-34 ans) ont souhaité rejeter le plan de réformes et de rigueur proposé par la troïka (FMI, Union européenne, Banque centrale européenne), selon un sondage de sortie des urnes de l’Institut Public issue, contre «seulement» 45% pour les plus de 66 ans. Mais les jeunes Grecs sont-ils à l’image des jeunes Européens? Et ce rejet équivaut-il à un rejet de l’Europe?

Prenons les référendums de 2005 sur le traité constitutionnel européen, organisés en France, aux Pays-Bas et en Espagne. Dans ce dernier pays, un sondage de sortie des urnes indique que les jeunes de 18 à 24 ans ont très largement voté favorablement en faveur du traité (55% pour les 18-24 ans et 63% pour les 25-39 ans). Mais beaucoup moins que leurs parents et grands-parents, qui ont voté oui à 76% (40-54 ans) et 84% (55 ans et plus). 

En France, le vote favorable, selon un autre Eurobaromètre, est plus élevé chez les deux catégories les plus jeunes (avec respectivement 41% et 43%) que chez les 40-54 ans, mais plus faible que chez les plus de 55 ans. Aux Pays-Bas, où le traité a été également rejeté, presque la moitié des plus âgés ont voté pour le traité, contre seulement un quart des plus jeunes.

La position des jeunes varie en fonction des pays, mais avec de grandes similarités: ils sont souvent moins nombreux que les plus âgés à voter oui. Cette opposition de générations se vérifie lors d’autres référendums, comme celui organisé par l’Irlande sur le traité de Lisbonne (où ce pays fut le seul à organiser un référendum).

La Grande-Bretagne, une exception

Quelques pays ne semblent pas correspondre au «schéma», comme la Grande-Bretagne. Interrogés sur leur envie de rester en Europe, les jeunes Britanniques sont beaucoup plus nombreux que leurs parents et grands-parents à voter pour le «oui», selon plusieurs sondages Yougov parus ces dernières années. Les 18-24 ans sont ainsi 61% à dire qu’ils «voudraient voter pour que la Grande-Bretagne reste un membre de l’Union européenne» et les 25-39 ans sont 53%. De 40 à 59 ans ils ne sont plus que 40% et au delà de 60 ans, 38%, si on prend par exemple des chiffres qui datent d’avril 2015.

«Il existe en Grande-Bretagne une vieille tradition conservatrice eurosceptique, dont toute une partie se retrouve à Ukip (le parti de Nigel Farage, qui milite pour le retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne). Ils ont un tempérament souverainiste de droite et n’ont jamais vraiment admis l’Europe. Les jeunes britanniques profitent quant à eux bien des processus de mobilité permis par le système Erasmus notamment. Ils sont en général mieux placés que les autres pays pour y avoir accès», fait remarquer Pascal Perrineau, spécialiste de sociologie électorale.

Ils aiment l’Europe, mais pas celle-là

Mais le «non» aux référendums signifie-t-il un non à l’Europe? Pas forcément, car «lorsque vous regardez les sondages d’opinion, les jeunes ont plutôt des attitudes pro-européennes», ajoute le politologue français. Effectivement, c’est ce que l’on constate à l'aune du dernier Eurobaromètre standard paru en novembre 2014. À la question, par exemple, «Avez-vous plutôt confiance ou plutôt pas confiance dans l’Union européenne?»(comme institution), les 15-24 ans sont quasiment une moitié à avoir «plutôt confiance» (48%) quand les plus de 55 ans ne sont qu’un tiers (32%). 

Les jeunes sont d’accord avec le principe de l’Europe, mais ils ne veulent pas n’importe laquelle. Et les personnes âgées ont sans doute beaucoup plus peur des conséquences d’un rejet des réformes proposées

Laurence Morel, maître de conférences à Lille 

Un paradoxe, ou du moins un fait surprenant, au premier abord, puisqu’on pourrait s’attendre à ce que la confiance dans une institution se traduise plutôt par une meilleure acceptation des réformes qu’elle nous propose.

Les jeunes Grecs et les jeunes Européens en général sont peut-être tout simplement exigeants avec les institutions... parce qu’ils les respectent, et qu’ils attendent en conséquence «mieux» d’elles. 

«Ils sont d’accord avec le principe de l’Europe, mais ils ne veulent pas n’importe laquelle. Et les personnes âgées ont sans doute beaucoup plus peur des conséquences d’un rejet des réformes proposées, d’un risque de scission», avance Laurence Morel, maître de conférences à la faculté des sciences juridiques politiques et sociales de l'université de Lille.

«Les générations de plus de 60 ans sont plus europhiles dans leur vote parce qu’elles ont connu la paix et la croissance, alors que leurs parents ne cessaient de leur parler de la guerre. Les jeunes générations n’ont plus cette mémoire historique. Ils voient les défauts de l’Europe. Et c’est une génération élevée de manière délétère par les hommes politiques qui rejettent la faute sur elle. On est en train de récolter les fruits notre sottise», explique son confrère Pascal Perrineau.

La jeunesse plus frappée par la crise

Les jeunes, qui votent traditionnellement plus à gauche que leurs aînés, se sont aussi peut-être détachés de l’Europe qu’on leur proposait à mesure que les slogans sur «l’Europe libérale» se sont développés, et que les institutions européennes sont apparues comme ancrées «à droite». De fait, la Commission européenne est dirigée depuis maintenant plus de dix ans par un conservateur: aujourd’hui Jean-Claude Juncker et avant José-Manuel Barroso.

La jeunesse grecque a surtout été particulièrement touchée par la crise, comme l’ont montré de nombreux reportages et articles, y compris dans nos colonnes. Plus de la moitié des 18-34 ans résident toujours chez leurs parents, comme en Espagne, au Portugal ou en Italie. Le chômage touche un jeune de moins de 25 ans sur deux (contre moins d’un quart en France). Hostiles à l’Europe, les jeunes? Pas forcément. Mais comme le dit la chercheuse Laurence Morel, «ils n’ont pas envie de payer la note de leurs parents et grands-parents».

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